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Le port du Becquet vers 1960 Collection CPA LPM 1960 | ||||||||||||
D'aprés le bulletin officiel municipal n°10 1er trimestre 1981 En quittant Cherbourg en direction du Val de Saire par la route du littoral, on rencontre à 6 km de la ville, un village annoncé par un panonceau "le Becquet port pittoresque". En descendant alors la rue à main gauche, on débouche sur une vaste esplanade et on découvre le port, longue étendue d'eau généralement calme, protégée du large par une jetée à la construction intriguante et fermée à l'Est par une pointe rocheuse que signale une haute tourelle ou balise.
Le port du Becquet fut créé en 1783 pour le service des travaux de la Rade de Cherbourg. Au centre d'une chaîne de carrières qui le borne au Sud à peu de distances et dont le développement est d'environ 2500 mètres . Il offrit de grandes facilités et des ressources infinies, aussi a-t-il été dès 1785 le principal lieu d'embarquement de la pierre destinée à remplir les caisses coniques qui devaient soutenir la grande digue. Le port est situé aux limites de Tourlaville et Digosville. Un quai s'élève sur les trois quarts de la longueur de ce qui n'était jusque là qu'une plage d'échouage.
Appuyée sur la pointe Ouest, une large jetée de 54m de long à 40 m du quai est bâtie. Les deux ouvrages sont en pierres sèches jetées sans aucun arrangement. Une estacade (barrage fait par l'assemblage de pieux, pilotis, radeaux, chaînes.) en charpente protège le port des assauts du large.
En juillet 1885, près d'une superbe fontaine et au milieu de l'exploitation des carrières est construite une caserne pour loger 600 hommes. Le Becquet trouve alors une activité complémentaire : les aiguades (lieu de ravitaillement en eau douce pour les navires) de la marine (dont l'origine remonte à 1780-1787) établies dans le but de pourvoir aux besoins des ouvriers et de la garnison du fort de l'île Pelée. Elles sont au nombre de trois désignées sous le nom : Fontaine du Tôt qui prend sa source sous les déblais d'une carrière à l'Est de la caserne (captée en 1786). Fontaine du Becquet dont la prise d'eau était située primitivement sur la voie publique. Fontaine des Près qui a sa source à l'Ouest du port (captée en 1787). Ces trois fontaines assurant un débit variant entre 180 000 et 227 520 litres / 24 h. Deux potences portant lanterne sont montées près des bâtiments des entrepreneurs pour permettre l'entrée de nuit et ne pas arrêter les transports. | ||||||||||||
Le port du Becquet, Galerie photos de Hubert FOLLIOT photo 2009 | ||||||||||||
Très vite l'abri paraît insuffisant, la jetée est prolongée à 288m. Une autre de 90m prend appui sur le Becquet de l'Ouest, laissant une passe de 36m de largeur. C'est cet ensemble que le Comte d'Artois, préparant le voyage de son frère Louis XVI vient visiter le 29 mai 1786. Le grand événement fut la venue du roi le 25 juin 1786. Le roi en sortant du port marchand où l'on ouvrit le pont tournant dont il examina le mécanisme. Il fit voguer son canot le long de la côte de Tourlaville pour aller au Becquet, lieu d'embarquement des pierres destinées à la construction de la grande digue. "Parvenue en ce lieu, Sa Majesté considéra le port, les ouvrages et les édifices que ses troupes exécutent." On parla longtemps de cette visite dans l'entourage du Chevalier de Pelouze, Major commandant les troupes encasernées au Becquet. Avec l'aide de son épouse il avait fait transformer une pièce de son pavillon en théâtre où, chaque jeudi, étaient données des représentations auxquelles daignaient parfois participer les notables de Cherbourg et des environs.
Le bel enthousiasme est de courte durée et des difficultés locales apparaissent : 1789, le cahier de doléances de Tourlaville, rédigé pour la tenue des États généraux réunis par le roi, les fait apparaître. Les travaux de la digue avancent difficilement car la mer se défend. "Au lieu de construire ce port provisoire avec quelques solidité, en y employant de grosses pierres , on l'a fait deux fois en moellons, une troisième en bois et moellons et toujours il a été culbuté par les gros temps, il n'offre qu'une ruine." (Discours prononcé en 1791 devant l'Assemblée Nationale Constituante.)
Pourtant les travaux continuent. Les lourdes barques à voiles de 20m de long et de 5m de large, continuent le trafic pour remplir les caissons, pour déverser le remblai, apporter les moellons de couronnement de la digue. À partir de 1836, la nouvelle pouzzolane (variété de terre d'origine volcanique mélangée à la chaux qui entre dans la composition de certains ciments) nécessaire à la fabrication du mortier, produite par l'usine montée au Becquet dans les bâtiments des entrepreneurs. Le trafic dure jusqu'en 1849, date de la fermeture des carrières du Becquet, celles du Roule et le creusement des bassins du port militaire fournissant une pierre plus dure et plus facile à transporter. | ||||||||||||
Le port du Becquet vers 1960 Collection CPA LPM 1900 | ||||||||||||
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Le port du Becquet vers 1960 Collection CPA LPM 1900
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Le port du Becquet, 2011 | ||||||||||||
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D'aprés le bulletin officiel municipal n°10 1er trimestre 1981 En 1858-1859 pour la construction du fort de Chavagnac à l'Ouest de la rade, le trafic reprend quelques mois. En juillet 1858 la venue de l'escadre pour saluer Napoléon III à l'occasion de l'inauguration de la voie ferrée Paris-Cherbourg entraîne la remise en état des aiguades. À partir de cette époque, le port bien que laissé à l'abandon ne meurt pas. Une autre activité s'est développée : la pêche. En 1862, 46 bateaux de 1 à 3 tonneaux montés par 138 marins. La pêche aux huîtres est particulièrement rémunératrice et l'administration fait construire à l'Ouest du port près de la mare de Tourlaville, 41 parcs à huîtres.
