L'ATTELAGE DES CHIENS EN FRANCE 2 | ||
CPA Collection LPM 1900 | ||
Deux ans plus tard l'ordonnance du 1er juin 1824 revenait sur ces mesures. Considérant que l'excès de travail auquel l'on contraint ces animaux les irrite, que ces attelages sont une cause permanente d'accidents et «augmentent dans une proportion effrayante les dangers de la rage», que ces charrettes de petites dimensions se glissant entre les autres voitures, occasionnent fréquemment des embarras inextricables, le Préfet de Police interdisait totalement dans Paris, à compter du 1er octobre suivant «la circulation des charrettes, tombereaux et autres voitures tirées par des chiens, quelque soit la profession de ceux qui emploieraient ce moyen de transport».
Ce texte devait inciter les maires de Versailles et d'Amiens à prendre, quelques mois plus tard, des arrêtés similaires d'interdiction. Dans cette dernière ville des usagers au nombre de 18: charcutiers, bouchers, boulangers, etc., adressèrent une pétition au Ministre de l'Intérieur, arguant que si la mesure était possible à Paris, elle était pour le moins anormale à Amiens, ville voisine de deux villes: Arras et Lille où l'attelage des chiens était licite. Ils sollicitaient donc du ministre la faveur de leur accorder « l'ancien usage du transport de leurs marchandises par leurs chiens». Rien ne permet dans le dossier de savoir ce qu'il advint de cette réclamation mais comme il faut attendre la fin du siècle pour que le Préfet de la Somme prenne un arrêté d'interdiction, d’ailleurs transformé un an plus tard en un texte de réglementation, beaucoup moins rigoureux, il est à penser que les pétitionnaires eurent satisfaction tacite.
Dans diverses villes, les maires, en vertu des décrets des 16-24 août1790, 19-22 juillet, 28 septembre-6 octobre 1791, de la loi du 18 juillet 1837, et plus tard de la loi du 5 avril 1884, les chargeant de la police des rues,quais et voies publiques, ainsi que de la police rurale, prirent au cours du XIX° siècle des arrêtés d'interdiction des attelages de chiens. Ces arrêtés seront édictés dans un but de protection du public contre les dangers que ce mode de locomotion entraîne par sa vitesse, son peu de maniabilité et également pour obvier aux « cas spontanés de rage qui peuvent se déclarer chez les chiens, animaux qui ne sont point faits pour un travail de cette nature ». Bien entendu nous ne donnerons pas un relevé exhaustif de ces arrêtés, n'en citant que quelques-uns: Tours (2 mai 1842), Strasbourg (7 août 1845), Charleville (17 septembre1847 et 1' août 1869), Mutzig (8 juin 1850), Angers (18 septembre 1851), Bordeaux (il juillet 1852), Rouen (P' août 1864), Rennes, (25 juin 1868), Thouars (16 juin 1869), Le Mans (29 juin 1885), Marseille (27 avril 1889), Nîmes (1.r mai 1889), Lyon (11 juillet 1898).
Comme nous venons de le constater, la loi confiait aux maires la charge de veiller à la sûreté et à la santé de leurs administrés. En cas de défaillance, ou pour rendre plus efficaces les mesures nécessaires en les généralisant, les préfets étaient appelés à se substituer à eux (loi du18 juillet 1837, art.15).
De nombreux arrêtés préfectoraux au cours des XIXeme et XXeme siècles ont donc vu le jour, sur la question que nous traitons. Portés à la connaissance du public par insertion aux recueils des actes administratifs des préfectures, par voie d'affiches ou par publication à son de trompe ou son de caisse, ils ont été pris quelque fois sous la pression de la nécessité (cas de rage, par exemple dans les Vosges), mais le plus souvent par mesure préventive.
Antérieurement à 1894, il n'existe, à notre connaissance, aucun arrêté portant réglementation de l'attelage mais uniquement ordonnant des mesures d'interdiction totale. Celles-ci figurent sous deux formes, soit en un article inclus dans un texte général traitant des chiens et de leur divagation, soit en un arrêté spécial. C'est ainsi que nous avons recensé des arrêtés généraux pour 27 départements entre 1844 et 1903 et des arrêtés spéciaux pour 32 départements entre 1843 et 1925. Tous interdisent d'atteler des chiens, mais certains précisent « et de leur faire traîner ou porter des fardeaux» (Nord), «de quelque manière
Méfiant de l'esprit subtil de leurs administrés ajoutent que cette défense s'applique quel que soit le véhicule: « charrettes, brouettes ou voitures » (Charente, Charente-Inférieure), enfin certains préfets dont ceux d'Eure-et-Loir, d'Ille-et-Vilaine et de la Meuse augmentent la portée de leurs arrêtés en s'opposant également à l'attelage des chiens « à des voitures traînées à bras ».
Parmi les motifs avancés dans les attendus de ces textes, on relève tout d'abord la nécessité de veiller à la sécurité des usagers des voies publiques. Ces attelages ne sont-ils pas « de nature à effrayer les animaux employés pour les transports », « un danger pour les piétons ».Se déplaçant « à grande vitesse » (sic) ils gênent et entravent « la circulation des chevaux, voitures et automobiles ». D'ailleurs comment n'en serait-il pas ainsi puisque « leurs conducteurs sont dans l'impossibilité de les guider convenablement »
La protection de la santé publique figure également en bonne place parmi les raisons motivant l'interdiction des attelages de chiens.
L'expérience, assure le Préfet des Vosges, a démontré « que pendant la saison des chaleurs, ces animaux ainsi attelés et par courant avec une grande vitesse un espace plus ou moins long, sont plus exposés qu'en toutes autres circonstances à des accès de rage ». Cette idée alors reçue par la fatigue excessive entraînait la rage est explicitée par le Préfet de Seine-et-Marne qui assure « qu'en surexcitant le système nerveux le fait d'atteler les chiens à des petites charrettes peut déterminer l'hydrophobie ». D'ailleurs « la poussière qui s'attache à la langue de ces animaux peut occasionner des maladies de nature à compromettre la santé publique ». Malgré les découvertes de Pasteur, on peut lire dans un arrêté de 1925 du Préfet du Tarn que «la fatigue excessive à laquelle ces animaux sont soumis est de nature à développer chez eux des prédispositions à la rage, surtout pendant la période des chaleurs ».Tant il est vrai que les croyances erronées sont difficiles à extirper de l'esprit humain! | ||
CPA Collection LPM 1900 | ||