C'EST PARU L'ANNEE 1926
   
  L'ELECTRIFICATION EN MANCHE
         
 

Société des Forces Motrices de la Selune. CPA collection LPM 1950

 
         
 

La Manche Numéro spécial

Supplément au numéro du 28 août 1926

de l'Illustration économique et financière

Publication : Paris 1926

     
 
   
 

L'Electrification de la Manche

AL

 
     

 

 
 

L'Electrique de Normandie 


     Les lecteurs assidus de nos publications n'ignorent pas l'effort considérable réalisé par différents départements pour doter leur population des bienfaits de l'électricité, ni de l'intérêt attaché par les pouvoirs publics à cet effort, qui doit fournir à la culture le moyen de traverser la crise actuelle de la main-d'oeuvre agricole.

 

     La lumière et la force sont devenues une nécessité impérieuse à la campagne ; on a, il est vrai, essayé un peu partout de résoudre le problème par l'emploi de petits moteurs à essence, à gaz pauvre, à huile lourde. Nombre de cultivateurs se sont laissé séduire par les promesses fallacieuses des vendeurs habiles, mais partout, au bout de peu de temps - souvent même quelques mois -, le moteur était abandonné dans son coin parce que trop coûteux, et souvent parce qu'il ne marchait plus. Force a donc été d'en arriver à l'électricité et cela explique les sacrifices importants consentis par l'Etat pour l'électrification des campagnes.

 

     La Manche, avant la guerre, était peut-être un des départements les moins avancés dans l'usage de l'électricité.

 

Electrification de la Manche

 
         
 

     En dehors de Saint-Lô, sa préfecture, deux sous-préfectures seulement sur cinq étaient dotées d'une distribution d'énergie électrique. Quelques rares chefs-lieux de canton avaient bénéficié, soit d'une chute voisine, soit de l'initiative d'un industriel, pour équiper un petit secteur local, souvent fort rudimentaire, mais il n'existait rien de ces lignes de distribution dont maint département se trouvait déjà pourvu, et qui rayonnaient au moins sur les environs immédiats des villes électrifiées.

 

     Pendant la guerre, un premier effort fut fait dans ce sens par la Société Gaz et Eaux, concessionnaire de la ville de Cherbourg, qui construisit une ligne vers le sud jusqu'à Valognes et Le Ham. Une oeuvre originale, beaucoup plus importante, fut réalisée par la Société des Forces Motrices de la Selune qui créa de toutes pièces usine et réseau pour desservir tout l'arrondissement d'Avranches et une partie du Mortainais ; mais, sur près de 100 kilom. encore, entre Valogne et Granville, le Cotentin restait démuni de toute distribution.

 

     Il était tout indiqué que l'oeuvre de jonctionnement qu'il restait à faire fût entreprise conjointement par les deux Sociétés en présence, dont les usines et moyens de production différents : thermique au nord, à quai de déchargement des charbons, hydraulique au sud, sur la seule rivière de la région susceptible de fournir une puissance pratiquement utilisable, pouvaient en outre être utilement combinés en vue de la réalisation du meilleur prix de revient de l'énergie.

 

     Ainsi naquit, en décembre 1924, L'Electrique de Normandie.


     Si les promoteurs de la nouvelle distribution départementale n'avaient aucune hésitation sur le programme technique à adopter pour mettre l'énergie à la portée de tous les cantons du département, ils ne pouvaient se dissimuler, en revanche, que dans la Manche, pays d'élevage beaucoup plus que de culture, à population disséminée, le problème financier posé par leur projet était, plus que partout ailleurs, difficile à résoudre.

 

     Rien ne sert, en effet, d'établir des lignes de distribution d'énergie si, du fait de la dissémination et de la faible densité de la clientèle, les prix de vente susceptibles de rémunérer les lignes deviennent inaccessibles.

 

     On sait comment le problème a été résolu dans la plupart des départements : une large subvention du département, aidé par le concours éventuel de l'Etat, a réduit les capitaux industriels nécessaires à ce genre d'affaire, à une proportion susceptible de trouver une rémunération normale dans des prix de vente convenables.

 

     C'est cette formule qui fût adoptée par le département de la Manche, dont le Conseil général, par la hauteur et la netteté de ses vues, sut comprendre l'intérêt de la population et l'oeuvre entreprise par L'Electrique de Normandie.


     Grâce à la subvention départementale qui couvre une grande partie de la dépense à immobiliser, le régime d'exploitation du réseau de L'Electrique de Normandie est donc définitivement arrêté, et met à la portée de tous les services publics : Communes et Syndicats de communes, l'énergie électrique à des conditions normales.

 

     Le réseau lui-même a nécessité de longues études pour réaliser la plus grande sécurité d'exploitation malgré l'impénétrabilité de certaines régions particulièrement boisées du Cotentin.

 

     Il comporte deux lignes principales : Cherbourg-Granville et Cherbourg-Avranches, qui, toutes les deux, se croisent à Saint-Lô.

 

     Granville et Avranches étant déjà reliées par le réseau des Forces Motrices de la Selune l'ensemble de la distribution constitue ainsi une sorte de « Huit » dont les quatre branches se prêtent à toutes les combinaisons, et permettent, en particulier, le sectionnement le plus rapide du réseau en cas d'accident local, en vue d'assurer la continuité du service par les bouclages rendus possibles par cette disposition.

 

     Cet ensemble ne représente pas moins de 260 kilomètres de lignes traversant un grand nombre de chef-lieux de cantons, et dans tous les cas, s'approchant toujours suffisamment des autres pour que l'énergie puisse y être amenée économiquement par un réseau rural à moyenne tension.

 

     Les lignes de L'Electrique de Normandie distribueront du courant triphasé à la tension de 30.000 volts, voltage déjà adopté par les départements voisins, ce qui permettra ultérieurement des interconnexions toujours désirables entre réseaux.

 

     Les supports sont en béton armé, sauf dans certains points spéciaux, où ils sont en acier. Ils ont été prévus d'une hauteur telle qu'ils puissent, en outre de la ligne principale, supporter une ligne syndicale, et apporter ainsi à la constitution des syndicats de communes, un concours très appréciable.

 

     Nous avons tenu à noter tout spécialement l'effort réalisé par le département de la Manche, en collaboration avec l'Electrique de Normandie, effort qui doit donner à la vie agricole du département des facilités chaque jour plus grandes, comme à sa vie industrielle de sérieuses possibilités de développement.

 
   
 

Société des Forces Motrices de la Selune 1950