SAINT DENIS LE VETU

 CC 49.9 du canton de Cerisy La Salle

 
 NOTICE HISTORIQUE SUR SAINT DENIS LE VETU 12/40
 
 

Une paroisse Normande

Par l' Abbé E. Quinette

Paru en 1889

 

3° L'époque d'un triple patronage  8/25

 

TROISIÈME PÉRIODE

(1598 à 1657) 1/3

     

Le Calme après la Tempête

 

Quand, après les guerres de religion, les sieurs de Hérouville disparurent de Saint-Denis-le-Vêtu, ce fut messire Jean de Pigousse, sieur de Dragueville et de La Roquelle, écuyer, qui acquit la propriété de Bosville ; il acheta aussi le fief de Brucourt ; il devint de la sorte le personnage le plus influent de la paroisse. Ce sieur de La Roquelle sera, après messire Claude de Venne, fils de Jean de Venne, patron honoraire de la paroisse. Il fit, de même que les sieurs de Hérouville, quand ils étaient catholiques, plusieurs donations d'immeubles situés au bourg de Saint-Denis, en faveur du prieuré de Cottebrune [51] ; ce prieuré dépendait de l'abbaye Blanchelande.

 

L'année même de la mort tragique du sieur Yoland de Hérouville, en 1597, arrivait à Saint-Denis-le-Vêtu un curé qui devait y demeurer cinquante ans. Il s'appelait Guillaume Esnée et venait remplacer Me Pierre Esnault, qui, le 4 avril 1583, était témoin, avec Me Jean Quilleau, curé de Hambye et Guillaume Brothelande, d'Ouville, d'un contrat de fermage de dîmes fait à Me Pierre Le Conte par les chanoines de Coutances ; ces chanoines étaient représentés par Mes Nicolas de Briroy, archidiacre de Bauptois, et Nicolas du Quesnoy, chanoine [52].

 

Me Guillaume Esnée était né à Cérisy-la-Salle de parents peu fortunés. Après sa mort, un de ses neveux vint s'établir à Saint-Denis-le-Vêtu, au village appelé le Ménage-au-Conte. En 1735, un sieur Julien Esnée fit une fondation à la fabrique de Saint-Denis-le-Vêtu ; elle consistait en quatre livres dix sols de rente, à charge d'acquitter des messes hautes.

 

A cette époque, il y avait à Saint-Denis un prêtre du nom de Pierre Morice : il était vicaire et maître d'école ; il fut chargé, à moins d'empêchement grave, d'acquitter la fondation de Me Adrien de Venne, écuyer, sieur de Fontenay, faile en 1603 ; cette fondation consistait en huit livres de rente foncière pour les sieurs curé, prêtres et clercs de la paroisse, à charge de prierpour son âme e t celle de son fieffataire, François Crouin.

 

On peut citer un autre vicaire nommé Robert Le Noir ; en 1639 il devint coadjuteur ou desservant de la paroisse.

 

Au commencement du dix-septième siècle, il y avait à Paris un homme originaire de Saint-Denis-le-Vêtu, nommé Jean Michel, qui était chantre à contre-basse de la cathédrale Notre-Dame. Il a fait, le 12 février 1606, une fondation assez importante. Voici un extrait de la teneur de cette fondation :

 

 

A tous ceux qui ces lettres verront, Jacques Lorin, garde du scel des obligations de la vicomté de Coutances salut, savoir faisons que par-devant Jean Brégeault et Jean Henry, tabellions royaux jurés en ladite vicomté au siège de Trelly, fut présent discrepte personne Me Jean Michel, natif de la paroisse de St-Denis-le-Vêtu, à présent demeurant à Paris, chantre à bassecontre de l'église cathédrale Nostre- Dame dudit lieu, mû de donation devant le salut de son âme et de ses père et mère et autres ses parents et amis vivants et trépassés, cognoissant que les biens temporels ne sont rien au prix des biens spirituels et éternels, il donne en ausmone au trésor de la fabrique dudit lieu de St-Denis, savoir : une croix, deux chandeliers, un calice, deux crèches, une paix [53], le tout d'argent doré, ladite croix et chandeliers d'argent..., d'un prix de dix-huit marcs trois onces et demye [54], savoir : ladite croix séparément douze marcs une once, et lesdits chandeliers sont en plus, suivant qu'il a été dict par l'orfebvre ayant fait lesdites pièces portant dabte du treize Janvier dernier. Signé,Nicolle, lequel ledit Michel donateur a atesté estre natif de St-Pierre-de-Coutances, nommé Pierre Nicolle, de présent demeurant audit lieu de Paris ; laquelle attestation a été baillée par ledit Michel pour être annexée avecques le présent contrat.

