LES MOULINS DU CLOS COTENTIN   -11/13
         
 

La présence d’un demi-niveau

 

Christian Cussonneau [35] avait déjà déduit de la lecture d’une huile sur toile du XVIIe siècle [36] que les cages des turquois avaient dû comporter deux niveaux, solution à la récupération énigmatique des farines [37]. Or, à la faveur d’un bardage dégradé, la photographie de Chef-du-Pont révèle l’aménagement au tiers avant de la cabine d’un demi-niveau, identique à celui des moulins chandeliers s’il n’était en léger surcroît, et desservi par un escalier resté en place, tout comme les appareils de mouture qu’on y devine encore. A l’opposé, la longue échelle-queue, lourd contre-poids, était déjà déposée : elle « barre la brèche » de la haie au premier plan.

 

L’indice d’un agencement inconnu ?


Plus délicate à interpréter, la silhouette verticale dentée discernable sous l’estrade pourrait appartenir au rouet qui, associé à la lanterne, transmettait le mouvement de l’arbre de couche au grand fer des meules. Si plusieurs indices (petitesse du comble, disposition, sections et état des poutres inférieures, trattes et joug) pourraient plaider en faveur de cette hypothè-se, la disparition de l’arbre, doublement problématique, ou, du moins, la difficulté à le recon-naître ne permettent malheureusement pas de lever les doutes, pas plus, hélas, qu’un cliché postérieur, pris très légèrement de trois-quarts.

 

Le chaînon manquant ?


Ignoré jusqu’alors en France [38] mais attesté sur des cabines d’Europe de l’Est [39] encore pourvues d’un arbre horizontal en partie basse ou médiane, le positionnement du couple rouet-lanterne sous les meules, propre aux moulins à eau, ne pourrait-il pas alors témoigner d’un « chaînon manquant » entre ceux-là et les moulins à vent où l’arbre s’est à la fois déplacé au- dessus des meules et incliné d’une dizaine de degrés ?

 
     
 
 
 

 Le moulin de la rue de Mortain à Saint Hilaire du Harcouet, CPA LPM colection 1900

 
 
 
 

 

 NOTES

 

35 - Cussonneau, Christian. Les moulins turquois. 303 Arts, Recherches et Créations, 3e trim. 1991, n°XXX, p. 67-74.

36 - Le Moulin de Blé près de Vieillevigne sur la route de Nantes de Lambert Doomer, 1645, musée Boymans-Van Beumingen de Rotterdam.

37 - En écho à Bitton, A. Les tonnelles et les lampes du Bas-Poitou, Annuaire départemental de la Société d’émulation de la Vendée, 1886, 33e année, 3e série, vol. 6, p. 119, E. Auriault, supposant la meule dormante posée sur le plancher d’un niveau unique, proposait une hanche parallèle au pivot pour ensacher les farines de l’intérieur de la tourelle, dispositif qui s’avère en réalité incompatible avec la rotation et le serrement de l’axe vertical.

38 - Le tableau de Doomer figurait pourtant déjà une telle disposition que C. Cussonneau, au début de sa patiente enquête sur le sujet, avait d’abord attribuée à une erreur de l’artiste : CUSSONNEAU, Christian. Moulins d’Anjou. Nantes : Association pour le développement de l’Inventaire général, 1991, p. 33 et 34 (coll. Images du Patrimoine, n°90).

39 - De telles cabines, tout à fait comparables dans leurs proportions à celle de Chef-du-Pont et que m’a très aimablement signalées C. Cussonneau - qu’il en soit ici chaleureusement remercié -, illustrent Ryszkiewicz, Andrzej (dir.). Le Bois dans l’architecture et la sculpture slaves. Paris : Presses de l’UNESCO,1981.Voir aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/Moulin_%C3%A0_vent et http://web.jet.es/plopezp/filatelia/filaruma.htm.