LA REVUE ILLUSTREE DU CALVADOS    1911-1914 
   

L'Art de l'économie domestique -Septembre 1913
       
 

Je crois bien (si paradoxale que puisse sembler une pareille opinion), je crois bien que les ménages où l'on sait le mieux vivre ne sont pas toujours les ménages les plus riches. Il y a un art, une science, un tact de l'économie domestique qui constituent véritablement le don de certaines femmes, comme l'inintelligence dans la répartition de leur budget est le fait d'autres, parfois mieux pourvues, mais « ne sachant pas s'arranger » pour employer l'expression usitée.

C'est au mari à fixer la somme mensuelle applicable au ménage. En principe, cette somme équivaut aux deux tiers des ressources. Elle suffit à assurer la nourriture, le blanchissage, l'habillement, l'entretien, et, éventuellement, les frais de domestiqnes.

Seulement, j'estime fort inopportun que le mari se mêle de sa gestion, hormis le cas où la femme y ferait preuve d'incapacité notoire. Une fois le montant établi, celle-ci seule doit savoir se tirer d'affaire.

Pour y arriver, il lui faut un livre de comptes. Ne me parler pas des ménages brouillons où Madame puise à même la bourse, sans marquer sa dépense !

 

SAGERS 1910

 
     
 

Le prerniers jours du mois, on ne regarde à rien ; on ajoute un plat inutile ici, on achète sans raison un colifichet là.

 

Puis lorsqu'arrive le 20, le 25, la mine s'allonge en même temps que le portemonnaie s'aplatit.On réduit sur la chère, on tire le diable par la queue ; et ce sont des efforts extraordinaires pour doubler le cap difficile des fins de mois.


On pense bien que le livre de compte, par l'ordre qu'il contraint à avoir et les inspections fréquentes que l'on y pratique, régularise la situation.

La nourriture étant la grosse dépense d'une famille, c'est sur ce chapitre que la femme devra davantage veiller. Voilà justement où des connaissances culinaires lui seront utiles. « Apprenez à accommoder les restes », dirai-je aux jeunes filles. Cela vous évitera plus tard de visiter aussi souvent le boucher.

 

Et puis, il y a la question de l'habillement, qui pourrait être si heureusement résolue aujourd'hui qu'on enseigne la coupe, l'assemblage et la couture dans nombre d'écoles professionnelles et particulières. Avec un peu de science technique, du goût, de l'esprit.... et quelques jourmaux de modes, Madame arrivera très facilement à s'habiller, elle et ses filles, sans grands frais.

Il en va de même du raccommodage, de l'entretien, de mille et un cas où, le mari et la femme s'entr'aidant (surtout dans les ménages peu fortunés) on s'épargne telle réparation, tel agencement, dont le prix pèserait sur le budget.

Savoir s'y prendre, en résumé, tout est là. Cette petite science vaut une petite fortune.