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Le Magasin pittoresque Paru en 1833 CPA collection LPM 1900 |
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Cris des petits métiers de Paris au XIIIe siècle D’après « Le Magasin pittoresque » Paru en 1833
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A ce premier ennui ajoutez celui d’entendre à toute heure du jour ces clameurs de toutes sortes, les cris des marchands et les bruits de tambour à chaque proclamation ou cri solennel des crieurs du roi et de la ville, et vous aurez le tableau animé, remuant et criard de cette ville au XIII siècle.
Nous donnerons quelques passages du Dict des cris de Paris de Guillaume de Villeneuve, avec un aperçu historique des diverses denrées et marchandises les moins connues et les plus curieuses. On verra que, sauf quelques uns d’entre eux qui ont disparu pour faire place à un plus grand nombre d’autres, ces cris sont encore à peu près les mêmes aujourd’hui ; seulement, on remarquera que plus d’une espèce de marchandise qui se vendait alors en détail dans les rues par de pauvres gens, se débite en gros aujourd’hui, dans des boutiques et magasins, par de riches négociants. |
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Un noviau dit ici nous treuve
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« Puisque la misère l’y oblige, Guillaume de la Villeneuve trouve un nouveau dit à nous raconter. Je vais vous dire de quelle manière agissent les marchands pour faire leur profit, à tel point qu’ils ne cessent de brailler dans Paris jusqu’au soir ; ne croyez pas qu’ils en soient las et qu’ils pensent à cesser. Entendez ces cris dès le point du jour : Seigneur, allez vous baigner sans tarder ; les bains sont chauds, c’est sans mentir. »
C’étaient les barbiers qui, à Paris, autrefois, tenaient les bains ou étuves ; ils étaient réunis aux chirurgiens, et ne formaient qu’une confrérie sous la bannière de saint Côme et saint Damien. Les étuves ou bains étaient fort communs à Paris ; c’était un usage que ses habitants tenaient des Romains. Sous le roi Henri Ier, au XIe siècle, il est fait mention d’étuves situées à la pointe de la Cité ; en 1383, Charles VI renouvela les statuts des barbiers, et leur défendit de travailler les dimanches et les grandes fêtes de l’année.
On compte jusqu’à six rues, ruelles ou culs-de-sac qui reçurent le nom d’estuves à cause des bains qui s’y trouvaient placés. Il paraît au reste que, malgré toutes les précautions dont on usait à la réception des maîtres barbiers-baigneurs-étuvistes pour ne choisir que des gens de bonnes mœurs, et malgré la défense qui leur était faite d’aller travailler dans les étuves, ces endroits ne jouissaient pas, au moyen âge, d’une excellente réputation.
Une ordonnance du mois de novembre 1510 voulut que toutes ces maisons fussent fermées en cas de contagion. Leur nombre s’accrut de telle sorte, qu’au dire de Sauval, on ne pouvait faire un pas dans Paris sans en rencontrer ; on cessa d’y aller vers la fin du XVIIe siècle. |
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Puis après orrez retentir Harenc nostre vendre voudré.
« Vous entendiez après les cris de ceux qui crient les harengs frais ou la vive, le hareng saur, le hareng blanc, frais et saupoudré. Vous vendrai-je de notre hareng ? Entendez-vous crier la menue vive et les alètes de la mer ? »
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Le commerce du poisson salé ne commença qu’au XIIe siècle, par les soins de la Hanse parisienne, ou corps des marchands ; et parmi ces poissons, les harengs furent les premiers qu’on vit paraître aux halles : ils venaient de Rouen par la Seine, mais Calais prétend être la première ville qui ait connu et pratiqué la pêche du hareng.
C’est Louis IX qui, en 1254, divisa la vente du poisson en frais, salé, et saur ; cette distinction subsista jusqu’à Philippe de Valois, en 1345. Alors on ne connaissait pas encore l’art de saler le hareng comme aujourd’hui : celui qui le trouva fut un nommé Buckelz, mort à Biervliet, dans la Flandre hollandaise, en 1347 suivant les uns, en 1447 suivant les autres. A Paris, les femmes qui vendaient cette sorte de poisson avaient le nom de harengères, et demeuraient sur le Petit-Pont ; le poète Villon, qui écrivait au XVe siècle, fait une mention particulière de leur talent à dire des injures.
