AVRANCHES
  CC 03.01 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  LE DONJON D'AVRANCHES 3/9
         
 
 

Relevé, réalisé quelques années après 1750, il nous offre à la fois un plan et une élévation

de toute la ligne de fortification située entre la porte Baudange et la porte de Ponts.

Ce document est sans doute une des pièces d'archives les plus utilisées par les historiens avranchins.

 
 

ORIGINES DU DONJON

 

Les origines du donjon d'Avranches

 

Très tôt les historiens identifient la vieille ville comme l'oppidum gaulois de l'Antiquité, "l'acropole" des Abrincates , que l'on aurait fortifié après les premières invasions du IIIe siècle.

 

Malheureusement le donjon est à l'extrémité gauche du dessin, et le périmètre qui nous préoccupe n'y est que partiellement représenté.Cependant quelques observations peuvent être faites. Le sommet du donjon est bien à la même hauteur que la courtine, qui devient, pour nous aujourd'hui, un merveilleux point de repère.

 
 
   

En admettant qu'une fortification de la vieille ville soit intervenue à cette époque, il est tentant de penser que le site du donjon médiéval fit l'objet d'un aménagement particulier. Les découvertes faites au XIXe siècle révélèrent la présence, dans les substructions de l'édifice, de nombreux vestiges antiques. Des bases et des fragments de colonnes furent notamment retrouvés lors du percement de la rue Neuve d'Office, aujourd'hui rue de la Belle-Andrine, en 1848.

 
         
 

D'autre part, des réemplois gallo-romains sont encore visibles dans les fondations d'un mur situé non loin, à une vingtaine de mètres au sud du site présumé du donjon.Ces indices pourraient indiquer la construction d'un castrum, à cet endroit, accompagnant le repli de la population sur l'oppidum plus facile à défendre. Cependant rien ne permet de dire à quelle époque ces aménagements furent faits.

 

À ce jour on n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une muraille ou palissade pour la défense de l'oppidum, ni la certitude que les réemplois soient contemporains des invasions germaniques.

 

Des réemplois gallo-romains

 
         
 

À l'époque franque, le chef du pagus possède probablement une résidence à Avranches. Edouard Le Héricher, au XIXe siècle, évoque la construction d'"une espèce de château" à Avranches en 460, par le monarque franc Chilpéric. L'auteur avoue qu'il tient cette information de M. Cousin, ce dernier n'ayant pas cité ses sources. Pour cette époque les sources écrites et l'archéologie ne livrent aucun élément sérieux sur l'existence et encore moins sur la localisation d'un tel édifice.

 

Lorsque l'on évoque le donjon d'Avranches aujourd'hui, l'immense majorité des Avranchais croit qu'il s'agit de cette tour aux créneaux garnis d'armoiries où flottent, aux beaux jours, de nombreux drapeaux. En fait, ce "pseudo donjon" est une courtine, qui, comme nous le verrons plus loin, a sans doute été bâtie au XIIIe siècle. La confusion est née peut-être de l'effondrement du véritable donjon, en 1883, et de la proximité de ce dernier, dont l'angle nord-est venait se raccrocher à cette courtine. Jean Mesqui lui-même a commis une erreur en rangeant ce simple mur de courtine dans la catégorie des tours maîtresses de forme rectangulaire et aux angles arrondis

 
         
 

Cependant cette méprise fut évitée par la plupart des historiens. Le vide laissé par la disparition du véritable donjon, en 1883, au pied de la courtine, fut toujours considéré comme son emplacement. Cet espace désert fait de la forteresse normande un édifice aux dimensions réduites. M. Levalet indique à ce sujet qu'il n'a jamais dû avoir de fonction résidentielle. Il est vrai que le socle supposé ne permet pas d'envisager un édifice de plus de 100 m2 au sol.

 

Dans ses notes, le chanoine Pigeon précise que la terrasse sommitale du donjon forme un carré d'environ neuf mètres de côté, puis il se contredit en annonçant, dans son ouvrage sur le diocèse d'Avranches, que l'édifice mesurait neuf mètres de large sur seize de longueur. C'est à y perdre son latin !

