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| Le pélerinage des martyrs Le miracle des porcs La petite fileuse Alix Les deux amants L'âme des morts La procession à la fontaine Les danseux des Andelis Deux moines La fille du comte La libération miraculeuse Fidèles serviteurs L'âme qui chante Les brûleurs d'âne La monnaie de sorciers L'apparation à saint Ouen Les pierres merveilleuses Le sire des Essarts L'ortie morte La biche La corne du diable Thermalisme, mode d'emploi Le bonhomme de Fatouville Le trésor des Anglais Le prisonnier de la tour Le carrefour des fées Pour guérir le carreau Le lévrier de Villeret La clé du trésor Le hêtre Saint Ouen Fontaine Sainte Catherine Le Loup Blanc Le chien de Brisquet
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LE PÉLERINAGE DES MARTYRS. Anonyme in Almanach Annuaire de l’Eure (1862)
Le territoire d'Acquigny fut arrosé par le sang des premiers chrétiens : Maximus et Vénérandus qui subirent le dernier supplice pour la foi. Le spectacle de leur constance convertit trente-huit soldats qui les gardaient et qui voulurent partager leur sort.
Cette exécution fut ordonnée par l'empereur Dioclicien, disent les chroniques, et l'endroit où elle eut lieu est appelé : champ des quarante martyrs. On le montre encore aujourd'hui dans la prairie, et chaque année, le lundi de la Trinité, s'y fait un des plus curieux pèlerinages de la contrée. Rien de plus pittoresque que la longue procession qui se déroule lentement sur la grande route entre la claire rivière et le coteau de Cambremont. Les ors des chasubles reluisent au soleil, sous ses chauds rayons, le rouge des soutanes des petits clercs, l'écarlate des chaperons des frères de Charité s'avivent et s'exaltent. Des taches lumineuses s'accrochent aux bannières, aux oriflammes, aux torchères, et, dominant ce poudroiement des couleurs, ce triomphe des ors, les châsses de Saint Mauxe et Saint Vénérand. Celle-ci, en forme de tête, donnent l'illusion de géants suivant la théorie des prêtres. Au chant rythmé des litanies, la procession a parcouru les deux kilomètres séparant l'église d'Acquigny de l'enclos vénéré. Les porteurs des châsses s'arrêtent au carrefour d'un petit chemin d'accès, et se placent vis à vis l'un de l'autre, ils élèvent alors les saintes reliques à la hauteur des épaules. Sous l'arcade formée par leurs bras et les châsses, passent, courbant la tête comme sous le joug, une foule silencieuse et recueillie. Cette cérémonie est imposante et ne manque pas de grandeur.
Dès que le défilé des fidèles ont terminé, les châsses sont déposées sur un autel formé de trois pierres, trilithe chrétien, qu'ombrage une belle croix dans le style Renaissance. Quelques psaumes sont encore chantés et les prêtres se retirent sous les grands marronniers qui entourent le champ vénéré, pour réciter des Évangiles : il se forme là des groupes charmants pour l'artiste et l'observateur. Cependant, la curiosité de ce dernier ne tarde pas à être éveillée de nouveau par le spectacle qui s'offre à ses yeux. | | |||||||||||
Les enfants prêts à quitter les lisières sont amenés d'un côté de l'autel et incités par leur mère ou leur nourrice, ils passent seuls dessous. Désormais, ils marchent sans être tenus.
Des adultes, des vieillards partent également sous l'autel pour guérir leurs douleurs et leurs rhumatismes. Les jeunes fiancés s'engagent aussi dans l'ouverture sacrée et tous y ramassent des petits cailloux qui sont des talismans précieux. Ils en prennent sept, et ceux choisis doivent adhérer au front par la seule pression du doigt. Beaucoup de pèlerins reviennent en procession et regagnent leur logis avec un caillou placé au milieu du front.
Une autre particularité de la fête de Saint Mauxe : présence, aux abords la prairie de marchands d'objets de piété et de gâteaux appelés "cernouettes" ; galette, d'une pâte lourde et indigeste, rappelant la tradition de l'ancien pèlerinage de Sainte Venice, mentionnée par Hercule Grisel.
Léon de VESLY Légendes et vieilles coutumes (1905)
Si on s’en rapporte à une légende évidemment interpolée, mais que l’histoire ne doit pas rejeter absolument, Acquigny serait devenu célèbre, plusieurs siècles avant Charles le Chauve, par le martyre de saint Mauxe, de saint Vénérand et de leurs 38 compagnons. Saint Mauxe, d’après ce document, serait un évêque d’origine italienne qui, après avoir souffert pour la foi dans son pays, se serait sauvé dans les Gaules vers le commencement du Vème siècle, accompagné de Vénérand, son diacre et son frère par le sang, et de deux prêtres Marc et Etherius. Ils étaient parvenus au confluent de la Seine et de l’Oise lorsqu’ils apprirent que le proconsul Sabinus, auquel ils avaient échappé en Italie, était venu les poursuivre jusque dans les Gaules et arrivait sur leurs pas avec 200 satellites. Ils passèrent la Seine, pénétrèrent dans l’Evrecin et furent atteints par leurs ennemis à Acquigny. Là, Sabinus fit trancher la tête à saint Mauxe, à saint Vénérand et à 38 de ses propres soldats que venaient de convertir les paroles et les miracles du saint évêque. Les deux prêtres, Marc et Etherius, ramenés vers la cité d’Evreux, s’échappèrent dans le trajet et revinrent à Acquigny inhumer les coprs des martyrs, non dans le lieu même où ils avaient souffert, mais dans l’intérieur des murs à demi ruinés d’une ancienne église. C’est l’emplacement actuel du cimetière d’Acquigny où s’élève la chapelle de Saint Mauxe.
Quoi qu’il en soit du fond même de la légende, la chronique de Fontenelle nous rapporte que sous le gouvernement de l’abbé Mainard, vers 960, un étranger venu d’au delà de la mer en France se rendit pendant la nuit à Acquigny, y trouva les corps des deux saints, comme il l’avait appris par révélation, et les emporta secrètement. Mais sur le point de s’embarquer au port de Loge (Caudebequet), il tomba comme un homme ivre et ne put jamais monter dans le bateau sur lequel il devait prendre passage. Conduit au monastère de Fontenelle, il lui fallut développer son précieux fardeau et raconter ce qui s’était passé. Les moines en ayant référé à Richard Ier, duc de Normandie, ce prince ordonna que les reliques resteraient au lieu où la volonté divine et celle des saints eux-mêmes les avaient conduites, et leur fit bâtir une chapelle de l’un des côtés du chœur de l’église de Saint Vandrille.
Après l’enlèvement furtif que nous venons de raconter le tombeau d’Acquigny ne conservait plus que les ossements des 38 compagnons de saint Mauxe et de saint Vénérand, et, selon la tradition locale, les chefs de ces deux derniers. On voit encore aujourd’hui, dans l’église de la paroisse, une ancienne inscription latine gravée sur une petite plaque de marbre noir et dont voici la traduction : Ici est le lieu du tombeau et les restes des saints martyrs Mauxe et Vénérand et de leurs trente-huit compagnons.
On les conservait autrefois dans la chapelle du prieuré. Elle est peut être antérieure à l’enlèvement des corps au Xème siècle, et a pu servir à faire reconnaître le tombeau des martyres, après les ravages des Normands. | ||||||||||||
Acquigny Monument saint Mauxe, de saint Vénérand | ||||||||||||
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