AU JARDIN
 
  SOINS D'ETE AUX ARBRES FRUITIERS
         
 
 
         
 

Soins d'été aux arbres fruitiers

E. DELPLACE

Le Chasseur Français N°665 Juillet 1952

 

Beaucoup d'amateurs d'arbres fruitiers croient qu'en faisant tailler leurs arbres vers la fin de l'hiver il ne leur reste plus rien à faire jusqu'à l'année suivante. C'est là une grave erreur. Pour tous les arbres fruitiers soumis à des formes taillées, la taille d'hiver est nécessairement complétée par un certain nombre d'opérations qui doivent être effectuées au cours de la belle saison. Pour quelques-uns, et notamment pour le pêcher cultivé en espalier, ces opérations d'été ont même, dans la préparation de la fructification, une influence plus grande que la taille d'hiver elle-même.

 

Parmi les opérations d'été, le pincement est, à coup sûr, celle qui présente le plus d'importance.

 

Le pincement.

 

— Comme son nom l'indique, il consiste à pincer, entre les ongles du pouce et de l'index, l'extrémité d'une jeune pousse en cours d'allongement, de manière à trancher cette extrémité. Sous l'influence du pincement, l'allongement de la jeune pousse est momentanément arrêté. L'oeil placé à l'aisselle de la feuille devenue terminale par ce pincement n'est, en effet, pas constitué pour pouvoir, tout de suite, se développer en nouvelle pousse. Quelques semaines doivent se passer avant que ce développement s'opère. Alors seulement l'œil terminal produit une nouvelle pousse, que les arboriculteurs appellent un faux bourgeon.

 

Mais, dans l'intervalle qui sépare le pincement de l'apparition du faux bourgeon, la sève qui se dépensait à l'extrémité de la pousse pincée doit, forcément, trouver une autre destination. Elle agit sur les yeux placés plus bas le long de cette pousse, et ceux-ci, qui auraient eu des tendances à s'annuler, se gonflent et se constituent normalement. Ils seront capables, plus tard, si la chose est nécessaire, de fournir à leur tour, des pousses, alors qu'ils n'eussent pas été à même de le faire si le bourgeon n'avait été pincé. On pourra ainsi, l'hiver suivant, tailler plus court, sans risquer de voir leurs yeux de base ne donner naissance à aucune pousse, les rameaux qui ont été pincés.

 

Mais l'action du pincement ne se borne pas à cela. Cette action s'étend à tous les yeux du rameau qui a donné naissance au bourgeon pincé. Dans les arbres à fruits à pépins, les yeux de la base de ce rameau se développent de façon à donner des dards, et même des lambourdes, organes bien préparés pour la fructification.

 

Enfin, l'influence du pincement se fait également sentir sur les fruits voisins qui absorbent une certaine partie des matières utiles devenues momentanément disponibles par suite de l'arrêt d'accroissement du bourgeon.

 

Dans le pêcher, le pincement des pousses qui accompagnent les fruits provoque le développement en bourgeons des yeux de base des rameaux qui portent ces fruits.

 

Ces bourgeons, qu'on nomme les remplacements, constitueront, dès le printemps suivant, des rameaux aptes à fructifier à leur tour et à remplacer ceux qui ont porté des fruits et qu'il est nécessaire de faire disparaître, puisqu'ils n'en peuvent plus porter.

 

Lorsque le pincement des arbres est fait graduellement et en temps voulu, il n'apporte aucun trouble à la végétation : il ne fait pas perdre à l'arbre, comme la taille, une notable portion de ses organes, mais répartit seulement entre ceux-ci la sève. C'est donc un régulateur qu'il est indispensable de mettre en action.

 

Il ne nous est pas possible, dans le cadre de cet article, d'indiquer le mode de pincement applicable à chacun des arbres fruitiers. Ayant seulement précisé aujourd'hui le but de cette opération, nous nous proposons d'y revenir avec plus de détails dans de prochains articles.

 

Sur les arbres soumis à la taille, il est d'usage de ne pas soumettre au pincement la pousse terminale de chaque branche de charpente. Cette pousse terminale, que l'on nomme prolongement, a, en effet, la double fonction d'aspirer avec force la sève minérale et de transformer cette sève minérale en sève élaborée. Plus elle a de feuilles, mieux elle est à même de remplir ce rôle important.

