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Mortain, Collection CPA LPM 1900 |
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Hippolyte Sauvage 1890
Pieux et fidèle aux devoirs de la délicatesse et de l'honneur, Jacques F*** avait vu les bénédictions du ciel descendre sur sa famille et faire prospérer sa fortune. Son commerce, modeste au début, avait pris peu à peu une certaine importance, et quelques envieux avaient cherché à cette prospérité une cause sans pouvoir la trouver. Le secret n'en était pourtant qu'à son activité infatigable, à ses labeurs de chaque jour, à son économie et à l'ordre que sa femme déployait dans sa maison.
Habituellement des premiers sur les marchés voisins, un matin qu'il devait aller à Saint-Hilaire, il entend sonner la clochette qui appelle à la messe. La lune brille encore au firmament, nul ne répond à l'appel de l'airain, aucune voiture ne circule dans les rues silencieuses de la ville, et cependant les portes de l'église de Mortain viennent de s'ouvrir. Les cierges sont allumés à l'autel, le missel est ouvert du côté de l'épître ; au pied des marches, un prêtre attend et demande quelqu'un pour lui servir la messe. Jacques s'élance, il est prêt.
A cet instant, une heure sonne à l'horloge de la tour. Bientôt le saint sacrifice est achevé. Jacques, après une courte oraison mentale, s'apprête à sortir. Et l'ecclé-siastique, se tournant vers lui, d'une voix suppliante, lui adresse ces paroles :
« A demain !... surtout, à demain ! »
Puis, les lumières s'éteignent d'elles-mêmes, lentement, l'une après l’autre. L'é-glise demeure dans une obscurité complète et profonde, et les portes se ferment seules avec fracas derrière lui.
Jacques, tout stupéfait, regagne aussitôt sa demeure. Il raconte avec émotion ces détails à son épouse. |
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Le lendemain et le jour d'après, la même clochette réveille celle-ci en sursaut, et son mari, après de nombreuses instances, se rend enfin à ses prières, car il hésite. Le ministre de Dieu compte sur lui. Quelle que soit la volonté du ciel, il doit l'exécuter : pour la troisième fois, il répond à l'appel qui lui est fait.
L'horloge vient de retentir d'un seul coup de sa voix vibrante. L'ecclésiastique est, comme les deux autres matins, au pied des marches de l'autel. Inquiet, il a tourné la tête à plusieurs reprises vers la nef. Enfin Jacques apparaît.
La pieuse cérémonie s'accomplit encore au milieu d'un calme absolu. Comme la veille, rien ne vient la troubler ; personne n'entre dans l'édifice silencieux.
Mais à l'instant où s'achève pour la troisième fois le dernier évangile, les orne-ments sacerdotaux qui couvraient les épaules du prêtre tombent à ses pieds ; à la place qu'il occupait, une forme incertaine apparaît vaporeuse, puis elle se dissipe au-dessus de l'autel en montant vers les cieux, comme voilée, aux spirales bleuâtres de l'encens ; et alors Jacques entend très distinctement une voix douce qui lui dit : |
Mortain La Collegiale Collection CPA LPM 1900 |
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« Merci ! merci ! - Sois béni ! - Je suis sauvé. » |
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