|
||||||||||
Une loi de 1792 confia à la Marine la surveillance des phares, amers, tonnes et balises des côtes de France. En 1806, cette compétence fut transférée au ministère de l'Intérieur. Le corps des Ponts et Chaussées prit alors le contrôle de la signalisation maritime. Son action était pilotée par une Commission des phares, installée par le comte Molé, directeur général des Ponts et Chaussées, au printemps 1811.
Celle-ci tient aujourd'hui encore des réunions régulières.
La Commission ne devint réellement active qu'après la chute de Napoléon, quand elle organisa des expériences scientifiques comparant l'efficacité de différents systèmes d'éclairage.
|
|
|||||||||
1ère carte répertoriant les phares en 1825 |
||||||||||
Sa légitimité repose sur la présence en son sein de représentants des pouvoirs scientifique, administratif et maritime qui s'exercent à Paris. En 1817, un personnage, sorte d'hybride de l'astronome, du marin et de l'ingénieur, apparaît : l'hydrographe, celui qui lève et dessine les cartes marines.
Le document le plus important produit de la commission des phares est un "Rapport contenant l'exposition du système adopté par la commission des phares pour éclairer les côtes de France" , rendu public en 1825. Il est accompagné d'une carte sur laquelle on avait reporté les emplacements de 49 phares, répartis régulièrement sur toutes les côtes de France.
Sur l'ensemble des sites retenus, une trentaine de bâtiments neufs étaient à construire, le reste étant constitué de tours anciennes, civiles ou militaires.
Pour bâtir son projet, la Commission a hérité et innové. Elle a hérité des phares construits sous l'Ancien Régime - la Marine militaire maintint même jusqu'en 1850 son autorité sur trois tours à feux, le Stiff d'Ouessant, Saint Mathieu et de Groix -, de travaux en cours et de programmes d'éclairage des côtes de France sans lendemain.
La Commission dut composer avec des programmes dont l'ambition ne couvrait pas l'ensemble du territoire national. Sans remonter aux feux de l'Ancien Régime, dont la construction renvoie aux besoins de la Marine de guerre et aux initiatives des chambres de Commerce, la fin des guerres de l'Empire relança un désir de construire des phares qui n'est pas le fait de la Commission. |
||||||||||
En 1820, les ingénieurs de Loire-Atlantique se lançaient dans un projet audacieux, la construction d'un phare sur le rocher du Four, au large du Croisic, afin de signaler l'entrée de l'estuaire de la Loire.
Le phare du Four
À Marseille, où l'activité portuaire reprenait lentement sous la Restauration, l'ingénieur Garella entreprit la construction d'un phare sur l'île du Planier en 1823.
Le phare du Planier Marseille
La construction d’une frontière maritime nationale s'appuie sur une volonté politique forte, mais également sur des représentations de l'espace partagées par les acteurs de cette politique, les ingénieurs, les savants et les marins, ainsi qu'un personnage hybride, l'hydrographe.
Michelet écrivait :
" Pour le marin qui se dirige d'après les constellations, ce fut comme un ciel de plus (que la France) fit descendre. Elle créa à la fois planètes, étoiles fixes et satellites, mit dans ces astres inventés les nuances et les caractères différents de ceux de là-haut «.
Cette belle image d'un territoire national planté d'étoiles a pu naître et se développer au sein d'une nébuleuse d'institutions scientifiques et techniques, dans laquelle l'Ecole polytechnique constitue une sorte de point fixe. |
|
|||||||||
Ses anciens élèves ne tarderont pas à contrôler la Commission des phares, puis le Service que celle-ci va s'adjoindre pour accomplir la mission qui lui a été confiée.
Cet idéal s'épuisa au cours du XIXe siècle. |
||||||||||
Le programme de 1825, qui fixait le programme de construction du premier réseau de phares français, était resté vague sur l'emplacement exact de certains feux
Dans les parages de Brest, les cartes avaient été levées avant les délibérations de la Commission, mais un doute subsistait sur l'étendue exacte de la chaussée de Sein, cette chaîne sous-marine de roches qui prolongent vers l'Océan la pointe du Raz. Il fut décidé que la chaussée serait indiquée par l'alignement de deux feux, l'un sur la pointe, l'autre sur l'île de Sein, afin d'indiquer aux navires s'ils étaient dans l'Iroise ou dans la baie d'Audierne.
En revanche, les Instructions Nautiques déconseillaient fermement de tenter le franchissement d'un bassin à l'autre. Le feu principal devait être construit sur le Continent. On opta finalement pour la construction d'un grand phare sur l'île de Sein.
En avril 1860, la Commission des phares demanda " s'il n'était pas possible de construire un phare de premier ordre sur l'une des têtes de rochers émergeantes les plus rapprochées de l'extrémité de la chaussée de Sein " |
||||||||||
Trois têtes de roches furent reconnues, les basses de Madiou, Schomeur et Ar-men.
L'inspecteur général directeur du service, Léonce Reynaud, malgré les avis des ingénieurs de son corps, décida de soumettre à la Commission un projet de construction sur cette dernière roche.
L'allumage d'Ar Men, en 1880, marque symboliquement la fin de l'alliance initiale passée au sein de la Commission des phares entre les savants, les hydrographes et les ingénieurs.
Ar Men est une borne géographique et chronologique importante : la construction de ce feu, le plus occidental des côtes de France, est un écho tardif des débats qui animaient la Commission pendant la période de construction d'un système rationnel d'éclairage. |
Léonce Raynauld |
|||||||||