   
 NOTES

[50] Simplement vêtue de noir.

[51] Archives du département de la Manche. Ce prieuré se trouvait dans la commune actuelle de Saint-Symphorien (La Haye-du-Puits).

[52] Archives paroissiales.

[53] Instrument pour donner le baiser de paix à la messe.

[54] Le marc valait 8 onces, l'once, 31 gr. 25 c. 

 

 

 SAINT DENIS LE VETU

 CC 49.9 du canton de Cerisy La Salle

 
 NOTICE HISTORIQUE SUR SAINT DENIS LE VETU 13/40
     
 

Une paroisse Normande

Par l' Abbé E. Quinette

Paru en 1889

 

3° L'époque d'un triple patronage  9/25

 

TROISIÈME PÉRIODE

(1598 à 1657) 2/3

     

Le Calme après la Tempête (suite du LPM 1052)


 

Lesquels calice, crèches et paix pèsent trois marcs et demi, suivant que l'a ainsy atesté ledit Michel, par lequel en oultre ce que dessus a esté donné et ausmoné une chasuble de damas blanc, l'escu fait de velours terny, cramoisy, enrichi de bronderie de fil d'or et d'argent pour être tant ledit Michel que ses père et mère, parents et amis vivants et trépassés, participant aux messes, prières et oraisons qui sont et seront à jamais dictes en ladite église, oultre qu'il sera dict, faict et célébré par chacun an quattre octaves solennelles du service canonial, savoir, matines, prime, tierce, la messe, sexte, none, vespres et complies, et tous les jours desdites octaves à commencer aux premières vespres et finissant aux secondes vespres avecques Libera, De Profundis et oraisons accoustumées à la fin des complies de chacune des octaves ; la première commençant aux premières vespres de la Résurrection de Nostre Saulveur et Rédempteur Jésus-Christ, la seconde, à la mission du St-Esprit sur les Sts-Apostres qui sont les octaves de la Pentecoste, la troisième à la St-Jean-Baptiste, la quatrième et dernière au jour de feste de mon seigneur St-Denis, patron de ladite église ; pour faire lesquels services sera payé et divisé par chacun an en quatre partye à la fin de chacune des octaves aux curé, prêtres, clercs et coustoux chantant à ladite église, la somme de vingt livres.

 

Ladite donation a été acceptée par discrepte personne Me Guillaume Esnée, curé de ladite paroisse et chapelain de la chapelle St-George de l'église cathédrale de Nostre-Dame-de-Coustances, Me Gilles Drieu, prêtre, curé de Montcuict, Robert Le Noir, vicaire dudit lieu de St-Denis,... Bernard Le Moyne, sieur d'Ectot [55], avocat pour le roy en la vicomté de Coustances, Nicolas de la Rue, sieur de la Caterie, procureur pour le roy en ladicte vicomté, Julien Esnault-La Quesnée, Pierre Esnault, sieur de la Morinière, Charles Le Conte, sieur de la Mauvillière, Thomas Esnault, Hélye Le Conte, Guyon du Chemin, Guillaume et Vincent Guérin, Pierre Paris,... Guillaume Amy, Léonard Jourdan,... Guillaume du Val,... Pierre Grandin, Pierre et Guillaume Leboullay,... Benjamin Fauvel, Jean Coulomb, Nicolas Esnault, Pierre Crouin, Jean Le Chevallier, Julien Le Trouyt, Julien Lepoulletel, Jean Tassey, tous paroissiens de St-Denis. »

 

L'on constate à cette époque la pratique des assemblées générales des paroissiens. On les désignait par le nom de général. Dans ces assemblées, on s'occupa d'abord des affaires de l'église ; on en vint, surtout au commencement du dix-huitième siècle, à traiter toutes les affaires un peu importantes de la communauté ou commune.