 

L'accolage.

 

— Dans toutes les formes dont les branches de charpente sont conduites sur des treillages préparés à l'avance (formes palissées), il est utile, si l’on tient à avoir des arbres corrects avec le minimum de peine, d'attacher les pousses, sur les baguettes disposées à cet effet, avant qu'elles ne soient lignifiées, c'est-à-dire durcies. Elles prennent alors très docilement la direction qu'on veut leur imprimer et conservent ensuite cette direction. L'accolage (c'est ainsi que se nomme l'opération) se fait au moyen de jonc ou de raphia. Au moment de la taille d'hiver, le jonc ou le raphia seront remplacés par de l'osier (palissage en sec).

 

L'accolage est commencé le plus tôt possible, c'est-à-dire dès que les pousses à accoler ont une quinzaine de centimètres de longueur, pour presque toutes les espèces fruitières. Pour la vigne, cependant, il est préférable de ne pas commencer trop tôt, car les pousses trop jeunes se décollent facilement du rameau qui les porte. On attend donc, pour accoler la vigne, ordinairement l'époque du pincement et les deux opérations sont effectuées simultanément.

 

L'éclaircissage des fruits.

 

— C'est aussi un travail très utile que l'on néglige généralement, ou plutôt qu'on ne fait pas, de crainte de diminuer la récolte. Cette crainte est vaine d'ailleurs. Des expériences nombreuses ont en effet prouvé qu'en éclaircissant les fruits on en obtenait de plus volumineux et qu'en fait le poids total de la récolte restait sensiblement le même. Il n'y a pas de règle absolue pour éclaircir les fruits, mais il convient, pour les arbres à fruits à pépins, de ne pas garder plus de huit à dix fruits par mètre linéaire de branche charpentière. Pour les pêches, on peut aller jusqu'à une douzaine sans inconvénient.

 

Pour les jeunes arbres en cours de formation, il convient, d'ailleurs, de rester notablement au-dessous de ce chiffre, afin de ne pas épuiser prématurément ces arbres et de hâter le plus possible la formation de leur charpente.

 

Le maintien de l'humidité.

 

— Il est très important, au cours de la belle saison, de veiller à ce que le sol qui porte les arbres conserve un degré suffisant d'humidité, afin que les fruits s'accroissent avec régularité. Or, d'une façon générale, les arrosages ne sont pas aussi indiqués pour les arbres qu'ils le sont pour les légumes. Il faut donc plutôt s'appliquer à essayer de conserver la fraîcheur naturelle du sol et, pour cela, on a recours, surtout dans les terrains légers, au paillage de la surface. Pour pailler, on choisit un moment où le terrain est parfaitement assaini, vers fin mai ou juin. On ameublit soigneusement la surface, puis on étend sur celle-ci une couche de 5 centimètres environ de fumier de bêtes à cornes à demi décomposé. Celui-ci s'opposera à l'évaporation de l'eau contenue dans le sol et, de ce fait, conservera sa fraîcheur. En outre, il cédera peu à peu au terrain, sous l'influence des pluies de l'été, une partie des éléments utiles qu'il renferme. Le paillis, enfoui en octobre par un léger labour à la fourche-bêche, contribuera enfin à entretenir, dans des proportions convenables, la richesse en humus du sol, base de sa fertilité.

 

Lorsqu'il s'agit d'arbres conduits en espalier le long d'un mur exposé au midi ou à l'est, on paille toute la surface de la plate-bande sur 1 mètre ou 1m,20 de largeur. Lorsque, au contraire, il s'agit d'arbres isolés, on peut se borner à pratiquer une sorte de dépression ou cuvette peu profonde à l'entour du pied de l'arbre et à garnir celle-ci de quelques centimètres d'épaisseur de fumier, après en avoir aussi bien ameubli le fond.

Un arrosage de temps à autre, en cas d'exceptionnelle sécheresse, sera alors amplement suffisant pour maintenir un degré d'humidité convenable dans le sol.