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D’après Souvenirs et impressions de voyage, paru en 1842 Neaufles-Saint-Martin, Tour de la Reine Blanche Entre Saint-Paër et Neaufles-Saint-Martin, il y a, de l’autre côté de la grande route de Paris à Rouen, une riche et belle vallée. On dit que Neaufles, en 856, était une ville considérable ; aujourd’hui, il n’en reste plus que la moitié d’une tour, mais cette moitié est encore de toute son ancienne hauteur ; on dirait que, depuis sa plate-forme jusqu’au sol, elle a été fendue en deux ; j’ai vu peu de ruines de cet effet, précise Walsh
Cette tour passe dans le pays pour avoir été habitée par la Reine Blanche, non la mère de Louis IX, mais Blanche d’Évreux, la princesse la plus accomplie de son temps, que Philippe de Valois, âgé de cinquante-six ans, épousa, alors qu’elle n’en avait que dix-sept ; cette union ne dura pas deux années, Blanche demeura veuve cinquante ans, et vécut loin des intrigues de la cour dans le château de Naufles-Saint-Martin, dont il ne reste que le débris dont je vous ai parlé, et qui s’aperçoit de bien loin au-dessus des bois qui recouvrent le coteau. |
Tour de la Reine Blanche à Neaufles-Saint-Martin, au début du XXe siècle |
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On prétend qu’entre la tour de Neaufles et le château de Gisors, il existait une communication souterraine. Pendant mon séjour chez mon ami Théodore de Ronaud, voici ce que j’ai lu dans le Mémorial des sciences et des arts : « La reine Blanche, assiégée dans Gisors par une armée formidable, fit une vigoureuse sortie contre les assaillants ; mais cernée par eux, et ne pouvant rentrer dans la ville, elle se réfugia au coucher du soleil, avec les chevaliers qui la suivaient, sur la montagne et dans le fort démantelé de Neaufles, à une lieue de la place. Les ennemis, campés dans la plaine, environnaient de toutes parts la tour, où ils étaient certains, au point du jour, de faire la reine prisonnière. « L’aurore paraît, ils s’élancent impatients vers la citadelle ruinée, où Blanche ne peut s’échapper. Oh ! surprise ! Ils montent sans obstacle ; les murs sont déserts ! L’écho répond seul à leurs cris de guerre ; pas un soldat, pas une arme, pas un drapeau : les guerriers de Blanche et Blanche elle-même se sont évanouis avec l’aurore, comme les vapeurs de la vallée.
« Qui peindrait l’étonnement des soldats désespérés ? Les uns se persuadent que Blanche, protégée par les enfers, a été invisiblement enlevée avec ses troupes par les esprits du noir abîme ; les autres s’imaginent que la veille, à la chute du jour, en la poursuivant dans la vallée, ils ont été abusés parles brouillards de la rivière, qui, sans doute, à leurs yeux avaient pris la forme fantastique d’un bataillon fuyant. Tandis que sous les remparts solitaires de Neaufles, leur imagination se nourrit de fantômes et se perd en conjectures, Blanche soudain s’élance hors des murs de Gisors, fond comme la foudre sur l’ennemi épouvanté de ces sortilèges, et remporte une victoire complète.
« Comment expliquer le miracle ? Rien de plus facile ; la tour de Neaufles-Saint-Martin et la citadelle de Gisors, quoiqu’à plus d’une lieue l’une de l’autre, se communiquaient sous la vallée et la rivière qui les sépare, au moyen d’un long souterrain, et ce souterrain était inconnu à l’ennemi. »
Le long souterrain de Naufles existe encore, écrit le vicomte Walsh en 1842 : on y entrait il y a peu d’années. Dans une note d’un de ses ouvrages, le vicomte d’Arlincourt a écrit qu’un ouvrier qui a travaillé dans ces souterrains l’a assuré avoir vu et touché de belles grilles de fer ; dans le pays, parmi les gens de la campagne et parmi bien des habitants des petites villes, on prétend que d’immenses trésors sont cachés derrière ces portes de fer.
Marchangy en avait entendu parler, et dans son Tristan le Voyageur, on lit : « Il est à savoir, mes beaux seigneurs, que de la citadelle de Gisors au château de Neaufles est un souterrain immense. On voit de loin la belle tour de la Reine-Blanche, au-dessus des bois de Saint-Eloi et de Bézu-le-Long. Aujourd’hui, ces lieux dévastés par les guerres que se firent sans cesse les rois de France et d’Angleterre sur ces frontières de leurs États, sont rendus à une nature sauvage, qui de toutes parts revient sur les plateaux agrestes, dont elle était expulsée. Les créneaux s’écroulent dans les fossés et se cachent sous la mousse et les fleurs ; l’érable perce les fortes murailles que n’avaient pu renverser les béliers ennemis ; le souterrain, fermé de vingt portes à barreaux de fer, recèle des trésors qui feraient la fortune de bien des rois.
« Il est un jour, une heure, un moment dans l’année où il est possible de pénétrer dans cette caverne profonde ; c’est tandis que le prêtre lit la généalogie de Jésus-Christ, à la messe de minuit... J’entendis des femmes qui, ne sachant ce qu’étaient devenus leurs maris, pensaient qu’ils étaient engouffrés dans cet abîme, et les appelaient à l’entrée avec des cris épouvantables. On nous raconta des aventures sinistres, qui nous firent perdre l’envie de descendre dans ce souterrain. » |
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