Les cahiers du petit manchot 2011           N°18 du dimanche 28 aôut

 

     
   GATTEVILLE  
     
   LE PREMIER PHARE  
 

 

Dès 1774, la Chambre de commerce de Rouen fit construire un phare : c’était une tour de 27 mètres et d’une architecture très sobre.


Depuis son achèvement et jusqu’en 1780, les gardiens alimentaient un feu de charbon qui ne devait pas leur laisser grand repos.


En 1780, le feu de charbon fut éclipsé ; le nouveau système émerveilla les gens et il y avait de quoi.

On avait installé des sortes de « réverbères », constitués par seize lampes à huile. Ce qui donna au phare une portée de deux lieues.


Le phare fut construit à l’époque pour la somme de 90 000 francs.


Le travail était si bien exécuté que Jacques Maurice reçut un supplément la somme de 2 000 francs en témoignage de satisfaction.

 

 

Le premier phare de 1774 CPA LPM collection 1900


 
   PROGRAMME D'ECLAIRAGE DE 1825  
 

 

La portée du feu devint trop restreinte pour pouvoir entrer dans le système général adopté, en 1825, pour l’éclairage des côtes de France, système dans lequel deux phares consécutifs doivent embrasser dans leur champ tout l’espace qui les sépare.


Cette condition essentielle devait être remplie à Gatteville, concurremment avec le phare du cap La Hague d’une part, et de l’autre avec les feux de la Hève qui sont soutenus, à 121 m d’élévation, sur le sommet d’une falaise, aux environs du Havre.


La portée lumineuse de ces derniers, et la distance qui les sépare de Gatteville, exigeaient sur ce dernier point, l’établissement d’un feu à une hauteur de 71m62 au-dessus des plus hautes mers.


Ce projet grandiose germa dans le cerveau de Monsieur De la rue, ingénieur du Corps Royal des Ponts et Chaussées. Ce dernier connaissant parfaitement bien la géographie des côtes normandes, savait que les navigateurs n’omettraient pas de reconnaître la pointe du Cotentin soit pour rentrer ou pour sortir de cette poche qui s’effile jusqu’au Pas de Calais.


On doit à De la Rue de nombreux travaux dans la Manche notamment le phare de Goury, les jetées de Saint Vaast, Barfleur, Granville.


Le phare de Gatteville nécessita le budget considérable à l’époque de 332 214 francs.


Le nouveau système nécessitait une révision systématique de la technique de signalisation lumineuse. Le but : faire en sortes que tout navire au large des côtes de France doit en perdant de vue un feu, en retrouver un autre. Il doit toujours voir un phare de premier ordre.

 
     
   GATTEVILLE PHARE  
 

 

Construction des phares de Gatteville et Goury
Notices explicatives des travaux
par Charles-Félix Morice de la Rue, polytechnicien (1800-1880).

 

 Construction  1829 - 1835
 Hauteur  74,75 m
 Élévation  78,85 m
 Portée  29 milles (53 km)
 Feux  2 éclats blancs 10 s.
 Optique  2 lentilles de Fresnel à 4 panneaux 1/4 jumelés,focale 0.30m
 Lanterne  Lampes au xénon 1600 W, 1 par temps clair, 2 si brume

 

Utilité du nouveau phare.
Disposition générale.

 

Le cap de Gatteville termine à l’ouest la vaste baie demi-circulaire dans laquelle vient se jeter la Seine ; il forme en outre par son rapprochement de l’île de Whight, le rétrécissement le plus considérable de la Manche, de sorte que les navigateurs omettent rarement de le reconnaître, soit pour entrer dans le détroit, soit pour en sortir.

 

Un point aussi remarquable par lui-même et de plus entouré d’écueils entre lesquels règnent de violents courants, exigeait impérieusement la construction d’un phare. Dès l’année 1774, la chambre de commerce de Rouen y en fit établir un , mais le peu d’élévation de la tour qui supporte les feux, circonscrit tellement leur portée, qu’ils ne peuvent entrer dans le système général adopté pour l’éclairage des côtes de France, système dans lequel deux phares consécutifs doivent embrasser dans leur champ tout l’espace qui les sépare.

