LA REVUE ILLUSTREE

DU CALVADOS  1911-1914 

         
 

Petite chronique féminine de

CAVELLIER, Gabrielle

paru dans la revue du Calvados de 1911à 1914
  

 
 

 

 

 

 

1912

 

Débuts de Ménage

Les Candidats au mariage

Petits Rêves. Grandes Folies...

En bicyclette

Les parisiens en voyage

Avant les noces

Le monsieur au coup de foudre

La politesse de la table

Propos pour les jeunes filles

Les Veuves qui se remarient

 
     
     
   
  LA REVUE ILLUSTREE DU CALVADOS    1911-1914 
   

Les Veuves qui se remarient  Janvier 1912
         
 

Le vaudeville, la facétie littéraire et la caricature se sont toujours méchamment exercées contre les veuves inconsolables, qui, après une retraite variant de quelques mois à quelques années, donnent une seconde fois leur coeur.

 

Dans beaucoup de pays même, de vieilles coutumes leur valent des charivaris grotesques. Ailleurs encore, où il est admis de célébrer les mariages à minuit, elles se résolvent à user de cette protec-tion des ténèbres pour éviter les allusions blessantes et les sourires sardoniques

 

Qu'y a-t-il donc, je vous le demande, de si anormal dans un acte favorisé par les lois et souvent voulu par les circonstances ? Faut-il, ne faut-il pas ? m'ont quelquefois demandé plusieurs d'entre elles...

 

Hé, voilà bien une conjecture où, n'ayant jamais été veuve moi-même, je me crois bien mal placée pour les renseigner.

 

Cependant, raisonnons ensemble :

 

Ou la veuve a joui dans son premier mari d'un être qu'elle a parfaitement aimé et qui l'a rendue pleinement heureuse, et elle possède alors à mon sens deux motifs capitaux de s'en tenir la :

 

Fabiono Les CPA LPM n°45

 
         
 

Celui qu'entraîne l'abandon du culte exclusif acquis au cher disparu, celui qui résulte du risque à courir vis-à-vis un nouveau venu, qui, forcément, souffrira d'une comparaison dangereuse.

 

Ou bien elle n'a recueilli jusqu'alors que des satisfactions relatives, et personne, ce me semble, ne peut lui contester le droit de chercher à parfaire la somme de bonheur que lui doit la vie.

 

Dans le premier cas existent concurremment une trahison vis-à-vis autrui et un danger vis-à-vis soi-même ; dans le second cas, je vois surtout l'exercice d'une revendication légitime. La nuance, sub-tile à l'examen superficiel, se révèle clairement à la réflexion mûrie. Je parle à toutes les veuves qui me lisent, et je les défie, en descendant au fond de leur coeur, de ne pas accorder leurs sentiments avec les miens.

 

Nous nageons d'ailleurs là en plein domaine du sentiment. Beaucoup d'autres cas, extraits hélas ceux-là de la vie pratique, justifient des interprétations différentes.

 

Qu'est-ce que vous voulez, par exemple, que fasse une femme demeurée sans ressources avec des enfants ?

 

Qu'elle travaille ? Je sais en effet, pour ma part, des natures courageuses qui ont pris vaillamment leur rôle de chef de famille, et, sans un sou devant elles, parfois sans métier en mains, réussissent à élever dignement leur petit monde. Mais se sont là des héroïnes exception-nelles que nul ne saurait imposer comme type courant.

 

Parlerai-je des isolées ? Des brouillées avec les parents qui pourraient les soutenir moralement ? De celles qui engagées dans les affaires, y ont nécessairement besoin d'un appui ?

 

En vérité, la légitimité du second mariage est innom-brable. A moins que de massacrer le principe de la liber-té du coeur et des actes, qui est le droit le plus sacré de l'individu, je ne saurais pour ma part, approuver les cri-tiques et les sarcasmes des tiers. Tout au moins ceux-ci devraient-ils attendre d'être passés par les mêmes périls avant de juger.