Voyage IMPERIAL dans le Cotentin en mai 1811  - 8/8
   Une générosité calculée
     
 

Statue Napoleon à Cherbourg, collection LPM CPA 1900

 


 
 

Tout au long de ce voyage impérial des cadeaux, des distinctions, des promotions furent distribuées. Des hauts fonctionnaires reçurent des présents luxueux, des maires et officiers subalternes des cadeaux plus honorifiques (boîtes, bijoux). Des sommes d’argent furent également attribuées par l’empereur : ainsi dans la Manche, 10 000 francs pour les pauvres de Cherbourg, 6 000 pour ceux de Saint-Lô, 4 000 à Valognes et Carentan. Lorsqu’elles quittèrent Cherbourg, leurs altesses distribuèrent 4 000 francs aux canotiers, 15 jours de solde supplémentaire aux canonniers et marins de l’escadre. Plusieurs veuves de militaires obtinrent des secours pour leurs enfants si l’on en croit le Journal du département de la Manche du 5 juin 1811.

 

A Cherbourg, Napoléon accorda à plusieurs militaires la Légion d’honneur, créée en mai 1802, élevant au grade d’Officier l’ingénieur en chef Cachin, et désignant Chevaliers, messieurs Delaville, le maire, Ebinger, curé et Franqueville, commissaire maritime principal. A Saint-Lô, le maire qui reçut de l’empereur une bague en diamant fut promu sous-préfet de Bayeux.

 

Un programme pour le département

 

Dès le 6 juin, l’empereur signait un important décret listant les travaux à venir dans le département. Cherbourg retenait surtout l’attention du gouvernement. On assurait que les jetées du bassin de commerce seront rétablies aussitôt que le port militaire sera terminé, on autorisait la ville à construire un nouvel hospice pour 600 individus (contre 180). On décidait qu’un édifice propre à contenir tribunaux et prisons sera construit, de même qu’une halle aux grains près du bassin de commerce, une église suffisante pour les besoins de la population, les magasins de l’entrepôt réel, un égout pour porter les eaux de la partie occidentale de la ville dans l’avant-port. L’Etat concédait à la ville de Cherbourg la partie de la grève en avant de la place d’armes, et la partie des relais de mer (les mielles) qui sont à l’est de Cherbourg et qui serait reconnue lui appartenir. Informés grâce au Moniteur, les Cherbourgeois illuminèrent spontanément leurs logis. Le lendemain, les autorités donnèrent un banquet au pied de l’arc de triomphe qui était toujours en place à l’entrée de la ville.

 

Le même décret fixait que les plus-values résultant du dessèchement des marais de Carentan seraient déterminées avant le 1er octobre, pour accélérer les travaux. La maison de force du Mont-Saint-Michel était confirmée et devait être réparée aux frais du département. A Valognes, le tribunal de première instance sera transféré à côté des nouvelles prisons.

 

A Saint-Lô, l’hôtel de la préfecture sera réparé et les bastions et murs qui masquent l’hôtel démolis, l’ancienne église Saint-Thomas était concédée à la ville pour y établir une halle aux grains. Les bâtiments nécessaires pour compléter l’établissement du dépôt d’étalons seront construits sur les terrains de l’ancienne abbaye Sainte-Croix, ancienne abbaye où par ailleurs le dépôt central de la gendarmerie et du casernement de la compagnie de réserve était maintenu.

 

A la fin de l’année, le 16 décembre 1811, un décret, qui vise à l’amélioration des communications et des échanges, décide la création de huit routes impériales dans le département, dont la construction et l’entretien sont assurés par l’Etat. Mais le décret impose aux propriétaires riverains  des grandes routes de les border d’arbres, à leurs frais et sur leurs propres fonds.

 

Le séjour impérial donna une impulsion aux travaux déjà entrepris dans le département et principalement à Cherbourg, il en permit aussi de nouveaux. Cela scellait le sort de Cherbourg comme port de guerre de grande envergure éclipsant Le Havre qui jusqu’alors l’emportait en matière d’armement. Signe de cette promotion, le 28 décembre 1812, Cherbourg devenait le siège d’une préfecture maritime au détriment du Havre.

 

Déjà Cherbourg était promu par le décret du 19 juillet 1811 chef-lieu d’un nouvel arrondissement comprenant les cantons de Beaumont, Cherbourg, les Pieux, Octeville et Saint-Pierre-Eglise, au détriment de Valognes. Le même décret y avait établi un tribunal de première instance. Tant de faveurs, incitèrent des Cherbourgeois à proposer que la ville soit rebaptisée Napoléonbourg, plus tard que les cendres de l’empereur y fassent escale, quelques années après que l’on dresse une statue équestre à la gloire de l’artisan de la rapide et profonde mutation de la ville.

 
   

Cherbourg rue Emanuel Liais Préfecture maritime, collection LPM CPA 1900

 
     
 

Une résurgence monarchique

 

Napoléon 1er par ce voyage de travail et d’apparat renouait avec l’Ancien Régime. Non seulement il réalisait des travaux envisagés ou ébauchés avant 1789, mais il faisait démonstration d’une autorité monarchique et dynastique, à laquelle l’Eglise catholique et la noblesse, ancienne et surtout nouvelle, apportaient leur cautionnement. Le souverain venait en Normandie recevoir l’hommage de ses sujets qui reproduisaient le geste de leurs pères. Mêmes cérémoniaux que lors de la venue de Louis XVI en 1786, lorsque du 22 au 26 juin il séjourna dans le Cotentin pour assister à l'immersion d’un neuvième cône au large de Cherbourg, dans le cadre de l’édification de la digue. A Saint-Lô, Carentan, Valognes, Cherbourg les habitants avaient déjà déployé autant d’ardeur à l’embellissement de leur ville, les corps constitués s’étaient portés aussi respectueusement au devant du roi et de son entourage, moins imposant alors, le maire lui avait remis symboliquement les clés avec la même déférence, l’avait assuré de la même fidélité indéfectible de l’ensemble des habitants Trois années après leur séjour dans la Manche, Louis XVI et Napoléon 1er, l’un comme l’autre, abdiquaient leur pouvoir absolu.

 
     
 

Cherbourg Hôtel de ville, collection LPM CPA 1900