 

Dans l’intention de ne pas abandonner l’ancien édifice, on s’arrêta d’abord à l’exhausser de trente-deux mètres ; mais la rupture des linteaux de ses quatre fenêtres inférieures et la vicieuse disposition de leurs arrières voussures, et le peu d’homogénéité des maçonneries et la mauvaise qualité de leurs mortiers affectaient l’exécution de ce projet de tant de chances hasardeuses, qu’il ne fut pas difficile de déterminer l’administration à prendre le parti d’une construction entièrement neuve.

 

Le second phare de 1829 CPA LPM collection 1900

 

Dans un grand nombre de phares, les magasins et les logements des gardiens sont accolés à la base de la tour, et cette disposition, qu’on n’est pas toujours maître d’éviter, présente des inconvénients de plus d’un genre : elle interdit les escaliers à noyau, sous peine de rendre fort obscure leur partie inférieure ; elle prive ainsi la construction de la solidité que lui procurent deux cylindres concentriques solidaires entr’eux ; elle force à exposer les fenêtres directement à la fureur des vents et de la pluie ; enfin elle resserre la base dans un petit espace , tandis qu’on peut avoir intérêt à l’élargir.

 

Eclairer uniformément l’escalier, tout en lui donnant un noyau capable de consolider l’édifice, mettre les ouvertures des habitations à l’abri du vent, étendre la base du monument afin de le mettre en harmonie avec la hauteur de la colonne, telles sont les conditions que je crois avoir remplies en isolant le phare proprement dit, en plaçant les bâtiments accessoires autour, mais séparés de sa base, enfin en perçant les portes et les fenêtres de ces bâtiments dans l’intérieur de l’enceinte qu’ils concourent à former, et qui n’est ouverte que du côté de midi.

 

 
   Fondation et mode de construction.  
 

 

Fondation.

 

Le phare de Barfleur est assis sur une masse de granite qui borde en ce point le littoral de la Manche.

 

Dans l’emplacement du phare proprement dit, on a fait sauter à la poudre les principales inégalités des rochers, puis à l’aide du marteau on a pratiqué un encuvement à fond exactement horizontal dans toutes ses parties, si l’on excepte une fente remplie de terre qui s’est manifestée dans l’un des angles du carré. Mais cette fente elle-même a été creusée jusqu’à vif-fond, et chacun de ses bords a été refouillé en gradins horizontaux afin que les pierres de taille à placer pour remplir cette excavation reportassent la pression à laquelle elles devaient être soumises, non seulement sur le fond mais encore sur les flancs de la fente.

 

Quant aux bâtiments accessoires, l’étendue de leur périmètre et les ondulations de la surface du sol ne permettaient pas de songer à les fonder dans un plan unique ; mais ils reposent dans tout leur pourtour, sur le rocher dérasé en gradins horizontaux, les uns plus, les autres moins déprimés.

 

Mode de construction.

 

Les bâtiments accessoires sont composés de pierres de taille de granite pour les revêtements extérieurs, ainsi que ceux des portes et fenêtres , et de moellons débrutis, dans le reste de l’épaisseur des murs. Ils sont l’un et l’autre, à l’exception des travées du nord occupés par les escaliers, recouverts d’une voûte en plein cintre surmontée d’un pavage composé de sept cours de dalles posés à clin les uns sur les autres.

 

Le cours central et supérieur est percé d’écoutilles destinées à éclairer les casemates, et les deux cours intermédiaires et inférieurs sont creusés en gouttière pour rassembler les eaux pluviales que reçoit la superficie totale du pavage, et les porter dans les citernes établies sous la volée inférieure des escaliers.

