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La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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La superficie de son territoire est de 592.544 hectares, divisée : en terres labourables, 154.850 hectares ; prés naturels, herbages, pâturages et pacages, 335.750 ; cultures maraîchères, 2.500 ; le reste en bois, forêts, terres incultes. C'est donc le quart de son sol qui est consacré aux céréales, et plus de la moitié sert à la production animale. Quant aux 2.500 hectares employés en cultures maraîchères, ils sont utilisés pour les asperges, le persil, les choux-fleurs et les pommes de terre.
Son climat est modéré : ni fortes chaleurs ni grands froids ; l'hiver, le thermomètre marque rarement quelques degrés au-dessous de zéro ; l'été, de 15° à 25° au-dessus.
L'élevage est favorisé par cette douce température ; elle permet de laisser toute l'année ou à peu près les animaux dans les champs, où ils sont abrités par des haies hautes garnies de grands arbres, contre les vents, les tempêtes, la pluie et le soleil. Pas de stabulation, source d'anémie, de dégénérescence, de tuberculose et de bien d'autres maladies. Cette vie au grand air engendre vigueur, énergie, robustesse et santé. | | |||||||||
Aussi, dans tout le département, se pratique un élevage intense et continu des races bovine et chevaline, qui doit sa prospérité à une sélection fort bien organisée.
On ne doit pas omettre de signaler que c'est dans la Manche qu'on détient le record pour la production cidricole, avec une moyenne de récolte annuelle de 3 millions d'hectolitres de cidre.
Cette abondance de production agricole ressort des statistiques de 1925 publiées par le ministre de l'Agriculture, où l'on constate qu'en animaux de ferme la Manche possède : espèce chevaline, 72.27 têtes ; espèce bovine, 407.360 sujets, ainsi répartis : vaches, 197.340 ; taureaux, 3.630 ; boeufs, 13.070 ; élèves de moins d'un an, 72.720 ; élèves au-dessus de douze mois, 120.580.
La jumenterie de la Manche est de 35.000 têtes, dont 20.000 sont livrées à la reproduction et donnent chaque année une disponibilité de 10.000 produits. | ||||||||||
Saint-Lô, le haras. collection CPA LPM | ||||||||||
C'est à cette jumenterie que l'on doit de célèbres étalons et juments trotteurs. Pour les purs sang : The heir of Linne, Buffalo-Bill, Gamboiseuil ; pour les demi-sang trotteurs : Reynolds, père de Fuschia, Lavater (grand créateur), Harley, Narquois, Nemrod, Jongleur et beaucoup d'autres remarquables sujets.
Aussi la remonte pour 40 % est recrutée dans ce département en animaux du type dragons, cuirassiers, artilleurs, selle, gendarme. L'Etat y puise 80 % de ses étalons.
C'est le pays qui alimente la production française de cheval de sang et de demi-sang. | ||||||||||
Saint-Lô, le haras. collection CPA LPM | ||||||||||
Non moins importante et célèbre est la vacherie de ce riche département, non seulement par ses qualités prolifiques (une vache donne une moyenne de huit veaux), par ses rendements en lait et en beurre, mais aussi par ses remarquables aptitudes à l'engraissement.
On estime que ses 200.000 vaches fournissent une moyenne de neuf litres par jour, répartis sur 365 jours, c'est-à-dire toute l'année, ce qui donne 657 millions de litres de lait ou 59 millions de livres de beurre. En en portant le prix à 8 francs le demi-kilo, on obtient une production annuelle beurrière de 477 millions de francs.
C'est de cette vacherie que sont sortis les reproducteurs renommés, tels que : Silencieux, Vainqueur, Kamikhi, Astronome Radoteur, Gondolier, Astronome, Barneville, etc. On en pourrait encore citer plus de quarante célèbres | ||||||||||
Réthoville, mére et produit du taureau Silencieux. Collection CPA LPM | ||||||||||
Mais dans les douze mois naissent de ces 200.000 vaches 150.000 veaux, dont 100.000 sont disponibles pour l'exportation hors du département. Aussi a-t-on dû envisager, pour écouler cette constante production, de nombreux débouchés, par l'organisation de foires et de marchés.
Les statistiques révèlent qu'il y a 80 grandes foires où il se vend 80.000 têtes d'animaux (chevaux et bovins), auxquels il y a lieu d'en ajouter 20.000 achetées chez les exploitants.
A ces foires se pressent éleveurs du nord, du centre et de l'ouest de la France. Ils y achètent des taureaux, des vaches laitires, des chevaux, sachant par expérience la réussite dans leurs fermes de ces animaux sains et sévèrement sélectionnés. Cette sélection s'opère à trois degrés.
Chaque canton possède un comice où, au moins une fois par an, sont présentés par les agriculteurs leurs animaux d'élite, dans un concours qui les classe par ordre de mérite et décerne des récompenses à titre d'encouragement, ce qui constitue le 1er degré.
Tous les cantons, quelques jours après, se réunissent au chef-lieu de l'arrondissement, avec leurs meilleurs sujets d'élevage. Un concours en opère encore le triage, donnant des prix rémunérateurs. C'est le 2e degré.
Enfin, chaque année, à la fin du mois de septembre (en 1926 du 23 au 26), 500 bovins et 400 poulinières suitées ou non, sont réunis à Saint-Lô, chef-lieu, venus de tous les coins du département, lauréats de canton ou d'arrondissement, et là il s'instaure un troisième concours. C'est le classement définitif, ou 3e degré.
Aussi, rien de surprenant à voir ces sujets d'élite se vendre à des prix qui vont de 5.000 à 45.000 francs ; et les étrangers se presser en foule à ce dernier concours de sélection. C'est qu'en effet ceux qui aiment le cheval (et ils sont encore bien nombreux en France) sont ravis d'admiration devant la présentation des majestueuses poulinières et des puissants étalons. L'un d'eux me disait ces jours-ci :
« Ce spectacle, je me le paie tous les ans. »
Et pour les éleveurs de tous pays qui veulent améliorer leurs troupeaux bovins ne sont-ils pas vivement intéressés et instruits par ce groupement de tout ce qu'il y a vraiment de beau dans la Manche : structure, pelage, harmonie des formes, tout se trouve concentré dans une magnifique exposition, unique au monde.
Le concours départemental compte 30.000 visiteurs, français ou étrangers, et rien ne peut mieux fixer les idées sur cette merveilleuse fête agricole que de rappeler l'appréciation admirative de M. Leroux, inspecteur général, dans un discours qu'il fit au banquet l'an dernier :
« Je n'ai pas vu de plus beau concours, s'écria-t-il ; pour moi, pas un département ne peut en produire de pareil, pas même Paris à son concours général ! »
E. DAMECOUR, Sénateur de la Manche, Président du Syndicat des Agriculteurs de la Manche | ||||||||||