On ne sait trop si l’alète était un poisson ou un oiseau. |
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Oisons, pijons et char salée ; |
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« Oisons, pigeons et chair salée ; chair fraîche et bien parée, et de l’aillée en grande quantité. » Les Gaulois envoyaient à Rome de nombreux troupeaux d’oies, dont les Romains faisaient grand cas ; dans la suite les Francs les gardèrent, et longtemps en France ce fut la volaille la plus estimée, même chez les rois, puisque Charlemagne recommande, dans ses Capitulaires, d’en tenir ses maisons de campagne abondamment fournies. A Paris, les rôtisseurs n’avaient guère que des oies ; de là leur vint le nom d’oyers, qu’ils portèrent longtemps dans leurs statuts. |
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On sait qu’à cette époque les gens de la même profession étaient logés dans le même quartier et occupaient les mêmes rues : les rôtisseurs, ou plutôt les oyers, donnèrent leur nom à la rue qu’ils habitaient, et ce fut la rue aux Ouës ; mais par la suite on oublia cette étymologie, et on s’habitua à dire la rue aux Ours, nom qu’elle porte encore aujourd’hui. Une ordonnance du prévôt de Paris, en date du 22 juin 1522, donna la permission aux maîtres poulaillers et rôtisseurs de faire nourrir leurs oisons dans les rues de Verberie, des Fontaines, et autres aux environs, comme étant des lieux vagues et champêtres.
L’aillie ou l’aillée était une sauce que le menu peuple aimait beaucoup, et dont on faisait un bon débit dans les rues. C’était un mélange d’ail, d’amandes et de mie de pain pilés ensemble et détrempés avec un peu de bouillon. On la conservait comme la moutarde ; les habitants des provinces méridionales l’affectionnaient surtout. On en faisait aussi avec du verjus, témoin ce vers de cette même pièce :
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Verjus de grain à faire aillée. |
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« Voici du miel (que Dieu vous tienne en santé !) Puis après : pois chauds pilés, et fèves chaudes tout auprès. »
De tout temps, en France, le miel fut recherché : à certaines époques on en donnait comme un régal dans les monastères, et Louis le Débonnaire et Charles le Chauve firent divers présents de cette nature aux religieux de Saint-Germain et de Saint-Denis. Avant que le sucre ne fût devenu aussi commun, le miel en tenait lieu pour confire les fruits ; souvent même on le préférait au sucre dans les pâtisseries. Charlemagne, en ses Capitulaires, rappelle à ses métayers de récolter des pois dans leurs jardins. La manière la plus généralement goûtée de les servir était de les faire cuire avec du cochon. Les moines de Saint-Victor parvinrent à donner à ce plat un degré de bonté remarquable ; je ne sais pas même si un amateur ne s’avisa pas de publier un commentaire sur les meilleures manières de les accommoder.
Les fèves se vendaient à l’égal des pois, et l’on petit lire dans les poésies du XVIe siècle que les élégants de l’époque faisaient usage d’eau de fève pour se blanchir le teint. |
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Aoust de pesches, Pêches d’août,
Pendant longtemps on ne vendit à Paris que des pêches de vigne ; les plus estimées étaient celles de Corbeil ; voici ce que Louis XIII en écrivait vers 1613 : « La meilleure pêche est celle de Corbeil, qui a la chair sèche et solide, tenant aucunement au noyau. » Montreuil devint plus tard aussi renommé pour ses pêches.
C’est à la Grèce que nous devons les poires : celles qu’on criait dans les rues au XIIIe siècle, sous le nom de chaillou, étaient ainsi appelées parce qu’elles venaient de Caillaux en Bourgogne ; on les mangeait cuites ou confites. |
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Les pommes de rouviau (calville rouge) et le blandureau d’Auvergne (calville blanc), telles étaient les pommes qu’on vendait le plus communément au XIII siècle ; trois siècles plus tard, on citait les pommes de paradis, et le capendu ou courtpendu, sorte de pomme que les femmes enfermaient dans leurs armoires pour parfumer leurs robes.
