Le voyageur à CHERBOURG en 1858
  VUE DE CHERBOURG
         
 

Fort et Montagne du Roule; Collection CPA LPM 1900

 
     
 

Montagne du Roule.

 

Pour contempler le délicieux panorama qu'offre Cherbourg et ses environs, le voyageur n'a qu'à gravir les pentes abruptes de la montagne du Roule dont le sommet est couronné par une magnifique caserne fortifiée, qui sera plus tard, dit-on,transformée en une immense citadelle.

 

Du haut de la plate-forme du fort, dont l'entrée n'est jamais refusée aux visiteurs, la vue s'étend, à droite et à gauche, sur un horizon de plus de cinq lieues de côtes couvertes de riches prairies où de jolis villages laissent entrevoir à travers les grands arbres leurs toits de chaume et de modestes églises élèvent le coq d'or de leurs vieux clochers.

 

Comme un brillant joyau dans une couronne de verdure et de fleurs apparaît Cherbourg, avec son port de commerce, son bassin, son canal de la Rete-nue, ses avenues et ses places entourées de grands arbres, ses milliers de maisons du milieu desquelles surgissent les tours de ses églises, les toits ardoi-sés de sa halle et les hautes cheminées de ses usines. A l'est, la côte sablonneuse de Tourlaville transformée par la main d'industrieux maraîchers en d'immenses jardins légu-miers, son village situé à mi-côte, avec son antique église bâtie sur la cime du rocher et son château aux mélancoliques souvenirs. Relié à la côte par une longue jetée, le fort des Flamands avec ses poudrières et ses ateliers de pyrotechnie, la mare de Tourlaville transformée en un vaste bassin ; plus loin le petit port du Becquet, la lande St-Maur avec sa chapelle, puis une longue suite de collines qui s'étendent vers la mer jusqu'à la pointe du cap Levi. A l'ouest, le port militaire avec ses immenses établissements, entouré de remparts hérissés de canons, offrant l'image du génie de la guerre couvrant de son égide l'industrie naissante de la cité. Au loin le village de Querqueville à la rive duquel s'élève le fort du même nom, où la Marine fait construire en ce moment un vaste polygone.

 
     
 

Vallée de Quincampoix; Collection CPA LPM 1900

 
     
 

Puis des champs couverts de moissons, s'étendent jusqu'à l'horizon de la côte d'Auderville.

 

En face, une vaste rade où le génie humain a tout créé ; fermée par une longue digue défendue d'un côté par le fort impérial et celui des Flamands, de l'autre par ceux de Querqueville, du Hommet et de la roche Chavagnac. Chaque année de nombreux navires viennent y chercher un sûr abri contre les tempêtes ; de grands clippers y attendent le revif pour porter leurs riches cargaisons au Havre où ils ne peuvent pas entrer en tous temps à cause de leur trop grand tirant d'eau. Les navires de guerre, depuis le vaisseau de haut bord jusqu'aux modestes avisos, entrent et sortent à toute heure de Cherbourg, grâce à ses eaux profondes.

 

Entre la Fauconnière et la Montagne, la féerique vallée de Quincampoix étend son riche tapis de verdure et de fleurs, ses champs couverts de pommiers et de moissons, ses avenues bordées de grands arbres tapissés de lierre où le chèvrefeuille et l'aubépine embaument l'air de leurs suaves parfums. La Divette qui l'arrose dans toute son étendue entretient la fraîcheur au sein de ses vastes prairies ; son cours divisé et sinueux forme çà et là de charmants îlots ; de nombreux moulins y font entendre leur joyeux tictac et le bruit cadencé de leurs.roues battant les eaux

 

Au milieu de ce riant panorama, la Roche-qui-pend, énorme bloc suspendu depuis des siècles sur les pointes aiguës d'âpres rochers, abrite un joli hameau bâti à ses pieds.

 

Au-dessus de la vallée, la Fauconnière, verte colline au sommet de laquelle repose comme un nid une délicieuse villa ; plus bas Beau-Séjour, résidence du consul de S. M. Britannique, et la fraîche villa de Crève-Coeur, propriété de M. Morin, ancien maire de Cherbourg, dont la mémoire est restée si populaire dans le pays ; de délicieux jardins remplis de fleurs, des prés verdoyants y sont étendus comme un manteau sur son flanc rocailleux.

 
     
 

La Roche qui pend; Collection CPA LPM 1900

 
     
 

Au pied de la montagne la petite église du Roule, voilée par les grands arbres qui bordent la route, laisse apercevoir à travers les rochers la flèche de son joli clocher.

 

C'est du fond de cette riante vallée que le chemin de fer arrive à la ville par une pente adoucie, après s'être ouvert un passage à travers un énor-me monticule de grès dur et avoir franchi une multitude d'élégants ponts en briques (près de l'un deux, on trouva, en 1857, une grande quantité de médailles d'or du règne de Tibère). Immense bienfait si longtemps attendu, ce chemin vient à 40 ans de distance ré-unir dans un même lien les deux plus belles époques de notre histoire : 1811 et 1858, tout Cherbourg est là. A Na-poléon Ier (1811) la fonda-tion de son port ; à Napoléon III (1858) son achèvement. Puissent un jour nos petits-fils, sous le règne à venir de son auguste dynastie, élever à la mémoire de Napoléon III, une statue semblable à celle que nous avons érigée à la mémoire de Napoléon Ier !

 
     
 

Passage du train de Paris dans la vallée de Quincampois Collection CPA LPM 1900