| Les parents vigilants multiplient envers Bébé les conseils de prudence : Surtout, ne joue pas avec les allumettes, c'est très dangereux, tu mettrais le feu ! Pour complément de sûreté, ils éloignent de la boite d'allumettes les objets particulièrement combustibles, comme le papier, la paille, parce qu'ils savent bien que la moindre étincelle échappée risque d'alluruer un incendie. Mais les années se passent. Bébé est devenu un jeunehommee. Il a vingt ans. Un jour, on introduit à la maison une fillette de seize ans que nous supposons insignifiante : petite parente pauvre, jeune institutrice, etc., etc. Bien entendu, notre vieux Bébé est sérieux. Peut-être jouerat-il avec la petite parente, comme ils faisaient tous deux lorsqu'ils étaient enfants ; peut-être encore, frais émoulu de l'école et donc un peu pédant, paraîtra-t-il prendre plaisir à échanger des idées avec la jeune institutrice. Cela n'engage à. rien. Papa et maman dorment sur leurs deux oreilles. Un jour, coup de foudre ! Le plus bête des hasards (vous savez comme ces choses-là arrivent quand on y pense le moins) déchire la taie que papa et nranrail avaient devant les yeux. Miséricorde, « ils » s'aiment ! | | SAGERS 1910 Paris la nuit | |
| Comment cela s'est-il fait ? Quel malheur ! On gronde, on objurgue, on menace... Peine perdue. Les allumettes ont pris feu auprès de la paille. Tout ça, brûle en un brasier formidable qui défie les pompiers, on vous le garantit ! Si le mariage est possible, il n'y a qu'à se dépêcher d'admettre la conjonctur e; s'il ne l'est pas, en route pour la cassure nette de l'amour filial. L'imprévu est inextricable. Le diable seul sait comment vous en sortirez Voilà ce que c'est, parents, que d'avoir un vieux coeur amorphe. Vous avez oublié la jeunesse incandescente, vous ne vous êtes pas doutés... La faute revient à vous seuls, entendez-moi bien. Un jeune homme auprès d'une fillette, c'est la suscitation presque forcée de l'amour passionnel. Il voltige de l'un à l'autre comme le pollen vers la fleur attendant la fécondation. Notez que, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la jeune fille est prête à aimer le premier qui lui dit : Je t'aime... Un mot, un seul mot tombé des lèvres du garçon, et voilà l'irrémédiable créé. C'est charmant, mais c'est périlleux. Un bon conseil à vous donner est de ne pas attendre qu'il y ait à guérir. Ne cessez jamais de prévoir ! | |