 

Quant à sa date de construction, ces auteurs sont la plupart du temps très évasifs, même s'ils s'accordent à le faire remonter à l'époque ducale. Il est vrai que le contexte historique, évoqué précédemment, est propice à une installation du donjon entre le XIe et le XIIe siècle. Cependant, ses modestes dimensions, évoquées par Monique Levalet et relevées par le chanoine Pigeon, semblent atypiques pour un donjon anglo-normand de cette époque.

 

Le Donjon CPA Collection LPM 1900

 
         
 

D'autre part nous sommes en droit de nous interroger sur l'efficacité militaire et la fonction résidentielle d'une si petite construction, compte tenu de l'importance des puissants vicomtes d'Avranches.

 

En 1204, le rattachement de la Normandie à la France voit sans doute la destruction d'une partie du château par Guy de Thouars. Le donjon est-il touché à cette époque? Nul ne le sait. Fait-il l'objet de restaurations, en 1236, lorsque saint Louis rachète la vicomté et fait reconstruire les murs de la ville? M. Levalet pense que la courtine, notre fameux pseudo-donjon aujourd'hui crénelé, fut édifiée à cette époque. Pour l'archéologue, cette construction aurait pu dissimuler un passage entre la premiè re enceinte du château et la seconde. Nous pourrions alors parler de "courtine à gaine".

 

Avec l'apparition de l'artillerie, les troupes assiégeantes s'installent systématiquement sur les coteaux d'Olbiche, au sud de la ville. Le donjon n'a plus sa vocation stratégique première. En revanche, le manoir épiscopal et la cathédrale sont en première ligne.

 
         
 

Au XVe siècle, suite à la guerre de Cent Ans, les fortifications sont à nouveau refaites. Un second mur d'enceinte est construit autour de la ville, des fossés sont creusés au pied de cette nouvelle ceinture. En 1476, sur la place Baudange, en avant de la porte du même nom, un boulevard d'artillerie est bâti. À cette époque, malgré des sources plus nombreuses, le donjon n'est jamais évoqué dans le cadre des renforcements militaires. Est-ce parce qu'il n'a pas eu à souffrir de destructions?

 

Ou tout simplement parce qu'il perd alors toute utilité défensive et résidentielle pour ne plus être qu'une simple tour ?

 

Plan d’Avranches au XVIIIeme siecle

 
         
 

L'ensemble du château d'Avranches est déclassé au XVIIIe siècle. Les remparts, comme nous l'avons vu, sont vendus en parcelles. À la Révolution, le donjon n'est plus entretenu du tout. Un plan très précieux, conservé au fonds ancien de la bibliothèque d'Avranches et qui représente la ville au milieu du XVIIIe siècle, mentionne clairement le "château ruiné". M. Levalet prétend qu'à cette époque l'édifice possède encore une toiture. Rien n'est moins sûr !

 

Le télégraphe Chappe prend place, en 1810, sur le donjon; une "cabane" est installée à son sommet: elle sert à abriter les préposés au télégraphe et supporte le mécanisme articulé.

 

La terrasse est totalement inaccessible de l'intérieur. Le personnel doit emprunter l'escalier, toujours existant aujourd'hui, du mur de courtine voisin pour accéder au sommet de l'édifice ; aujourd'hui cet escalier est, d'une certaine manière, le seul élément qui subsiste du dispositif du télégraphe.

 
     
 

Le télégraphe CPA Collection LPM 1900

 
         
 

Le haut de la courtine constitue une plate-forme au même niveau que la terrasse. Un schéma, réalisé par le chanoine Pigeon, montre de quelle manière donjon et courtine étaient reliés. Ceci est également vérifiable dans un document conservé aux Archives du Calvados.

 

Un autre détail est à noter: il est impossible d'accéder à la terrasse depuis l'intérieur du bâtiment. Des passages ont probablement été obstrués après un premier affaissement du niveau supérieur de l'édifice, à une époque indéterminée.

 

 

Schéma, réalisé par le chanoine Pigeon,

montre de quelle manière donjon

et courtine étaient reliés.