 

Je ne dois omettre d’indiquer quelles mesures de précaution ont été prises afin de prévenir l’écartement des mur qui portent les voûtes. Ces murs épais seulement d’un mètre et percés de larges ouvertures, auraient difficilement soutenu par eux-mêmes, surtout avant la dessiccation des mortiers, la poussée qui leur est imposée ; il a paru prudent de les réunir par des tirants. A cet effet, celle de leurs assises qui correspond à la naissance de la voûte a été composée de pierres de fortes dimensions, dans lesquelles ont été pratiqués des refouillements. Avec une pareille armature, les voûtes, quoique faites par parties et décintrées immédiatement après la pose des clefs, n’ont pas produit le plus léger mouvement dans leurs supports.

 

Le phare proprement dit est entièrement formé de blocs de granite, dont les parements vus sont finement taillés, et les faces intérieures simplement piquées à la grosse pointe. Chacun de ces blocs, à la rondeur et à l’inclinaison du parement vu, est équarri de manière à représenter un prisme droit, quelle que soit la forme du panneau sur lequel il a été coupé. Le centre de la colonne est occupé par un escalier hélicoïdal, dont les marches sont engagées d’un côté dans le mur principal, et de l’autre dans un cylindre creux formant noyau ; ce cylindre, dont le revêtement a quarante centimètres d’épaisseur, est composé de pierres à deux parements, dont chaque assise correspond à la hauteur de deux marches.

 

 

 

 

 
 

 Lintelement des portes et fenêtres

 
 

 

La porte d’entrée du phare et le couloir qui la suit sont recouverts par une voûte entièrement plate, composée de trois cours de voussoirs appuyés sur des coussinets ; mais toutes les fenêtres de l’escalier, eu égard à leur faible largeur, ont été lintelés avec des traverses d’une seule pièce. Précautions dans l’établissement et la pose des assises.

 

La solidité du phare dépendait principalement de l’horizontalité et du contact plus ou moins parfait des différentes assises, ainsi que de leur exacte symétrie par rapport à leur axe commun.

 

 
 

 Dérasement.

 
 

 

Après l’achèvement de chaque assise, des repères de hauteur étaient pris de distance à distance, à l’aide d’un niveau à bulle d’air ; ces repères étaient rejoints ensuite par des plumées parfaitement droites, puis les portions intermédiaires étaient successivement dérasées au niveau de ces plumées.

 


   Mode de pose  
 

 

Sur une aire aussi parfaitement horizontale, on plaçait les pierres de l’assise supérieure sur une couche peu épaisse de mortier et on les assujettissait à coups redoublés de mail. Si leur lit et leur face vue eussent été taillés, l’un par rapport à l’autre dans l’angle exact voulu par l’appareil, chaque assise eût présenté peu de balèvres ; mais comme il est difficile d’arriver à ce degré de perfection dans la pratique, un grand nombre de parements ont été repris au ragrément.


Les pierres seules qui ne devaient pas supporter une lourde charge ont été l’objet de quelque tolérance lorsque leur lit de pose était un peu trop faible. Cette tolérance n’a jamais été telle que la queue de la pierre fût soulevée sur une couche de ciment de plus de deux centimètres.

 

 
   Manière de centrer les assises  
 

 

Pour centrer exactement les assises, on se servait d’un croisillon en fer, dont chaque branche était munie d’un vis de pression réagissant contre la vis opposée. Ce croisillon se plaçait au dessus du noyau creux, à la hauteur de l’assise qu’on voulait centrer, et à l’aide de vis on l’amenait exactement, par les indications d’un perpendicule, à ce que le centre de la suture de ses branches correspondît exactement au point magistral
marqué sur la dalle du fond du puits. De ce centre l’on décrivait les rayons tant extérieur qu’intérieur de l’assise, et l’on ragréait conformément à ces rayons.