Avec les pommes et les prunelles, les bourgeois et les marchands faisient une boisson que l’auteur du Journal de Paris, sous Charles VI, appelle prunelle ou dépense. Pour donner une idée de l’horrible disette qui désolait Paris en 1420, il dit que « ceulx qui en hyver avoient faict leurs buvaiges comme despenses de pommes ou de prunelles, jetterent au printemps ces fruits dans la rue pour que les porcs de sainct Anthoine s’en nourissent ; mais les pauvres gens, errant en grand nombre par les rues, disputoient ces restes aux cochons, et les mangeoient avidement. » |
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En Provence on assaisonnait les mets avec l’huile ; celle qu’on tirait des olives était la plus estimée ; mais comme elle ne pouvait suffire à la consommation qui s’en faisait par tout le royaume, les provinces, auxquelles sa cherté l’interdisait, y suppléaient et y suppléent encore par des huiles extraites de certaines graines ou fruits huileux que produisent quelques parties de leur territoire. Legrand d’Aussy remarque que dans le Bourbonnais, dans l’Auvergne, la Saintonge, le Limousin, la Bourgogne, le Lyonnais, et autres, le peuple se sert pour salades et pour fritures d’huile de noix ; celle qu’on criait au XIIIe siècle, dans les rues de Paris, servait non seulement pour les aliments, mais encore pour l’éclairage des lampes. |
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Il est curieux d’observer que les lampes dont on se servait à cette époque ressemblent à celles appelées Creziou, et qu’emploient les habitants des provinces méridionales : au lieu du coton pour la mèche, on y plaçait la moelle d’un certain petit jonc ; il y a même un vers de cette pièce où un crieur dit : |
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J’ai jonc paré pour mettre en lampe. |
Vinaigre qui est bel et bon. |
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Le vinaigre, c’est-à-dire le vin aigri, était en usage avant le XIII siècle : on en connaissait de diverses espèces. Depuis longtemps la moutarde de Dijon est renommée : Champier, qui vivait sous François Ier, c’est-à-dire au XVIe siècle, nous apprend qu’elle s’envoyait sèche et en pastilles. Quand on voulait s’en servir, on délayait une de ces pastilles dans du vinaigre : c’était ce vinaigre qu’on appelait vinaigre de moutarde. Les vinaigriers allaient par les rues, demandant s’il y avait de la lie de vin à vendre ; car ils s’en servaient pour la composition de leurs vinaigres. |
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Chaus pastés, i a chaus gastiaus,
Voilà des pâtés chauds, des gâteaux tout chauds,
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Les cabaretiers qui donnaient à manger chez eux vendaient ordinairement de la pâtisserie ; ils envoyaient leurs garçons crier et débiter leurs marchandises dans les rues : il y en avait de chauds et de froids. Dans les pâtés chauds on renfermait quelque bonne pièce de viande de boucherie, de gros et menu gibier, de la volaille ou du poisson.
Les oublies renforcées étaient ce que nous appelons aujourd’hui des gauffres ; les galettes chaudes sont celles que nous connaissons encore. Les eschaudez qu’on trouve désignés dans une charte du XIIIe siècle, sous la périphrase de Panes qui dicuntur eschaudati (pains qu’on appelle eschaudés), étaient ainsi nommés parce qu’on les faisait lever en jetant dessus de l’eau chaude : c’était moins une friandise qu’une nourriture économique et commune, puisque saint Louis permit aux boulangers, par grande exception, de cuire les dimanches des échaudés pour les pauvres gens.
Les rissoles, ou roinssolles, comme disaient les crieurs du XIII siècle, étaient une espèce d’échaudé ou de galette faite avec de la graisse ou du beurre, mais rissolée dans la poêle ; plus tard on y joignit de la viande hachée. La duchesse de Montpensier en parle dans ses Mémoires ; l’auteur des Cris de Paris dit que ces gâteaux sont des denrées aux dez, parce qu’après souper, le soir, les artisans, les écoliers et autres personnes soumises à des règlements, ne pouvaient jouer que ces friandises aux jeux de hasard.
Les flaons ou flans, dont parle le vers suivant, sont très anciens en France : le poète Fortunat en parle ; il raconte que sainte Ragonde, pour se mortifier, en faisait faire dont elle ne mangeait que l’enveloppe grossière, faite en pâte de seigle ou d’avoine. Quant aux simeniaus, c’était une sorte de pâtisserie connue sous ce nom en Picardie. |
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