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Les cahiers du petit manchot 2011 N°18 du dimanche 28 aôut |
GATTEVILLE | |||||||||||||||||||
LE PREMIER PHARE | |||||||||||||||||||
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PROGRAMME D'ECLAIRAGE DE 1825 | |||||||||||||||||||
La portée du feu devint trop restreinte pour pouvoir entrer dans le système général adopté, en 1825, pour l’éclairage des côtes de France, système dans lequel deux phares consécutifs doivent embrasser dans leur champ tout l’espace qui les sépare.
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GATTEVILLE PHARE | |||||||||||||||||||
Construction des phares de Gatteville et Goury
Dans un grand nombre de phares, les magasins et les logements des gardiens sont accolés à la base de la tour, et cette disposition, qu’on n’est pas toujours maître d’éviter, présente des inconvénients de plus d’un genre : elle interdit les escaliers à noyau, sous peine de rendre fort obscure leur partie inférieure ; elle prive ainsi la construction de la solidité que lui procurent deux cylindres concentriques solidaires entr’eux ; elle force à exposer les fenêtres directement à la fureur des vents et de la pluie ; enfin elle resserre la base dans un petit espace , tandis qu’on peut avoir intérêt à l’élargir.
Eclairer uniformément l’escalier, tout en lui donnant un noyau capable de consolider l’édifice, mettre les ouvertures des habitations à l’abri du vent, étendre la base du monument afin de le mettre en harmonie avec la hauteur de la colonne, telles sont les conditions que je crois avoir remplies en isolant le phare proprement dit, en plaçant les bâtiments accessoires autour, mais séparés de sa base, enfin en perçant les portes et les fenêtres de ces bâtiments dans l’intérieur de l’enceinte qu’ils concourent à former, et qui n’est ouverte que du côté de midi.
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Fondation et mode de construction. | |||||||||||||||||||
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Lintelement des portes et fenêtres | |||||||||||||||||||
La porte d’entrée du phare et le couloir qui la suit sont recouverts par une voûte entièrement plate, composée de trois cours de voussoirs appuyés sur des coussinets ; mais toutes les fenêtres de l’escalier, eu égard à leur faible largeur, ont été lintelés avec des traverses d’une seule pièce. Précautions dans l’établissement et la pose des assises.
La solidité du phare dépendait principalement de l’horizontalité et du contact plus ou moins parfait des différentes assises, ainsi que de leur exacte symétrie par rapport à leur axe commun.
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Dérasement. | |||||||||||||||||||
Après l’achèvement de chaque assise, des repères de hauteur étaient pris de distance à distance, à l’aide d’un niveau à bulle d’air ; ces repères étaient rejoints ensuite par des plumées parfaitement droites, puis les portions intermédiaires étaient successivement dérasées au niveau de ces plumées.
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Mode de pose | |||||||||||||||||||
Sur une aire aussi parfaitement horizontale, on plaçait les pierres de l’assise supérieure sur une couche peu épaisse de mortier et on les assujettissait à coups redoublés de mail. Si leur lit et leur face vue eussent été taillés, l’un par rapport à l’autre dans l’angle exact voulu par l’appareil, chaque assise eût présenté peu de balèvres ; mais comme il est difficile d’arriver à ce degré de perfection dans la pratique, un grand nombre de parements ont été repris au ragrément.
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Manière de centrer les assises | |||||||||||||||||||
Pour centrer exactement les assises, on se servait d’un croisillon en fer, dont chaque branche était munie d’un vis de pression réagissant contre la vis opposée. Ce croisillon se plaçait au dessus du noyau creux, à la hauteur de l’assise qu’on voulait centrer, et à l’aide de vis on l’amenait exactement, par les indications d’un perpendicule, à ce que le centre de la suture de ses branches correspondît exactement au point magistral
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Levage et moyens d’exécution | |||||||||||||||||||
Pour les bâtiments accessoires et les parties de l’édifice dont l’élévation n’excédait pas dix mètres, le montage des matériaux s’est effectué à l’aide d’une grue ordinaire, que sur des rouleaux, on conduisait dans tous les coins de l’enceinte. Des ponts de service mobiles permettaient de mener à leur place les pierres des façades
La construction de la colonne présentait des obstacles beaucoup plus difficiles à surmonter. Il fallait avant tout éviter l’établissement d’un échafaudage extérieur s’appuyant sur le sol et grandissant avec l’édifice, car un pareil échafaudage eût été à lui seul un ouvrage considérable et eût entraîné une grande dépense de temps
Je vais décrire succinctement les parties du système par le secours duquel ces conditions ont été remplies.