 

 
   Levage et moyens d’exécution  
 

 

Pour les bâtiments accessoires et les parties de l’édifice dont l’élévation n’excédait pas dix mètres, le montage des matériaux s’est effectué à l’aide d’une grue ordinaire, que sur des rouleaux, on conduisait dans tous les coins de l’enceinte. Des ponts de service mobiles permettaient de mener à leur place les pierres des façades
extérieures. La pose des corniches que leur évidemment et les arrêtes vives de leurs moulures rendaient difficiles à manier, a nécessité la construction d’une machine adaptée

 

La construction de la colonne présentait des obstacles beaucoup plus difficiles à surmonter. Il fallait avant tout éviter l’établissement d’un échafaudage extérieur s’appuyant sur le sol et grandissant avec l’édifice, car un pareil échafaudage eût été à lui seul un ouvrage considérable et eût entraîné une grande dépense de temps
et d’argent ; il fallait néanmoins à l’aide d’une installation, non seulement solide, mais capable encore de prévenir les vertiges de la peur, porter les ouvriers en dehors des maçonneries afin d’assurer les opérations de la pose, du dérasement et des reprises ; il fallait fournir un moyen commode de montage pour les matériaux ; il fallait enfin faire arriver sans difficulté chaque bloc de pierre à la place qui lui était assignée.

 

Je vais décrire succinctement les parties du système par le secours duquel ces conditions ont été remplies.

 

Quatre pièces de bois placées dans les diagonales du carré circonscrit à la circonférence intérieure de la colonne sont reliées entre elles, à leurs extrémités les plus rapprochées du centre par des jantes d’un rayon moyen, égal au rayon moyen du mur du noyau creux, et consolidés par un cercle de fer.


Un peu en dehors de la circonférence intérieure de la colonne, s’élèvent sur ces pièces quatre montants légèrement inclinés vers la verticale du centre de figure du patin, rattachés à ce patin par des liens de fer, de manière que l’angle qu’ils font avec lui devienne invariable, et reliés deux à deux par des chapeaux sur lesquels sont boulonnés six autres chapeaux transversaux formant une plate-forme.

 

Sur cette plate-forme est fixé, par des crampons, un cercle de fer, d’un rayon un peu plus grand que la distance des deux faces extérieures des chapeaux extrêmes, et à ce cercle viennent s’accrocher seize tirants qui se rattachent à autant d’échasses placées normalement à la surface extérieure de la colonne, et disposées de manière à supporter un garde-corps et deux étages de plancher de manoeuvre, l’inférieur destiné aux poseurs et déraseurs, le supérieur aux ouvriers agissant sur une grue dont il sera fait mention plus bas.

 

Enfin aux jantes circulaires du patin sont suspendues des échafaudages annulaires susceptibles de prendre successivement toutes les positions dans la cage de l’escalier, et de servir à toutes les opérations relatives à la pose des marches du noyau creux et de la paroi intérieure de la colonne.

 

 

 
   Montage du fût de la colonne.  
 

 

Sous la plate-forme de la chèvre sont fixées, sur le même axe, deux poulies d’un diamètre un peu moindre que le rayon du vide du noyau . Deux câbles montent par le centre de ce noyau, passent sur les poulies, descendent le long de la paroi intérieure du puits, sortent du phare par une des fenêtres du corps carré, et vont s’enrouler en sens inverse sur un treuil muni d’une roue dentée qui s’engrène dans les fuseaux d’une lanterne fixée sur l’arbre d’un manège mu par des chevaux. Dans cette disposition, les matériaux montent par le creux du noyau, et lorsque le crochet attaché à l’extrémité de l’un des câbles s’élève chargé, le crochet de l’autre câble descend à vide, et le manège tourne tantôt à droite, tantôt à gauche, mais toujours utilement.

 

 
   Répartition des pierres dans chaque assise  
 

 

Au centre de la plate-forme de la chèvre s’élève un petit arbre dont la tête est munie d’une crapaudine
dans laquelle tourne le pivot d’une volée triangulaire composée de deux arbalétriers inclinés, portant le pivot dans l’angle de leur jonction et d’une moise horizontale embrassant l’arbre. A l’une des extrémités de cette volée est suspendu un moufle et à l’autre deux moises pendantes, munies d’un rouet à cylindre sur lequel le cordon du moufle vient s’enrouler. A l’aide de cet appareil, une pierre portée par le moufle peut être déposée à telle place qu’il convient de choisir sur la surface d’une assise.

