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Architecture des moulins-tours du Cotentin [28] | ||||||||
Du point de vue typologique, les moulins-tours constituent la majorité des bâtiments subsistants. Jadis couverts de chaume ou d’essentes et construits sur deux ou trois niveaux en pierre apparente (6 à 8 mètres), exceptionnellement sur une cave enterrée (Sainte-Geneviève), avec un appareillage plus soigné lorsqu’il s’agit de calcaire, les tours subsistantes, toutes cylindriques, ne bénéficient que rarement d’éléments ornementaux : oculi finement moulurés à Sainte-Geneviève, bandeaux et claveaux de grès alternés à Sénoville (fig. n°11), encadrements de grès rose à Urville-Nacqueville.
Si peu disposent de niches abritant la statuette d’un saint protecteur, tel le moulin de Marigny à Lessay, presque tous sont en revanche pourvus, d’une part, d’une cheminée dont le conduit, simple ou double, ouvert au sud-est à l’abri des vents dominants, pouvait être protégé par une pier-re en éveil ou en saillie et desservis, d’autre part, par des portes opposées (sauf au moulin de scierie de Saint-Vaast-la-Hougue) au nord et au sud, en plein-cintre pour les plus an-ciens, plus souvent à arc surbaissé, rarement à linteau droit (Sainte-Geneviève ; Beuzeville-la-Bastille), exceptionnellement en bois à Vesly (Pissot).
Les moulins-tours ne semblent donc pouvoir réellement se distinguer que par des nuances volumétriques que traduisent certains toponymes : alors que le qualificatif Epivent, com-mun aussi bien à la Côte des Isles qu’au Val-de-Saire n’offre qu’un pendant goguenard aux Ecoutes’il-Pleut des ruisseaux, la récurrence des Bavent, avatar de « [là où ; que] bat le vent » plutôt que de « bas vents », coïncide, sur le quart sud-ouest de la presqu’île, avec des tours trapues adaptées à des contingences idoines quand celles plus élancées de l’intérieur, comme le moulin des Traynels à Montgardon, semblent chercher en élévation les garanties de leur rendement.
Particularismes
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Fig. 11 - La Masse deBavent à Sénoville. Phot. L. Lamotte © L. Lamotte, 2004
Le moulin de Senoville en cour de restauration | |||||||
Les unes comme les autres auraient en revanche partagé des particularismes, concentrés sur le dispositif d’orientation d’une charpente tronconique roulant sur un chemin fixe ou, comme à Blosville, sur de plus modernes crémaillères en fonte : la queue ou guivre ne prolongeait ou ne doublait pas de chevrons mais s’ancrait au moyen de trois branches, telle un trident, à l’ar-rière de la civière supportant l’arbre de couche et portait, à l’opposé, sur une roue dispensant de cabestan (fig. n°12). On reprocha d’ailleurs à la restauration voulue exemplaire du moulin de Fierville-les-Mines [29], le seul en fonction sur le périmètre de cette étude [30], d’avoir négligé ces traits vernaculaires.
Mais la critique porta surtout sur le choix, pour de légitimes commodités de fonctionnement, des ailes Berton, dispositif inventé en 1848 permettant le déploiement de lattes mobiles de l’intérieur de l’atelier : si elles conquirent les îles anglo-normandes, ces ailes à jalousies sem-blent en effet être restées étrangères au Cotentin, tout comme, au demeurant, les girouettes d’orientation automatique. Dans la presqu’île auraient donc perduré les volées traditionnelles : quatre verges à cotrets et barreaux symétriques sur lesquelles le meunier dépliait une paire de toiles à voile. | ||||||||
Fig. 12 - [Le Triomphant,] moulin de la lande de Laulne, Gailly G. (dessin d’après photo) publié dans La Garde, Jacques de. Moulins de la Manche. Bulletin de l’Association Française des Amis des Moulins, 1975, n°13, p. 3 © Association Française des Amis des Moulins | ||||||||
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