Quatre pièces de bois placées dans les diagonales du carré circonscrit à la circonférence intérieure de la colonne sont reliées entre elles, à leurs extrémités les plus rapprochées du centre par des jantes d’un rayon moyen, égal au rayon moyen du mur du noyau creux, et consolidés par un cercle de fer.
Sur cette plate-forme est fixé, par des crampons, un cercle de fer, d’un rayon un peu plus grand que la distance des deux faces extérieures des chapeaux extrêmes, et à ce cercle viennent s’accrocher seize tirants qui se rattachent à autant d’échasses placées normalement à la surface extérieure de la colonne, et disposées de manière à supporter un garde-corps et deux étages de plancher de manoeuvre, l’inférieur destiné aux poseurs et déraseurs, le supérieur aux ouvriers agissant sur une grue dont il sera fait mention plus bas.
Enfin aux jantes circulaires du patin sont suspendues des échafaudages annulaires susceptibles de prendre successivement toutes les positions dans la cage de l’escalier, et de servir à toutes les opérations relatives à la pose des marches du noyau creux et de la paroi intérieure de la colonne.
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Montage du fût de la colonne. | |||||||||||||||||||
Sous la plate-forme de la chèvre sont fixées, sur le même axe, deux poulies d’un diamètre un peu moindre que le rayon du vide du noyau . Deux câbles montent par le centre de ce noyau, passent sur les poulies, descendent le long de la paroi intérieure du puits, sortent du phare par une des fenêtres du corps carré, et vont s’enrouler en sens inverse sur un treuil muni d’une roue dentée qui s’engrène dans les fuseaux d’une lanterne fixée sur l’arbre d’un manège mu par des chevaux. Dans cette disposition, les matériaux montent par le creux du noyau, et lorsque le crochet attaché à l’extrémité de l’un des câbles s’élève chargé, le crochet de l’autre câble descend à vide, et le manège tourne tantôt à droite, tantôt à gauche, mais toujours utilement.
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Répartition des pierres dans chaque assise | |||||||||||||||||||
Au centre de la plate-forme de la chèvre s’élève un petit arbre dont la tête est munie d’une crapaudine
On peut voir, par cette description sommaire, que les planchers de manoeuvre, tant intérieurs qu’extérieurs, les poulies de montage des matériaux et la grue destinée à les répartir, prennent leurs points d’appui sur un support unique qui ne repose lui-même sur la maçonnerie que par les quatre pièces principales de son patin ; si l’on ajoute que chacune de ces pièces est percée en écrou et reçoit une vis, il sera facile de comprendre qu’en agissant sur ces quatre vis on a pu successivement élever tout le système d’une assise sur l’autre jusqu’au sommet de l’édifice.
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Introduction des pierres à l’intérieur du phare | |||||||||||||||||||
Pour amener sans peine les pierres sous le noyau creux, on a fait usage d’un chariot à quatre roues, se mouvant dans des rainures fixes, sur un plan incliné de 0,123 m par mètre et établi dans l’axe de la porte du phare.
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Tire-bas | |||||||||||||||||||
Pendant que l’un des crochets montait chargé, l’autre devait descendre à vide, et, pour vaincre la résistance produite par le poids et la rigidité d’un cordage d’aussi fortes dimensions, on a eu recours à deux cylindres placés au haut de la porte d’entrée du phare, et que mettait en mouvement le poids d’un homme marchant sur des taquets placés au lieu de chevilles sur les joues d’un rouet : sur chacun des cylindres s’enroulait un tire-bas dont l’un montait avec la pierre à laquelle on l’accrochait, tandis que l’autre descendait avec le crochet vide qu’il entraînait avec lui.
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Ordre d’exécution dans chaque assise. | |||||||||||||||||||
On posait e premier lieu et constamment, dans chaque assise, les pierres du parement intérieur de la colonne, sauf les quatre dont le patin occupait la place ; alors, en agissant sur les vis, on élevait tout le système de telle sorte que le patin , à l’aide de traverses, pût porter sur les pierres déjà posées ; sous ces traverses on faisait glisser les clausoirs , puis on procédait à la mise en place des pierres du parement extérieur des libages, des marches de l’escalier et du noyau.
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Procédés de pose appliqués aux diverses espèces de clausoirs | |||||||||||||||||||
Chaque assise présentait, au parement extérieur, quatre clausoirs qui, formant les clés de voûte, étaient plus larges en dehors qu’en dedans, la grue les descendait verticalement dans l’intervalle qu’ils étaient appelés à remplir. Les clausoirs de libage se posaient d’une manière analogue, seulement on ne les suspendait pas, comme les clausoirs de parement, par une élingue embrassant la pierre par dessous, mais par une couronne passant par de petites rainures pratiquées dans la partie supérieure des arrêtes verticales des blocs. Quant aux marches de l’escalier et aux pierres du noyau, le câble d’ascension, dévié de la verticale par une légère traction, les déposait directement à leur place.