 

On peut voir, par cette description sommaire, que les planchers de manoeuvre, tant intérieurs qu’extérieurs, les poulies de montage des matériaux et la grue destinée à les répartir, prennent leurs points d’appui sur un support unique qui ne repose lui-même sur la maçonnerie que par les quatre pièces principales de son patin ; si l’on ajoute que chacune de ces pièces est percée en écrou et reçoit une vis, il sera facile de comprendre qu’en agissant sur ces quatre vis on a pu successivement élever tout le système d’une assise sur l’autre jusqu’au sommet de l’édifice.

 

 
   Introduction des pierres à l’intérieur du phare  
 

 

Pour amener sans peine les pierres sous le noyau creux, on a fait usage d’un chariot à quatre roues, se mouvant dans des rainures fixes, sur un plan incliné de 0,123 m par mètre et établi dans l’axe de la porte du phare.


Au pied du plan incliné était ménagé un appontement portant une échancrure dans laquelle venait se loger le chariot.


Enfin une corde attachée au chariot passait sur une poulie de renvoi fixée dans la paroi du noyau faisant face à la porte, et revenait sur l’appontement où son extrémité était armée d’un crochet.


Le triqueballe déposait chaque pierre directement sur le chariot, et, tout en retournant chercher une autre pierre, il conduisait la première dans l’intérieur du phare, en attachant à sa chaîne le crochet dont il vient d’être fait mention. Dès que la pierre était suspendue, l’impulsion d’un ouvrier ramenait le chariot au pied du plan incliné dans l’échancrure de l’appontement.

 

 
   Tire-bas  
 

 

Pendant que l’un des crochets montait chargé, l’autre devait descendre à vide, et, pour vaincre la résistance produite par le poids et la rigidité d’un cordage d’aussi fortes dimensions, on a eu recours à deux cylindres placés au haut de la porte d’entrée du phare, et que mettait en mouvement le poids d’un homme marchant sur des taquets placés au lieu de chevilles sur les joues d’un rouet : sur chacun des cylindres s’enroulait un tire-bas dont l’un montait avec la pierre à laquelle on l’accrochait, tandis que l’autre descendait avec le crochet vide qu’il entraînait avec lui.


Prenons maintenant une pierre dans le cas où, par l’action du manège sur les câbles principaux, elle vient d’arriver à la hauteur de l’assise en construction ; dans l’élingue qui la soutient on passe une cravate à laquelle on accroche le moufle de la grue ; on raccourcit les cordons de ce moufle en agissant sur la rouet, en même temps que le manège, en dévirant, laisse allonger le câble ; de sorte que la verticale de suspension de la pierre se transporte successivement du centre du noyau à l’aplomb du moufle ; dans cet état, on dépasse le crochet du câble d’ascension et la grue tournant sur son pivot porte la pierre directement à la place qu’elle doit occuper.

 

 
   Ordre d’exécution dans chaque assise.  
 

 

On posait e premier lieu et constamment, dans chaque assise, les pierres du parement intérieur de la colonne, sauf les quatre dont le patin occupait la place ; alors, en agissant sur les vis, on élevait tout le système de telle sorte que le patin , à l’aide de traverses, pût porter sur les pierres déjà posées ; sous ces traverses on faisait glisser les clausoirs , puis on procédait à la mise en place des pierres du parement extérieur des libages, des marches de l’escalier et du noyau.

 

 
 

 Procédés de pose appliqués aux diverses

 espèces de clausoirs

 
 

 

Chaque assise présentait, au parement extérieur, quatre clausoirs qui, formant les clés de voûte, étaient plus larges en dehors qu’en dedans, la grue les descendait verticalement dans l’intervalle qu’ils étaient appelés à remplir. Les clausoirs de libage se posaient d’une manière analogue, seulement on ne les suspendait pas, comme les clausoirs de parement, par une élingue embrassant la pierre par dessous, mais par une couronne passant par de petites rainures pratiquées dans la partie supérieure des arrêtes verticales des blocs. Quant aux marches de l’escalier et aux pierres du noyau, le câble d’ascension, dévié de la verticale par une légère traction, les déposait directement à leur place.

