LA REVUE ILLUSTREE DU CALVADOS    1911-1914 
   

Le Chapitre des Belles-Mères -Avril 1914
         
 

La première chose qui serait bien utile à une belle-mère, ce serait d'aimer son gen­dre. S'il n'y a tout-à-fait pas moyen, elle s'en tirera avec du tact et de l'intelligence.

Ainsi, vous vous doutez que la « chère enfant » promue maitresse de maison n'y entendra goutte, se fera voler par les four­nisseurs exploiter par les domestiques, etc.; et vous allez dare dare vous immiscer dans son ménage.

Mauvaise idée !... Avec le plaisir d'être mariée, la « chère enfant » goûte à un très haut point, croyez-le, la joie de l'in­dépendance. Si vous la reprenez sous votre égide, elle ne dira rien, mais piaffera. Quant au mari, je vois rouler d'ici ses yeux terribles :

- Sacrebleu, mais elle nous embête à la fin, belle-maman !

Je vous assure que s'il ne le dit pas il le pense. Cela est terrible, les gendres qui ruminent des idées pareilles. Un beau jour, il rentre énervé, trouve encore belle-ma­man au foyer, et, crac ! voilà l'orage!1 Je vous en prie, laissez les « petits » se dé­brouiller comme ils pourront. L'expérience leur viendra seule.

 

SAGERS 1910 Paris la nuit

 
 
 
 

Puis, autre affaire : Il peut arriver un nuage sur la lune de miel. La « chère en­fant » accourt, larmoyante

 

- Oh ! maman ! si tu savais comme Georges est méchant !

 

Cris de vindicte, proclamation de guer­re, j'entends cela d'ici... On fulmine con­tre l'horrible Georges. Mère et fille sont d'accord pour reconnaitre qu'il est l'homme le plus exécrable du monde !

Mais le soir, la « chère enfant » et l' « horrible Georges » font gentiment la paix. Pleurs, baisers, toute la lyre,.. Vous savez ce que les confidences jaillissent dans ces moments-là...

- Ah ! c'est ta mère qui te monte le job ! profère Georges. Je m'en doutais ! je lui dirai son fait, moi !

Vous voilà dans de beaux draps, belle-­maman  !

Conclusion :

Ne vous immiscez dans le ménage des enfants que dans la moindre limite possi­ble, et en surveillant si l'attitude qu'on observe devant vous ne dissimule pas de l'impatience.

Faites constamment acte de conciliatrice, et renvoyez gentiment votre fille avec un baiser à ses amours plutôt que de prendre parti pour ou contre son mari.

Soyez encore le bon ange du foyer de l'enfant, ange tutélaire. mais discret, j'al­lais écrire lointain.