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ILLUSTRATIONS | ||||||||||
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D’après Journal des savants paru en 1678
Toinard a eu avis que le P. Besnier Serrurier de Sablé au pays du Maine a inventé une machine à quatre ailes pour voler. Quoi qu’il en attende une figure et une description plus exacte que celle-ci, l’on a cru que parce que ce Journal est le dernier de ceux que nous donnerons cette année avec celui du Catalogue de tous les livres et de la Table des Matières par où nous finissons toutes les années, le public ne serait pas fâché d’apprendre par avance une chose si extraordinaire.
Cette machine consiste en deux bâtons qui ont à chaque bout un châssis oblong de taffetas, lequel châssis se plie de haut en bas comme des battants de volets brisés. Quand on veut voler on ajuste ces bâtons sur ses épaules, en sorte qu’il y ait deux châssis devant et deux derrière. Les châssis de devant sont remués par les mains, et ceux de derrière par les pieds en tirant une ficelle qui leur est attachée. L’ordre de mouvoir ces sortes d’aile est tel, que quand la main droite fait baisser l’aile droite de devant marquée A, le pied gauche fait baisser par le moyen de la ficelle E l’aile gauche de derrière marquée B. Ensuite la main gauche, faisant baisser l’aile gauche de devant marquée C, le pied droit fait baisser par le moyen de la ficelle l’aile droite de derrière marquée D, et alternativement en diagonale. Ce mouvement en diagonale a semblé très bien imaginé, puisque c’est celui qui est naturel aux quadrupèdes et aux hommes quand ils marchent ou quand ils nagent ; et cela fait bien espérer de la réussite de la machine. On trouve néanmoins que, pour la rendre d’un plus grand usage, il y manque deux choses. La première est qu’il y faudrait ajouter quelque chose de très léger et de grand volume, qui, étant appliqué à quelque partie du corps qu’il faudrait choisir pour cela, pût contrebalancer dans l’air le poids de l’homme ; et la seconde chose à désirer serait que l’on y ajustât une queue, car elle servirait à soutenir et à conduire celui qui volerait ; mais l’on trouve bien de la difficulté à donner le mouvement et la direction à cette queue, après les différentes expériences qui ont été faites autrefois inutilement par plusieurs personnes.
La première paire d’ailes qui est sortie des mains du sieur Besnier a été portée à la Guibré, où un baladin l’a achetée et s’en sert fort heureusement. Présentement, il travaille à une nouvelle paire plus achevée que la première. Il ne prétend pas néanmoins pouvoir s’élever de terre par sa machine, ni se soutenir fort longtemps en l’air, à cause du défaut de la force et de la vitesse qui sont nécessaires pour agiter fréquemment et efficacement ces sortes d’ailes, ou en terme de volerie pour planer. Mais il assure que, partant d’un lieu médiocrement élevé, il passerait aisément une rivière d’une largeur considérable, l’ayant déjà fait de plusieurs distances et en différentes hauteurs. | ||||||||
Il a commencé d’abord par s’élancer de dessus un escabeau, ensuite de dessus une table, après d’une fenêtre médiocrement haute, ensuite de celles d’un second étage, et enfin d’un grenier d’où il a passé par dessus les maisons de son voisinage, et s’exerçant ainsi peu à peu, a mis sa machine en l’état où elle est aujourd’hui.
Si cet industrieux ouvrier ne porte cette invention jusqu’au point où chacun se forme des idées, ceux qui seront assez heureux pour la mettre dans sa dernière perfection lui auront du moins l’obligation d’avoir donné une vue dont les suites pourront peut-être devenir aussi prodigieuses que le sont celles des premiers essais de la navigation. Car quoi que ce que nous avons dit du Dante de Pérouse, que le Mercure Hollandais de l’année 1673 rapporte d’un nommé Bernoin qui se cassa le col en l’ôtant à Francfort, ce que l’on a vu même dans Paris, et ce qui est arrivé en plusieurs autres endroits, fasse voir le risque et la difficulté qu’il y a de réussir dans cette entreprise, il s’en pourrait enfin trouver quelqu’un qui serait ou plus industrieux ou moins malheureux que ceux qui l’ont tentée jusqu’ici.
L’appareil représenté par le dessin du Journal des savants ne saurait être construit et donner aucun résultat sérieux : le document historique ici reproduit est insuffisant pour qu’il soit permis d’affirmer, comme on l’a fait, que Besnier ait pu réussir dans ses essais de vol aérien. Il ne serait pas impossible cependant qu’un appareil analogue ait fonctionné à la façon d’un parachute, mais alors il ne pouvait avoir l’aspect de la figure. | ||||||||