 

 
   Pose de l’astragale  
 

 

En écartant successivement, du parement intérieur de la colonne, chaque paire des échasses qui sont fixement accouplées l’une à l’autre, on a passé derrière leurs montants des fourrures en auget de O,2 m d’épaisseur, non compris les jours, et régnant depuis l’extrémité inférieure des montants jusqu’aux premiers planchers de manoeuvre ; il est résulté de cette disposition que les échasses ne touchaient plus à la colonne que par les fourrures placées à la partie inférieure, et qu’elles étaient écartées de l’assise destinée à recevoir l’astragale, de la quantité nécessaire pour permettre de poser les pierres de cette moulure avec leur saillie de 18 centimètres.

 

L’assise supérieure à l’astragale, établie dans le même état de l’échafaudage, a fourni des points d’appui à un cours de nouvelles fourrures qui ont permis de supprimer les anciennes, et lorsque le talon des échasses est venu, par la suite de l’ascension du système, à dépasser l’astragale, les fourrures ont été supprimées et l’échafaudage s’est resserré contre les parois du fût.

 

 
   Pose du couronnement encorbellé  
 

 

La saillie considérable de l’encorbellement sur la colonne –0,8 m a forcé d’apporter dans l’échafaudage de notables modifications. Le montant intérieur de chaque échasse a été scié au dessus du boulon du tirant, le plancher de manoeuvre supérieur et ses supports horizontaux ont été supprimés ; les montants extérieurs portant le garde-corps ont été reliés aux montants intérieurs par des écharpes inclinées ; enfin les tirants ont été détachés de la chèvre et réduits à une longueur d’un mètre et couchés horizontalement sur l’assise inférieure à l’encorbellement, dans des rainures pratiquées pour les recevoir.


La couronne est ainsi devenue tout à fait indépendante de la chèvre et de la grue, dont il a fallu allonger les moises pendantes pour mettre le rouet à portée de la maçonnerie, comme il l’était du plancher de manoeuvre.

 

L’encorbellement posé, on a à l’établissement du mur d’appui de la lanterne, en se contentant d’élever seulement la chèvre jusque sur la seconde assise de ce mur, et en laissant vide, dans les trois autres assises, la place occupée par les quatre pieds du patin ; on a ensuite achevé le palier de la chambre de quart, exécuté celui de la lanterne, puis on a démonté et descendu pièce par pièce tous les moyens accessoires de la construction, et posé, à l’aide d’une écoperche, les clausoirs des trois assises supérieures du mur d’appui de la lanterne.


Tels sont les procédés économiques à l’aide desquels onze mille blocs de granite, pesant ensemble 7 400 000 kg, ont été réparties en cent dix huit assises pour former une colonne dont le sommet s’élève à 70 mètres au dessus du rocher qui lui sert de base.


Charles-Félix Morice de la Rue, ingénieur des Ponts et Chaussées

 
     
   L’architecte De la Rue  
 

 

Ingénieur des Ponts et Chaussées qui était le fils d'un forgeron de la région parisienne.

Il est horsain. Il est né à Laval, en Mayenne, le 4 septembre 1800. A 19 ans, il entre à l'école Polytechnique. Il est diplômé en 1821 et intègre le corps des Ponts et Chaussées le 20 novembre de la même année.

Au terme de sa formation, il est nommé ingénieur chargé de la navigation le 1er mai 1825 en Seine inférieur (aujourd'hui la seine maritine).

Il arrive dans la Manche le 1er Mais 1826, chargé de la circonscription de Chebourg-Valognes. Il y fera toute sa carrière jusqu'au 1er Janvier 1863 et y a passé toute sa retraite à la Garancière jusqu'à son décès le 1er Décembre 1880.

En qualité d'ingénieur, il est chargé de la réalisation des routes du Cotentin.

Vers 1830, un vaste programme national de modernisation des axes de communication est en cours. C'est de cette époque que datent la plupart des routes structurantes du département.

 
 
 

On lui doit la grande route de Cherbourg-Barfleur, et Cherbourg-La Hague.

