L'ATTELAGE DES CHIENS EN FRANCE 3
 

CPA Collection LPM 1900


Les textes législatifs sur lesquels reposent ces arrêtés sont de trois sortes. Tout d'abord ceux traitant des pouvoirs des municipalités et des maires, de l'organisation judiciaire, de la police rurale, de l'organisation départementale et des pouvoirs des préfets: décrets des14-22 décembre 1789, 30 juin-2 juillet 1790, 16-24 août 1790, 19-22 juillet 1791,28 septembre-6 octobre 1791 ; lois des 28 pluviose an VIII, 18 juillet 1837, 5 avril 1884, 21 juin 1898 et décret du 9 octobre 1904; ceux réglant la police du roulage: lois du 30 mai 1851, décrets des 10 août 1852 et 31 décembre 1922; enfin deux lois sur les animaux, celle des 2-9 juillet 1850 et celle du 21 juillet 1881.

 

Nous nous arrêterons plus spécialement sur cette loi du 2-9 juillet 1850 dite loi Grammont. Relative aux mauvais traitements exercés contre les animaux domestiques, elle ne comporte qu'un article unique: « Seront punis d'une amende de 5 à 15 francs et pourront l'être d'un à cinq jours de prison ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques».

 

Ce texte admirable, car il était le premier dans la législation prenant la défense des animaux est en réalité le résultat d'un compromis avec un amendement présenté par le député Defontaine exigeant gravité et publicité pour que des poursuites puissent être entreprises, ce qui n'était pas prévu dans le texte original.

Les chiens n'étant pas « des bêtes de somme et encore moins de trait », offrant au surplus trop souvent « le spectacle dégoûtant d'animaux haletants » certains préfets estimèrent que leur attelage était « une exigence abusive » rentrant dans la catégorie des mauvais traitements prévus par cette loi.

 

Mais la Cour de cassation, à qui avait été soumis par le Ministère public, des jugements de simple police de Castelmoron (Lot-et-Garonne)et de Château-Thierry (Aisne) acquittant des prévenus convaincus d'avoir attelé des chiens à des petites voitures, rejeta ces pourvois en constatant que le seul fait d'atteler un chien ne saurait constituer par lui-même et indépendamment de toute autre circonstance le mauvais traitement abusif que prévoit et punit la loi du 2 juillet 1850. C'est cette jurisprudence que le Ministre de l'Intérieur, dans une réponse à une question écrite posée par un député, Raoul Brandon, en 1936, reconnaissait comme légale. Seuls les abus, mauvais traitements, port de charges trop lourdes, hanchements défectueux seraient éventuellement des infractions répréhensibles. Et pourtant..., dans une circulaire du 26 janvier 1925 le Directeur de la Sûreté générale n'avait-il pas écrit aux préfets ces lignes: « Il m'a été signalé que plusieurs de vos collègues avaient pris des arrêtés en vue d'interdire dans leur département l'utilisation des attelages de chiens.

 

Je vous serais obligé de vouloir bien examiner s'il ne vous serait pas possible de prendre une décision analogue par application de la loi du 2 juillet 1850 qui réprime les mauvais traitements exercés envers les animaux ».

 

L'intention était louable mais le texte législatif conseillé certainement inopérant. Par contre, il était possible d'envisager la mesure mais en s'appuyant comme nous l'avons vu, sur les diverses lois chargeant les préfets et les maires de réglementer la circulation sur les voies publiques. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette fois la Cour de cassation,dans ses arrêts du 2 avril 1897, 7 mai 1898 et 6 juin 1908 considéra comme légaux des arrêtés des préfets du Nord et du Finistère interdisant ou réglementant l'attelage des chiens.

 

Ainsi que nous l'avons constaté la puissance publique avait été amenée à maintes reprises à interdire l'attelage des chiens, le plus souvent pour des raisons de préservation de l'ordre ou de la santé publique, mais seule la loi du 2 juillet 1850 s'était penchée sur le sort des animaux en vue de leur assurer une protection. 


Vers la même époque des hommes de coeur constituèrent un groupement qui prit le nom de Société protectrice des animaux.

 

Ses statuts furent déposés le 12 décembre 1855 et son action, qui se révéla bénéfique, s'exerça notamment dans la lutte contre les sévices, hélas fréquemment exercés à l'époque contre les chevaux. Bien que dans la première année de son Bulletin figurât un article traitant de l'attelage canin, il ne semble pas que jusqu'à la fin du siècle la Société se soit particulièrement préoccupée de cette question. Certains de ses membres émirent même, à titre personnel il est vrai, des opinions favorables au principe à ce type d'attelage. « Ne vaut-il pas mieux voir un animal robuste traîner un véhicule que de voir le même travail accompli par une femme exténuée ou par un jeune enfant » écrit l'un d'eux. De son côté un autre membre, Félix Sorel, estime « qu'il y a quelque chose d'élevé dans cette association du chien dans le travail de l'homme», (Nord); d'un jugement du Tribunal de simple police de Concarneau (Finistère); d'unjugement du Tribunal de simple police de Solesmes (Nord) (B. des arrêts de la Cour de Cassation, 1897, p. 186; 1898, p. 334; 1908, p. 451).

 

Par contre, en Belgique, peut-être d'ailleurs par le fait que l'utilisation des chiens était très répandue,

 

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l'association soeur, la Société royale protectrice des animaux, traita fréquemment de cette question, instituant même un concours, en 1876, pour rechercher les améliorations à apporter au mode de traction par les chiens et à reconnaître les races de chiens les mieux adaptées à ce genre de service. Quelques années plus tard, le Congrès des sociétés protectrices des animaux, réuni à Bruxelles en1880 devait prendre une position précise sur l'attelage: « Le chien n'est pas destiné par sa nature à servir comme animal de trait le Congrès

demande que l'on provoque lois et règlements pour empêcher ou atténuer les maux qui en découlent ».

 

Il faut remarquer que parallèlement des syndicats, groupements, sociétés prenaient des positions diamétralement opposées proposant de développer la traction canine en améliorant les modes d'attelage et plus spécialement les races de chiens. Un ouvrage d'un vétérinaire de ce pays, Ad. Reul, professeur de zootechnie à l'Ecole de médecine vétérinaire de 1'Etat, a fait, en 1899, la synthèse de ces idées, idées reprises en France au moins partiellement dans les premières années du xx siècle comme l'on été également les textes législatifs réglementant ces questions en Hesse, en Hanovre, en Wurtemberg et en Prusse rhénane. En effet dans les régions sud de l'Allemagne on préféra de bonne heure aux interdictions totales ayant cours alors en France une législation restrictive: interdiction au conducteur de s'asseoir dans les voitures, réglementation de la vitesse, enfin obligation du port de la muselière et d'un hanarchement correct.

 

Ce sont les exemples belges et allemands que divers tenants de l'attelage canin tels le vétérinaire militaire, E. Aureggio, Paul Mégnin, Cyrille de Lamarche proposaient aux autorités administratives.