LES MOULINS DU CLOS COTENTIN
         
 

Par Benoît Canu

Agent de valorisation du patrimoine

Guide-conférencier du Pays d’Art et d’Histoire du Clos du Cotentin


Témoins souvent oubliés d’usages révolus, les moulins qui constellaient les cartes anciennes du Cotentin ont, jusqu’après leur abandon et celui de leur voirie ou de leurs biefs, durablement marqué les paysages.

 

Assis sur leur chaussée, appuyés à la motte castrale ou isolés en fond de vallon, moulins à eau puis minoteries ont rendu méconnaissable le cours initial des rivières jusque dans les estuaires où la topographie façonnée par les moulins à marée n’est plus lisible.

 

Quant aux moulins à vent, indicateurs de milieux jadis plus ouverts (labours laniérés ou landes rases), leur « architecture-machine » animait le relief avec d’autant plus de singularité que des tourelles d’un type primitif, peut-être inventé ici même, y portaient encore au XIXe siècle, d’énigmatiques cages de mouture.

 
 
   

 

 

 

L’abondance relative des moulins en Cotentin

Les lacunes des occurrences cartographiques

Les moulins à eau : une multitude de déclinaisons

La dénaturation des vallées

L’exemple des moulins de Néhou

L’apport de la micro-toponymie

Une gestion conflictuelle de l’eau

Les moulins de chaussée des basses-vallées

Le démantèlement des places les plus nuisibles

Les maigres reliques des moulins à marée

Des principes de fonctionnement incertains

Les moulins à vent : impact visuel

L’empreinte sur le parcellaire

Un cas à part : un moulin à assécher

Une architecture ostensible

La récupération de places privilégiées

Nuances géographiques

Les concentrations

Architecture des moulins-tours du Cotentin

Particularismes

Les moulins à pivot tournant ou moulins turquois

L’apport d’une photographie inédite

La présence d’un demi-niveau

L’indice d’un agencement inconnu ?

Le chaînon manquant ?

Le Cotentin des turquois : précurseur et conservateur ?

En guise de conclusion : la mémoire des paysages
 
         
   
   LES MOULINS DU CLOS COTENTIN   -1/13
         
  L’abondance relative des moulins en Cotentin  
     
 

 
 

L'ancien moulin de la Planque, sur le ruisseau de la Vallée à Agon Coutainville

Collection CPA LPM 1900

 
         
 

Mieux encore que les statistiques administratives [1], les signes portés sur les cartes anciennes [2] (fig. n°1) traduisent la densité des moulins en Cotentin, signalant parfois de véritables chapelets (rivières de Sinope, Saire [3], Divette, But…) ou batteries (crêtes et monts de la Côte des Iles, coteaux et plateaux du Plain).

 

Leur recensement diachronique, enrichi aux traditionnels filons  molinologiques » [4] et par des prospections de terrain, permet d’estimer à assurément plus de 800 le nombre de moulins ayant œuvré en Cotentin.

 

Cependant, ce total masque le déséquilibre des forces utilisées : à la faveur d’un réseau hydrographique parmi les plus denses de l’Ouest, alimenté par des précipitations régulières et abondantes, plus des trois quarts étaient mus par la force hydraulique, la part restante - environ 180 - profitant d’un potentiel éolien actuellement redécouvert par les promoteurs de fermes éoliennes, alors que quelques unités seulement composaient la minorité originale, méconnue et précocement disparue des moulins à marée.

 

 
       
   

 Fig. 1 - Les environs de Barneville, Mariette de La Pagerie. Partie septentrionale du Diocèse de Coutances (détail). Paris : Langlois, 1689, A. D. de la Manche (1 Fi Manche 113) © A. D. de la Manche, 2004


 
         
 

 

 NOTES

 

1 - De Cotentin, nous n’avons retenu que le sens commun, à savoir ce que les « gens d’ici » au XIVe siècle puis les historiens nommèrent « Clos du Cotentin » ou « Isle de Cotentin », soit le tiers du département de la Manche compris au nord d’une ligne reliant la Baie des Veys au havre de Lessay, c’est-à-dire les communes situées respectivement au nord et nord-ouest de l’Ay et de la Taute. Le Seuil du Cotentin, formé des amples digitations de ses marais, y sépare le Bauptois, au sud-ouest, à la fois du Plain, frange orientale et « parisienne » de la presqu’île, du Bocage armoricain couvrant son centre et enfin de la Côte des Iles, étirée sur sa façade occidentale et prolongée en Finistère par la Hague, le Val-de-Saire occupant le septentrion opposé du Clos.

2 - Outre les indispensables cartes dites de Cassini (Bayeux-Caen, n° 94, feuille 38, 1759 ; Saint-Vaast-la-Hougue, n° 93, feuille 21, 1758 ; Cherbourg, n° 125, feuille 22, 1758 ;Coutances, n° 126, feuille 23, 1758), citons Mariette de la Pagerie. Partie septentrionale du Diocèse de Coutances, 1689, Magin, auteur au XVIIIe s. de cartes locales à grande échelle (Carte du grand et petit Vay, Environs de la Hougue, etc.), quelques cartes  marines dont la 2.me carte particulière des costes de Normandie contenant les costes du Cotentin par Herman Van Loon, 1753 et les diverses Costes de Normandie ou Parties du Cotentin par Jacques-Nicolas Bellin, 1764, ainsi, enfin, que les premières cartes d’Etat-Major, feuilles n° 28, Saint-Lô, 1847,n° 17, Barfleur, 1847 etn° 27, Jersey, 1847.

3 - La Saire demeure la seule rivière du Cotentin à avoir motivé un véritable travail d’inventaire : Le Ravallec Yvon. Les Moulins du Val-de-Saire du XIXe à la première moitié du XXe siècle : l’échec devant la révolution industrielle. Le Pays Bas-Normand, 1984, n° 2. p. 87-110.

4 - Enquêtes agricoles et industrielles, règlements d’eau, matrices et atlas cadastraux, études et monographies, actes notariés, aveux…