LES FETES EN 1900
   
  LA FETE DU BOEUF GRAS
         
   
         
 

La fête du boeuf gras

 

La Promenade du Bœuf Gras, également appelée Fête du Bœuf Gras, Cavalcade du Bœuf Gras, Fête du Bœuf villé (c'est-à-dire : promené en ville), Fête du Bœuf viellé ou violé (promené au son de la vielle ou de la viole) est une très ancienne coutume festive. Elle consiste, pour les bouchers ou garçons bouchers1, à promener solennellement en musique, au moment du Carnaval, un ou plusieurs bœufs décorés, par exemple avec des fleurs, les cornes et les sabots dorés.

 

Au XIXe siècle à Paris, les prestigieuses festivités du Bœuf Gras prennent une dimension gigantesque, devenant de facto la Fête de Paris dans le cadre du très grand Carnaval de Paris. À partir de 1870, le cortège parisien du Bœuf Gras est victime de circonstanciels problèmes politiques et d'organisation : crise des bouchers parisiens avec l'affaire Mathurin Couder en 1869-1873 et absence de maire de Paris jusqu'en 1977. Il défile encore au XXe siècle, y compris à grande échelle en 1905 et 1936. Mais disparaît après les défilés de 1951 et 1952.

 

Après 45 ans d'interruption, il renaît en 1998 à l'initiative de Basile Pachkoff et défile depuis chaque année. À partir de 2002, il renoue avec le calendrier traditionnel du Carnaval et sort le Dimanche Gras avant veille du Mardi Gras.

 

Le Bœuf Gras était célébré jadis dans quantité d'autres villes de France et du monde, et l'est encore dans certaines d'entre elles.

 

Le terme gras utilisé ici pour les bœufs gras l'est dans le même sens que pour caractère gras, c'est-à-dire un animal fort en viande et pas nécessairement en graisse.

 

Le récit de 1739

 

La plus fameuse description ancienne de la fête, restée la première connue durant presque trois siècles, date de 1739. Elle est dans le Mercure de France11. Si cette publication a choisi d'en parler, c'est parce que cette année-là le bœuf fut emmené par son escorte de garçons bouchers jusqu'au premier étage du palais où siégeait le Parlement de Paris (qui était une cour souveraine de Justice). Le Mercure de France précise qu'à la différence des villes de province françaises où on promène également le Bœuf gras, à Paris, « l'on met sur le Bœuf un Enfant, qui tient en main un Sceptre, et que les Bouchers apellent leur Roy ». Le récit montre que la Cérémonie du Bœuf gras est traditionnelle à Paris dès cette époque :

 

    « À Paris & dans la plûpart des grandes villes du Royaume, les Garçons Bouchers de chaque quartier se rassemblent ordinairement tous les ans le Jeudi gras, & promènent par la Ville, au son des Instrumens, un Bœuf qu'il choisissent de belle encolure, & qu'ils parent de guirlandes de fleurs & autres ornemens; On l'apelle à Paris, Le Bœuf gras, & dans plusieurs Villes de Province, Le Bœuf villé, parce qu'on le promène par la ville.

 

    Cet usage, qui est fort ancien, paroît être un reste de certaines Fêtes du Pagannisme, & singulierement des Sacrifices que l'on faisoit aux faux Dieux. En effet, les Garçons Bouchers s'habillent pour cette cérémonie, à peu près de même que l'étoient les Esclaves des Sacrificateurs; Le Beuf gras est paré dans le même goût, que ceux que l'on immoloit pour victimes, & les Bouchers ont des Instrumens, comme on en avoit aux Sacrifices.

 

    Tout ce qu'il y a de plus ici, c'est que l'on met sur le Bœuf un Enfant, qui tient en main un Sceptre, et que les Bouchers apellent leur Roy, ce qui a sans doute été introduit dans les temps, où la plûpart des Communautés donnoient à leur Chef le titre de Roy, comme les Rois de l'Arbaleste & de l'Arquebuse, le Roy des Violons, & plusieurs autres semblables.

 

    Les Garçons Bouchers de la Boucherie de l'Aport de Paris, n'ont pas attendu cette année le jour ordinaire pour faire leur Fête du Bœuf gras; dès le mercredi matin, 4. du mois de février, veille du Jeudi gras, il se rassemblerent, & promenerent par la Ville un Bœuf, qui avoit sur la tête, au lieu d'aigrette, une grosse branche de Laurier-cerise, & il étoit couvert d'un tapis qui lui servoit de housse.

 

    Le jeune Roy de la Fête, qui étoit monté sur le Bœuf gras, avoit un grand Ruban bleu, passé en Echarpe, et tenoit d'une main un Sceptre doré & de l'autre son épée nuë.

 

    Les Garçons Bouchers qui l'accompagnaient, environ au nombre de quinze, étoient tous vétus de corsets rouges, avec des trousses blanches, ayant sur la tête une espece de turban ou de toque rouge, bordé de blanc.

 

    Deux d'entre eux tenoient le Bœuf par les cornes, & le conduisoient; plusieurs avaient des Violons, Fifres et Tambours, et les autres portoient des bâtons.

 

    Ils allerent en cet équipage en differens Quartiers de Paris, & principalement l'Hôtel du Bailliage, chés M. le Premier Président, pour lui donner une Aubade.

 

    Comme ce Chef du Parlement étoit encore à la Grand-Chambre, les Bouchers prirent le parti de l'aller attendre sur son passage; & pour cela ils firent monter le Bœuf par l'Escalier de la Sainte Chapelle, & vinrent dans la Grand'-Salle du Palais, jusqu'à la Porte du Parquet des Huissiers de la Grand'-Chambre.

 

    Lorsque le Premier Président sortit, il se mirent en haye sur son passage, & le saluérent au son de leurs Instrumens. Pendant cette Aubade ils avoient éloigné le Bœuf gras vers le passage des Enquêtes; & après que ce Magistrat fut passé, ils se promenerent avec le Bœuf dans plusieurs des Salles du Palais, et le firent descendre enfin par l'Escalier de la Cour neuve, du côté de la Place Dauphine; & ils continuerent leur cérémonie dans Paris.

 

    On n'avoir point encore vû le Bœuf gras dans les Salles du Palais, lesquelles sont au moins à la hauteur d'un premier étage; & on aurait peine à le croire, si un grand nombre de Parisiens n'avoient vû ce Spectacle singulier.

 

    Le lendemain des Bouchers d'un autre quartier promenerent aussi un Bœuf, mais ils ne vinrent point au Palais. »