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Pose de l’astragale | |||||||||||||||||||
En écartant successivement, du parement intérieur de la colonne, chaque paire des échasses qui sont fixement accouplées l’une à l’autre, on a passé derrière leurs montants des fourrures en auget de O,2 m d’épaisseur, non compris les jours, et régnant depuis l’extrémité inférieure des montants jusqu’aux premiers planchers de manoeuvre ; il est résulté de cette disposition que les échasses ne touchaient plus à la colonne que par les fourrures placées à la partie inférieure, et qu’elles étaient écartées de l’assise destinée à recevoir l’astragale, de la quantité nécessaire pour permettre de poser les pierres de cette moulure avec leur saillie de 18 centimètres.
L’assise supérieure à l’astragale, établie dans le même état de l’échafaudage, a fourni des points d’appui à un cours de nouvelles fourrures qui ont permis de supprimer les anciennes, et lorsque le talon des échasses est venu, par la suite de l’ascension du système, à dépasser l’astragale, les fourrures ont été supprimées et l’échafaudage s’est resserré contre les parois du fût.
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Pose du couronnement encorbellé | |||||||||||||||||||
La saillie considérable de l’encorbellement sur la colonne –0,8 m a forcé d’apporter dans l’échafaudage de notables modifications. Le montant intérieur de chaque échasse a été scié au dessus du boulon du tirant, le plancher de manoeuvre supérieur et ses supports horizontaux ont été supprimés ; les montants extérieurs portant le garde-corps ont été reliés aux montants intérieurs par des écharpes inclinées ; enfin les tirants ont été détachés de la chèvre et réduits à une longueur d’un mètre et couchés horizontalement sur l’assise inférieure à l’encorbellement, dans des rainures pratiquées pour les recevoir.
L’encorbellement posé, on a à l’établissement du mur d’appui de la lanterne, en se contentant d’élever seulement la chèvre jusque sur la seconde assise de ce mur, et en laissant vide, dans les trois autres assises, la place occupée par les quatre pieds du patin ; on a ensuite achevé le palier de la chambre de quart, exécuté celui de la lanterne, puis on a démonté et descendu pièce par pièce tous les moyens accessoires de la construction, et posé, à l’aide d’une écoperche, les clausoirs des trois assises supérieures du mur d’appui de la lanterne.
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L’architecte De la Rue | |||||||||||||||||||
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On lui doit la grande route de Cherbourg-Barfleur, et Cherbourg-La Hague. Ayant un cheval et voiture pour suivre la construction et trouvant la côte de Tourlaville trop difficile pour son cheval, il fut hébergé à Digosville où il rencontra sa femme qu'il épouse le 8 mai 1837. La construction des routes ne représente qu'une partie de la carrière de Morice De la Rue. C'est principalement vers les ports et les phares qu'il oriente son génie. Nommé ingénieur en chef le 26 décembre 1838, il est chargé des ports de Granville et Carentan où il réalise les bassins à flot. En 1843, il dirige les travaux de l'ensemble des ports de commerce et des phares du département de la Manche. Ses oeuvres majeurs sont les phares de Gatteville et du Goury. Profitant de la découverte d'Augustin Fresnel qui met au point la lentille à échelons pour obtenir un faisceau lumineux de grande section, le programme de construction des phares va prendre dès la fin des années 1820, une importance capital.
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GARDIEN DE PHARE | |||||||||||||||||||
Texte extrait de la monographie de Maurice Fichet et des carnets de souvenirs de Simone Fichet
Pour faire le tour complet d'un service d'un gardien de phare, il faut rester trois jours avec lui : deux jours de services et un jour de repos. Une journée d'hiver, le soleil doit se coucher à 18H30.
Son seul moment de détente : la soupe que sa femme ou un enfant lui monte dans les courants d’air et les hurlements du vent avec pour seul éclairage une lampe tempête. Sa grande peur : l’orage qui fait exploser les carreaux des instruments de contrôle, fond les aiguilles et même la chaînettes du lavabo et survient parfois sans prévenir. La veille continue jusqu'à une heure moins le quart, à ce moment le gardien de service va réveiller son collègue qui doit le relever. Le gardien retourne dans la salle de veille car le phare ne doit jamais être laissé sans surveillance. Le gardien qui assure la relève arrive à une heure et le gardien relevé communique les consignes et les observations à son camarade.
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