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Article paru en 1860 Note sur le passage des Oiseaux exotiques dans le Cotentin. Le Marquis d'Agnaux. Le Congrès scientifique de Cherbourg (septembre 1860) a donné lieu à une foule de communications aussi variées qu'intéressantes. Voici 5 extrait d’un morceau dû aux observations de M. le marquis d’Agneaux de l’ile-Marie (Picauville) que nous insérons plus volontiers qu'il est sur un sujet peu connu et que l'Histoire naturelle n'a pas eu jusqu'ici une place assez large dans l'Annuaire de la manche.
Je ne parlerai que des oiseaux qui font l'objet de mes chasses; j'ai trop peu observé le passage des becs fins du loriot, du bruant de neige, des palombes, des bec-en-croix, pour en dire quelque chose.
C'est du 25 juillet au 15 août qu'a lieu la première arrivée des palmipèdes et des échassiers. Le passage le plus curieux à observer est sans contredit la volée d'août: ce sont des bandes immenses de macreuses et d'oies-cravans qui volent à de grandes hauteurs: elles quittent la Manche pour aller séjourner dans l'Océan Atlantique. Leur vol, à cette époque, est invariablement de l'est à l’ouest. La macreuse s'abat bien rarement sur nos rivières ; l'oie-cravan s'y montre en janvier et février, dans les rudes hivers.
Les oiseaux qui fréquentent nos vallées vers la fin de juillet et au commencement d'août, sont le cul-blanc ou bécasseau, la guignard (espèce de pluvier), la guignette(le plus petit des échassiers), la bécassine et le vanneau; on y voit encore le combattant, mais à cette saison il est fort rare, tandis qu'il est assez commun au printemps.
A la même époque, on rencontre sur le bord de la mer, surtout à la grande marée d'août, l'alouette de mer, le pluvier gris, le grand et le petit pluvier à collier, la maubèche, la mouette ou mauve, le goëland-manteau-gris, le goêland-manteau-noir, trois espèces de pierre garin ou hirondelle de mer. J'ai tué un fort joli épouvantail: il a le dessous du corps et le dessous des ailes d'un très-beau noir velouté. J'ai aussi tué en juillet des bécassines qni n'avaient point entièrement fait la mue et qui pouvaient à peine voler : ces bécassines avaient probablement niché dans nos marais.
Toutefois, la véritable arrivée n'a lieu que vers la mi-septembre. La bécassine est alors accompagnée de la sourde ; la double est fort rare ici. Vers le même temps arrivent la marouette, le râle, la courette. En septembre on commence avoir le pluvier doré, le pluvier-vanneau, le chevalier à pieds rouges, le même à pieds gris. Sur nos côtes, on voit la mouette blanche, la brune et la cendrée ; le table, le cormoran, le tourne-pierre, le héron, le courlis, le corlieu ou petit courlis, l'huitrier, la barge rousse, la barge aboyeuse.
Dès la mi-octobre, si l'hiver s'est fait sentir dans le Nord, on voit dans nos bois de nombreuses bandes de palmipèdes; mais ils disparaissent s'il survient quelques beaux jours.
C'est donc de novembre jusqu'au commencement de janvier, quand l'hiver a étendu jusqu'à nous son manteau de frimas, qu'a lieu le grand passage des émigrants. Les bandes d'oiseaux qui se succèdent sont alors composées de sarcelles, de canards, de vignons ou canards siffleurs. Vers le même temps, la foulque arrive dans nos marais. Viennent ensuite les plongeurs, qui trouvent plus facilement leur pâture au fonds des eaux ; le mélouin à la tête rousse, le morillon à la huppe soyeuse, le garrot, le plongeon, le castagneux, la petite et la grande grèbe, dont la tête est ornée de plumes rousses au printemps. C'est à la même époque que nous voyons le souchet, le rédenne, la spatule, le butor, dont le cri nous annonce l'arrivée des autres oiseaux. Dans les plus grands hivers, nous voyons le grand harle orangé, le moyen harle, le tadorne et le piette ou le petit harle. Le pilet vient vers le mois de février.
En mars nous avons le retour de presque tous ces oiseaux, sans oublier la spatule. Ce gibier de retour a la plume teinte de roux, comme s'il avait séjourné dans des eaux cbau4tes ou ferrugineuses. Vers le 15 avril nous avons l’arrivée de la sarcelle d'été ; elle semble ne rester que jusqu'en mai : quelques sujets couvent, je crois, dans notre pays, ai les vents du nord est sont violents, nous voyons aussi en avril arriver les cigognes (la blanche et la grise) ; elles disparaissent ordinairement vers la mi-mai. Il en est de même de l'oie sauvage et du cygne. J'ai vu des cygnes jusqu'au 18 de mai : ils n'arrivent guère qu'en janvier, si le thermomètre est descendu à 15 au-dessous de zéro. Les vents d’est amènent en général le gibier ainsi qu'une forte gelée. | ||||||||
Que dirai-je maintenant de vos pérégrinations, oiseaux qui ouisses ma vue, ou bien qui me faites en passant rêver de mon pèlerinage ? Où allez-vous ? Quel est votre Itinéraire probable ? L'instinct dont vous êtes doués ne dépasse guère la mesure de votre estomac : partout et toujours vous chercher de la nourriture ; vous aimez l'abri, le repos. Quand dans les lacs des contrées solitaires qui vous ont vu naître sont gelés, quand les glaces couvrent les golfes où vous preniez votre subsistance, vous descendez vers des régions plus tempérées, et si les vents d'est vous rencontrent en chemin, vous vous laissez porter vers la mer du Nord. En fuyant ainsi les grands froids, vous vous trouvez réunis en octobre soit dans le Zuyderzée (golfe du centre-nord des Pays-Bas)*, soit sur les côtes de Picardie. Plus l'hiver est long et continu, plus vous descendez vers le sud, et vous faites retour dès que le dégel vous a apporté l'odeur des marais ou vous trouverez de la nourriture. C'est ainsi que, de proche en proche, vous remontez vers le nord, cherchant de la nourriture et le repos. Telle est votre destinée, quand un plomb meurtrier n'a pas brisé vos ailes !
* Note du LPM ;il a été transformé en lac d'eau douce appelé l'IJsselmeer et en polders grâce aux travaux du Zuiderzee. | ||||||||
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