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Le démantèlement des places les plus nuisibles
Si la plupart du temps, les procès parfois séculaires auxquels ils donnèrent lieu n’aboutirent qu’à des modifications et réglementations des ouvrages, les riverains de l’amont et tout spé-cialement les communautés d’habitants, usufruitières puis propriétaires des marais, obtinrent en au moins trois places le démantèlement définitif des installations. Outre les moulins de la Fière (Sainte-Mère-Eglise) sur le Merderet en 1779 [11] et du Taillis (Saint-André-de-Bohon) sur la Taute en 1897-1898 [12], les moulins des Ponts d’Ouve (Carentan et Saint-Côme-du-Mont), dans l’intérêt desquels des bras du fleuve avaient été obstrués d’épaves, furent aux XVIe et XVIIe siècles, sous la pression des paysans, reconnus coupables de crues incroyablement préjudiciables [13].
Attestés pour certains dès la fin du XIIe siècle, ces ateliers de « vieille apparence » se distinguaient des précédents par le fait que leur entraînement résul-tait de la vidange incomplète d’un réservoir qui, rempli conjointement par le flot et les eaux douces, s’avéra en réalité formé du lit majeur de la basse Douve et de ses derniers affluents. | ||||||||
Il fut ainsi démontré que la présence de ces moulins à marée, combinée à celle de dizaines de pêcheries, entretenait les crues et que la gestion de leurs esseaux se ressentait jusqu’à plu-sieurs lieues en amont, soit sur des milliers d’hectares
Les maigres reliques des moulins à marée
Il est en revanche plus délicat d’appréhender l’impact des autres moulins à marée sur les estuaires cotentinois. En effet, outre cette concentration remarquable à plus d’un titre, les moulins à marée locaux ne comptèrent, d’une part, que des ateliers établis dans les havres de la côte occidentale et dont ne témoignerait plus, dans un environnement hélas méconnaissable, que celui dit du Carcan (Saint-Lô-d’Ourville), d’autre part, sur la côte opposée, le bien-nommé Moulin de la Mer (Brucheville), pourvu, dans l’embouchure de l’Escalgrain, d’une retenue lisible sur la carte de Cassini mais que la poldérisation de la Baie des Veys dut condamner dès la fin du XVIIIe siècle, et, enfin, deux établissements hérités de l’occupation anglaise pendant la guerre de Cent Ans : le Moulin du Becquet à Bretteville-en-Saire et surtout celui dit des Fausses Braies, moulin de rempart profitant des marées dans les douves mêmes du château de Cherbourg [14](fig. n°6) et lui aussi disparu de longue date. | ||||||||
Fig. 6 - Le moulin des Fausses Braies, Le Sens Victor. Ancienne ville de Cherbourg et le château démoli en 1689 (détail), vers 1840. Phot. J. Deshayes, 2000. Bibliothèque municipale Jacques Prévert, Cherbourg-Octeville (ms 83) © Bibliothèque municipale Jacques Prévert | ||||||||
Des principes de fonctionnement incertains | ||||||||
Par ailleurs, à l’instar des moulins de la Baisse à Cherbourg et de certainement plusieurs autres dans les basses vallées de la Saire et de la Sinope, dont celui de la Roque à Lestre, « journellement empesché du flus et reflus de la mer » [15], quelques moulins littoraux, no-tamment celui du Dy à Quettehou ou celui de Diélette, durent, ponctuellement ou quotidiennement, souffrir plutôt que profiter du flux [16].
Peut-être en fut-il ainsi de celui qui, associé au moulin à vent du Crabec (Gatteville), justifie l’hydronyme Cliquempoix et que ne figurent que peu de cartes : son emplacement supposé, reconverti en lavoir, est en effet doté d’un clapet qui protège l’amont du flot.
On peut en revanche supposer que les moulins de Brévands et du Havre de Quinéville, par leur position même et le voisinage de salines ou de bancs de tangue durent, pour leur part, être effectivement à marée. | Moulin à vent du Crabec | |||||||
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