Ayant un cheval et voiture pour suivre la construction et trouvant la côte de Tourlaville trop difficile pour son cheval, il fut hébergé à Digosville où il rencontra sa femme qu'il épouse le 8 mai 1837. La construction des routes ne représente qu'une partie de la carrière de Morice De la Rue. C'est principalement vers les ports et les phares qu'il oriente son génie.

Nommé ingénieur en chef le 26 décembre 1838, il est chargé des ports de Granville et Carentan où il réalise les bassins à flot.

En 1843, il dirige les travaux de l'ensemble des ports de commerce et des phares du département de la Manche.
Il a ainsi dirigé l'exécution des jetées de Saint-Vaast, Barfleur, Diélette.

Ses oeuvres majeurs sont les phares de Gatteville et du Goury.

Profitant de la découverte d'Augustin Fresnel qui met au point la lentille à échelons pour obtenir un faisceau lumineux de grande section, le programme de construction des phares va prendre dès la fin des années 1820, une importance capital.

 

 
   GARDIEN DE PHARE  
 

 

Texte extrait de la monographie de Maurice Fichet

et des carnets de souvenirs de Simone Fichet

 

Pour faire le tour complet d'un service d'un gardien de phare, il faut rester trois jours avec lui : deux jours de services et un jour de repos.

Une journée d'hiver, le soleil doit se coucher à 18H30.
L'allumage sera donc prévu pour 18H00. Le gardien chargé de l'allumage et de la première veille monte en haut du phare, la montée prend quinze minutes (il y a 365 marches).
Arrivé dans la lanterne, le gardien enlève les rideaux de protection contre l'incendie situés de l'Est au Sud et à l'Ouest. Ensuite, sans perdre de temps, le gardien contrôle les deux anémomètres (pour mesurer la vitesse du vent) et fait les relevés imposés.

 

Tout ce travail fait, le gardien redescend avec une certaine habitude en trois ou quatre minutes.

Une fois revenu au pied du phare, le gardien attend l'heure de l'allumage. Le moment venu, il allume le phare dont l'optique tourne depuis un moment déjà.

Le gardien peut toutefois avancer l'heure de l'allumage si le temps est couvert ou s'il neige...

Il ne peut en aucun cas le reculer.

Le phare allumé, le gardien s'installe dans la chambre de veille, il vérifie tous les feux qu'il doit apercevoir sont visibles c'est à dire la bouée des Equels et de Régnier, le feu de pierres noires située à l'Ouest, le phare du Cap Levy, les feux d'entrée de port et le port de Barfleur, celui de Réville, de StVaast-la-Hougue et le feu des îles St Marcouf. Le gardien à la fin de son quart doit remplir une feuille où il marque s'il a aperçu les feux suscités.

S'il n'aperçoit pas les feux de Barfleur et les feux de la bouée des Equets, il doit mettre la sirène en route.

A 21h précise, le gardien doit descendre dans la salle des machines pour prendre l'heure et régler s'il n'y a lieu les horloges.

Le quart se déroule ainsi sans incident la plupart du temps.

Dans la salle de veille, il y a deux téléphones l'un en communication avec la lanterne et l'autre branché sur le standard.

 


 

Son seul moment de détente : la soupe que sa femme ou un enfant lui monte dans les courants d’air et les hurlements du vent avec pour seul éclairage une lampe tempête.

 Sa grande peur : l’orage qui fait exploser les carreaux des instruments de contrôle, fond les aiguilles et même la chaînettes du lavabo et survient parfois sans prévenir.

La veille continue jusqu'à une heure moins le quart, à ce moment le gardien de service va réveiller son collègue qui doit le relever.

Le gardien retourne dans la salle de veille car le phare ne doit jamais être laissé sans surveillance.

Le gardien qui assure la relève arrive à une heure et le gardien relevé communique les consignes et les observations à son camarade.


Et le gardien, après avoir rempli quelques imprimés, jugements sur la force du vent et la "grosseur" de la mer peut aller se coucher