Le 28 décembre 1860 sont établis deux feux indiquant l'entrée du port. Ils remplacent ceux supprimés par la marine en 1849, à la fin des travaux de la digue.
Mais la situation ne s'améliore pas. La digue-abri s'est écroulée et les matériaux qui en proviennent rétrécissent considérablement la passe et le port n'est plus suffisant. Le port n'est pas surveillé et le fond du port est parsemé de pierres que personne n'a le devoir de faire enlever (6 mars 1862). Les pêcheurs demandent que la marine cède le port à l'administration des domaines. Déjà envisagée en 1849, cette solution avait échoué devant les privilèges que voulait se préserver la marine. Le 29 août 1863, c'est chose faite, la marine ne conservant que la jouissance des aiguades. La remise en état du port commence par la jetée. La partie ancienne de 213m de long sur 20m de large est composée d'un remblai de pierre, terre et gravier et les parements sont faits en moellons posés de champ à sec. Cette partie est prolongée par une nouvelle jetée de 92m de long sur 6 de large dans le même alignement Sud. Elle formée de piliers en maçonnerie de 3m de largeur espacés de 7m reliés par une voûte de 5m de rayon, l'intervalle est rempli par de la maçonnerie à pierres sèches.
En 1869, on construit un épi enraciné dans le quai Sud pour empêcher l'agitation du large de se propager jusqu'aux points de stationnement des bateaux. Une cale de 40m de long sur 15m de large est construite dans le fond du port le long de la jetée pour laisser libre l'accès à l'aiguade. Une tourelle signale les rochers de l'Est et le port est doté d'un canot de sauvetage dont l'abri s'élève sur le quai Sud à proximité des anciens chantiers.
Deux dérogations sont faites aux privilèges de la marine : En 1866, les habitants de Digosville sont autorisés à construire un grand lavoir alimenté par la fontaine du Tôt, le long du pavillon des ingénieurs et en 1871 ceux du Becquet peuvent installer une pompe sur l'aqueduc de la fontaine du Becquet.
Vers 1890, l'administration a vendu à des particuliers ce qui reste des bâtiments des entrepreneurs de la caserne et les terrains attenants. La plus grande partie de l'esplanade où étaient situés les chantiers, ne conservant que le pavillon des ingénieurs qui devient le logement du gardien des feux .
Après la disparition des huîtres à la fin du siècle dernier, c'est la pêche à la traîne (maquereaux et colins noirs) et au filet qui se développe. L'esplanade du quai Sud se couvre d'étentes en bois où sèchent les trémails, les grands filets pour la pêche à l'orphie, les petits chaluts et de casiers pour la pêche aux homards ou à la crevette (bouquet). Les cordiers après avoir passer une partie de la journée le long du mur de l'abri du canot de sauvetage "sous le vent" à enrouler ou boëtter les longues lignes, partent au large les tendre et les relever après une nuit passée en mer. | ||||||||||||
Le Becquet, groupe de pêcheurs collection CPA LPM 1900 | ||||||||||||
Pendant la seconde guerre mondiale, le port a sa garnison Allemande et est intégré dans le complexe du mur de l'Atlantique.
Le rocher Est est écrêté pour permettre à la batterie située sur la troisième pointe à l'Est de battre le port, des barbelés couronnent le parapet de la jetée et chaque soir un treuil placé à l'extrémité du quai Sud lève le câble d'acier qui ferme l'entrée du port. Comme partout les pêcheurs ne peuvent sortir que le jour et avec une escorte. Avec la libération le port connaît quelques jours d'intense activité comme annexe de Cherbourg.
La petite pêche côtière disparaît peu à peu. L'esplanade est déserte et sert de parc de stationnement. L'hiver le port est vide, il n'y a plus que deux bateaux de pêcheurs. L'été, la place est rare car les plaisanciers ont remplacé les pêcheurs. Ce sont essentiellement des barques semblables aux bateaux anciens qui permettent la pêche de loisir.
Les feux détruits pendant la guerre sont reconstruits, le lavoir est comblé (1976), l'adduction d'eau fait disparaître pompe et aiguades, le canot de sauvetage est parti et son abri est devenu chapelle "Notre Dame du Becquet". Il ne reste plus qu'une aile de la caserne, mais dans ce qui reste des bâtiments des entrepreneurs on peut encore voir les fours à pouzzolane | ||||||||||||
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Le port du Becquet, Galerie photos de Hubert FOLLIOT photo 2009
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