 

Le 3 août 1610, Me Guillaume Esnée, curé, faisait à Jacques du Châtel, sieur de la Vallée, un bail des dîmes novales de toute la terre de la Vallée, ainsi que de plusieurs pièces de terre de Laulne, de la Caliplière et du Clos du Bois [56]. Cet acte prouve, à cette époque d'inimitié entre les catholiques et les protestants, que le sieur de la. Vallée n'était plus protestant

 

Il y avait à cette époque, à Saint-Denis-le-Vêtu, une famille Meslin, éteinte actuellement dans cette paroisse ; les sieurs Meslin firent, comme les seigneurs du manoir de Bosville, quelques donations au prieuré de Cottebrune [57]. En 1614, le seigneur abbé de Blanchelande faisait à un sieur Meslin un bail des dîmes de Blanchelande à Saint-Denis-le-Vêtu.

 

L'abbé commendataire de Blanchelande était alors le cardinal Jérôme Grimaldi, de Monaco, dont les parents s'allièrent plus tard à la famille de Matignon. Jérôme Grimaldi avait passé procuration à François de la Luthumière, écuyer, pour régir toutes les affaires concernant l'abbaye de Blanchelande. [58]

 

Les abbés commendataires n'habitaient pas leur abbaye ; ils chargeaient des affaires spirituelles un religieux nommé prieur et souvent passaient procuration à d'autres personnes pour les affaires temporelles. Ils percevaient les deux tiers des bénéfices de leur abbaye, et étaient nommés par le roi. Celui-ci malheureusement ne s'acquittait pas toujours surnaturellement de la charge que l'Eglise, par bienveillance, daignait lui confier. Des laïques, courtisans du roi, étaient quelquefois mis en possession de ces gros bénéfices ecclésiastiques, et cela devenait un scandale pour les fidèles. Assurément, il y avait sur ce point en particulier des réformes à faire. Mais si les Etats-Généraux, en 1789, avaient voulu moins se hâter, s'ils avaient montré moins d'effervescence, on aurait pu faire alors des réformes sérieuses et pacifiques : les esprits y étaient disposés, et les cahiers du clergé, en cette année, prouvent bien qu'alors la plupart des ecclésiastiques ne demandaient pas mieux ; il n'y avait pas besoin, pour opérer ces réformes, de tant de bouleversements politiques et religieux


NOTES

[55] Il y a encore au manoir d'Ectot des ruines d'une ancienne chapelle seigneuriale.

[56] Archives paroissiales.

[57] Archives départementales.

[58] Jérôme Grimaldi devint plus tard nonce du pape en France.

 

 SAINT DENIS LE VETU 

  CC 49.9 du canton de Cerisy La Salle

 
 NOTICE HISTORIQUE SUR SAINT DENIS LE VETU 14/40
     
 

Une paroisse Normande

Par l' Abbé E. Quinette

Paru en 1889

 

3° L'époque d'un triple patronage  10/25

 

TROISIÈME PÉRIODE

(1598 à 1657) 3/3

     

Les abbés commendataires de Saint-Nicolas-de-Blanchelande que nous connaissons furent tous évêques ou prêtres. Un de ces abbés commendataires, messire Troussey, fit en 1621, avec Me Guillaume Esnée, curé de Saint-Denis-le-Vêtu, un accord par lequel il devait percevoir les dîmes novales de la paroisse de Saint-Denis moyennant 50 livres de rente données au curé. C'est ce qui plus tard amènera un procès interminable entre quelques abbés commendataires et l'un des successeurs de Me Guillaume Esnée, Me Louis Briault.

