| Il n'y a pas bien longtemps, j'ai été amenée à connaitre du petit fait que voici : Un jeune ménage est uni depuis une semaine a peine : Monsieur, brave ouvrier, franc comme l'or et aimant bien sûr éperduement sa femme, celle-ci douée de son côté de toutes sortes de qualités, mais rendue craintive, donc dissimulée, par suite d'une enfance peu heureuse avec un père brutal. Le sixième jour après la noces, lui, appelé inopinément dans le quartier par son travail, monte joyeusement pour surprendre sa femme. Il entre sans tambour ni trompette. Mais quoi ? Madame paraît frappée de stupeur. Elle rougit, balbutie, perd contenance. Les mains dissimulent quelque chose sous son tablier. - Que caches-tu là ? - Rien ! Le mari n'est pas patient. Son sang ne fait qu'un tour. Il avance de trois pas, soulève violemment l'étoffe et aperçoit... devineriez-vous quoi ? Une tasse de café. | | Leonnec | |
| Que cette femme, sûrement honnête d'intention et de fait, mente pour une saugrenuité pareille, cela vous étonne ? Eh bien, réfléchissez-y : même à mettre de côté une éducation défectueuse, comme c'était le cas dans l'anecdote absolument authentique que je viens de raconter, combien d'épouses possèdent cet esprit de dissimulation apparaissant dans les plus petites choses ! Encore une fois, il n'est pas vice ; du moins je n'ose pas envisager le cas où il le serait ; il résulte d'un fonds de crainte résultant de l'éducation native ou de la gêne consécutive à la cohabitation avec le mari, maître nouveau et mal connu.
J'appelle très sérieusement l'attention des jeunes femmes sur ce point délicat d'où peut résulter dès les débuts une désorientation de leur ménage et conséquemment de leur bonheur. Croyez-vous, par exemple, que le mari dont je parle plus haut n'ait pas été profondement surpris et blessé par la marque de méfiance injustifiée dont le gratifiait celle en qui il avait mis sa foi sans restriction ? On triche pour une tasse de café, motif bête pour dire le mot ; n'est-ce pas à redouter qu'on tricherait au sujet de tels et tels sujet graves ? Evidemment, la réflexion s'impose au mari, et d'autant plus cruellement qu'il vient de s'ouvrir en lui une petite plaie où le moindre aiguillon risque désormais de pénétrer, déterminant une blessure plus grave. Oh ! la confiance aimante, la franchise absolue, le coeur mis il l'unisson d'un autre coeur : quelle douce chose, et combien d'unions seraient aujourd'hui plus heureuses si elles avaient su le comprendre dès les premiers jours ! | |