LES MOULINS DU CLOS COTENTIN   -6/13
         
 

Un cas à part : un moulin à assécher

 

Seul le moulin dit, peut-être en raison d’une calotte obtuse, de la Tortue à Pirou contribua donc, mais en marge du périmètre étudié (sud de Lessay), à une modification radicale de son milieu : à l’instar des moulins en bois des marais du Nord et de celui que figurait encore dans les marais de la Dives (Calvados) la carte de Cassini [20], il servit en effet à convertir en terres agricoles un étang littoral d’une cinquantaine d’hectares.

 

Une architecture ostensible

 

Aussi, alors que jusqu’à l’avènement des reconversions industrielles ses confrères hydrauli-ques, en dépit d’un isolement fréquent, devaient plutôt se fondre dans leur environnement que s’exhiber (moulins de chaussée et de motte), le moulin à vent dut-il essentiellement marquer les paysages, alors bien plus ouverts, de sa seule architecture, les tours ailées se hissant avec ostentation sur les terrains les mieux exposés aux vents et, de fait, aux regards [21]. Leur récurrence dans les « routiers », sur les cartes anciennes et, plus encore, sur les plans terriers figurés [22] en fait foi (fig. n°8).

 
     
 

 
     
 

Fig. 8 - Le Moulin d’Angoulant, Plan du Terroir de la Seigneurie de Picauville dépendant du domaine de la Sainte-Chapelle (détail), 1581. Centre historique des Archives nationales

(N II Manche 1) © Centre historique des Archives nationales, 2004

 
     
 

Une présence actuelle amoindrie

 

Aujourd’hui encore, en dépit d’évolutions paysagères récentes qui masquent quelques-unes des 36 subsistant, « des moulins à vent aptères, aux meuniers morts » [23] continuent d’exposer leurs silhouettes : « vos tours restent fièrement campées comme de vieux castels » [24]. Les plus éloquents somment les monts gréseux du Bauptois : à Besneville où l’une des trois tours reçut après-guerre un monumental calvaire de béton (fig. n°9), et plus encore à Doville où une tour solitaire pointe depuis plus d’un siècle et demi, à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, l’arceau de la grande colline chauve. D’aucuns, réhabilités bon an mal an en villégiature, tendent en revanche à se protéger de la « furie des vents impétueux » derrière d’opaques paravents végétaux.

 
     
 

 
     
 

Fig. 9 - Ancien moulin et calvaire du Mont de Besneville.Phot. © B. Canu, 2002

 
     
 

 
     
 

Le moulin de Besneville en 1900, CPA LPM collection 1900


 
 
 
 

 

 NOTES

 

 20 - Cassini de Thury, César-François.Lisieux-Honfleur, n° 61, feuille 27. Paris, 1759.

 21 - « Au point de vue pittoresque, les moulins à vent, qui s’élèvent comme des tours, font plus d’effet dans un horizon peu étendu que les moulins à eau, qui rampent au pied des côteaux [sic] ou se cachent au milieu des saules bordant nos ruisseaux » rapportait Arcisse de caumont. Mélanges d’agriculture. Les moulins à vent en Normandie. Annuaire des cinq départements de l’Ancienne Normandie. L’Association Normande, 1855, 21e année, XXII congrès : Avranches, p. 439.

 22 - En particulier le Plan du Terroir de la Seigneurie de Picauville dépendant du domaine de la Sainte-Chapelle (1581, Archives nationales, N II Manche 1) qui en figure quatre dont un à pivot tournant et un découronné, donc de type indéterminé.

 23 - Expression empruntée à Jean de la Varende (L’homme aux gants de toile. Paris : Grasset, 1943. p.18), vraisemblablement inspirée par la tour découronnée du Mont de Doville.

 24 - Beuve, Louis. Vûs moulins, vûs mounîs. Le Bouais Jan, 23 février 1897, n°4, p. 49.