 

Quant aux dîmes novales du trait où les chanoines de la cathédrale percevaient les grosses dîmes, le curé de Saint-Denis les recueillait à cette époque : en effet, en 1639, Me Guillaume Esnée louait à un sieur Le Cordière, fermier du domaine seigneurial de Brucourt, les dîmes novales du trait du chapitre dans la paroisse de Saint- Denis-le-Vêtu [59].

 

Vers 1620, il y avait dans cette paroisse un prêtre du nom de Julien Lepoulletel ou Lepoultel. Il fit à la fabrique une fondation de 30 sols de rente pour chanter chaque année, le jour Sainte-Catherine [60], une messe de Requiem et deux Libera. Un autre prêtre, du nom de Pierre Luce, chapelain de La Trinité, à la cathédrale de Coutances, fit, le 19 avril 1630, une fondation qui a été jointe à celle de Me Julien Lepoultel ; elle consistait en 70 sols de rente donnés au trésor de l'église de Saint-Denis-le-Vêtu, à charge de faire célébrer des messes.

 

C'est vers cette époque que sévit dans la contrée une peste effroyable qui visite les manoirs comme les chaumières et fait un très grand nombre de victimes. La paroisse de Saint-Denis-le-Vêtu, éprouvée comme beaucoup d'autres, invoque saint Sébastien, et, lorsqu'elle se voit délivrée du fléau, elle le prend comme son second patron ; un autel lui est dédié, et on y place sa statue. Cet autel est maintenant dédié à saint Joseph ; mais saint Sébastien est demeuré le second patron de la paroisse.

 

Nous n'avons point parlé jusqu'ici du presbytère : sans doute ce que nous pourrions en dire actuellement ne serait qu'un pur souvenir ; car depuis quelque temps il n'existe plus de l'ancien presbytère que des débris disséminés. Cependant nous pouvons dire que Me Guillaume Esnée a, sinon fait construire, du moins restauré l'ancien presbytère qui était très vieux. On a trouvé, en le démolissant, une porte principale qui remontait à 1623.

 

La tradition rapporte qu'il y avait autrefois un souterrain qui aboutissait d'un côté au manoir de Bosville, et de l'autre au presbytère et au manoir du Châtel.

 

Me Guillaume Esnée eut pour successeur, en 1647, Me Rigault. Sous son administration, Me Adrien Brusley, sieur des Chastillons, à Saint-Denis-le-Vêtu, conseiller assesseur en la cour de Coutances, eut un procès avec la fabrique de Saint-Denis-le-Vêtu, à cause d'arrérages d'une rente qu'il lui devait sur les héritages de Mes Etienne et Pierre Burnel, fondateurs de cette rente en 1568, et de Me Pierre de la Rue, sieur de la Vaudonnière, procureur du roi en l'élection de Coutances. Mes Robert Guenon et Mathurin et Pierre Esnée représentaient la fabrique. Robert Guenon était le fils de Me Etienne Guenon-Bretonnière, qui fit, en 1629, une fondation au trésor de l'église de Saint-Denis-le-Vêtu ; il donnait cent sols de rente pour le pain bénit de la messe de minuit. Parmi les vicomtes de Coutances devant lesquels parut le procès d'Adrien

 

Brusley, on remarque Mre Jean de Bordes, écuyer, seigneur et patron de Folligny, Saint-Malo-de-la-Lande, du Homméel et de Contrières.

 

Me Adrien Brusley était le frère de Me Pierre Brusley, sieur de Hautmesnil, avocat, demeurant en la paroisse de Saint-Planchers, près Granville, et de Me Jean Brusley, sieur de Montchaton [61].

 

En 1653, Me Bernard Lechevallier succéda à Me Rigault : on ne connaît son nom que par un bail des dîmes novales fait en 1656.

 

NOTES

[59] Archives paroissiales.

[60] C'est sainte Catherine, vierge et martyre, dont la fête se célèbre le 25    novembre.

[61] Archives paroissiales.