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Les 4 armées des croisés
Si les souverains ne répondent pas à l'appel du pape, de grands féodaux le font :
Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, qui en 1087 a participé à la Reconquista ; Guillaume des Baux et son fils Raymond des Baux ; Bohémond de Tarente et son neveu Tancrède de Hauteville de la famille des princes normands d'Italie ; Hugues le Grand, comte de Vermandois, frère du roi de France Philippe Ier ; Robert Courteheuse, duc de Normandie, fils de Guillaume le Conquérant, son chevalier Banneret Jehan des Landes. Robert, comte de Flandre ; Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie, son frère Baudouin de Boulogne et leur cousin Baudouin du Bourg ; Étienne II, comte de Blois ; Enguerrand Ier, comte d'Amiens et son fils Thomas ; Hugues II, comte de Saint-Pol et son fils Enguerrand.
Quatre armées se constituent par des regroupements régionaux :
- Les Lorrains, menés par Godefroy de Bouillon et Baudouin de Boulogne, qui traversent l'Allemagne et les Balkans ; - Les Normands d'Italie, conduits par Bohémond de Tarente et Tancrède de Hauteville, débarquant en Épire ; - Les Méridionaux autour de Raymond de Saint-Gilles, qui passent par l'Italie du Nord, la Serbie et la Macédoine ; - Les Français dont Hugues le Grand, Robert Courteheuse et Robert de Flandre. |
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Godefroi de Bouillon et l'armée lotharingienne
Le premier groupe qui fut prêt était commandé par le duc de Basse-Lotharingie, Godefroi de Bouillon. Partie importante de l'empire romain germanique, le duché de Basse-Lotharingie, connu peu après sous le nom de duché de Brabant, comprenait sur la rive gauche du Rhin la région ardennaise, le Hainaut, le Brabant, la Hesbaye et le pays de Liège, la Toxandrie (Breda), la région d'Aix-la-Chapelle, plus, sur la rive droite du Rhin, la zone en face de Cologne. Le coeur du duché était constitué par le pays wallon où se trouvait d'ailleurs le château de Bouillon d'où le duc Godefroy IV tire son appellation historique. Godefroi IV de Bouillon était le fils du comte Eustache II de Boulogne et d'Ida, soeur du précédent duc de Basse-Lotharingie, Godefroi III le Bossu. « II fut nez en lègne de France, à Boloigne seur la mer », spécifie Guillaume de Tyr. A la mort de son oncle, en 1076, il hérita d'une partie seulement de ses fiefs, le comté de Verdun et la marche d'Anvers, l'empereur Henri IV ayant réserve la succession du duché de Basse-Lotharingie pour son propre fils Conrad. En 1089, enfin, Henri IV avait inféodé le duché à Godefroi de Bouillon. « Avec Godefroi de Bouillon partirent pour la Croisade son frère cadet Baudouin de Boulogne, le futur roi de Jérusalem, leur autre frère, Eustache III, comte de Boulogne, et leur cousin Baudouin du Bourg, fils du comte Hugues Ier de Rethel. |
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Dans le même groupe il faut citer Baudouin II, comte de Hainaut, Garnier de Grez (Brabant Méridional), le comte Reinard de Toul, Pierre de Stenay, Dudon de Conz-Sarrebruck, Baudouin de Stavelot, Henri et Geoffroi d'Esch (Luxembourg) En général le gros de l'expédition était fourni par les pays wallons. Mais la haute dignité dont le duc de Basse-Lotharingie était investi dans le Saint-Empire et la situation géographique de ses barons, mouvant les uns, comme lui, de l'empire, les autres, comme ses frères, de la royauté capétienne (plusieurs fieffés dans l'un et l'autre pays), autant de facteurs qui concouraient à maintenir à cette armée un caractère international, ou, plus exactement, international latin.
Toutefois, » bien que la majorité des compagnons de Godefroi relevassent du Saint-Empire « dès qu'ils seront établis en Syrie et la distance aidant, la mouvance impériale sera oubliée, aucun souvenir de la suzeraineté germanique ne se manifestera; au contraire le sang wallon parlera alors seul en eux et deviendra le facteur dominant de la civilisation qu'ils établiront là-bas la royauté fondée à Jérusalem par la maison de Lotharingie-Boulogne sera une royauté française, le royaume latin de Jérusalem » on le verra par toute la suite de cette histoire « sera un royaume français. Les deux célèbres frères Godefroi de Bouillon et Baudouin de Boulogne présentaient un contraste physique et moral que les chroniqueurs se sont plu à accuser Godefroi très grand, poitrine large et membres vigoureux, mais taille mince et élancée, a les traits fins, la barbe et les cheveux d'un blond vif, vaillant guerrier au combat, il sera en dehors du champ de bataille un pèlerin pieux, plein de bonne grâce, de douceur, de charité, d'humilité chrétienne (Guillaume de Tyr). Le chroniqueur lotharingien Albert d'Aix, son biographe, n'a pas eu à forcer la note pour nous le rendre sympathique à tant d'égards Chalandon soupçonne que ses qualités avaient pour contrepartie une certaine absence de personnalité. De fait ce vaillant chevalier devait être un général assez secondaire et, aux heures difficiles, à Dorylée et à Antioche, ce seront les autres chefs de la Croisade, comme Bohémond et Tancrède, qui détermineront la victoire. Après la délivrance de Jérusalem il cédera sans difficulté aux suggestions de l'épiscopat qui ne désirait nullement une royauté laïc forte, par docilité envers les tenants de la thèse ecclésiastique, autant que par humilité chrétienne, Godefroi évitera donc de prendre le titre de roi et restera jusqu'à sa mort simple avoué du Saint-Sépulcre.
Chalandon estime même que c'est en raison de ces facultés d'effacement, pour le peu de relief de sa personnalité, voire pour une certaine médiocrité de caractère, que le duc de Basse-Lotharingie devait être choisi par l'épiscopat comme par les barons. Il y a lieu toutefois de remarquer que dans la direction d'une armée aussi hétérogène que celle de la Croisade les qualités peut-être purement négatives de Godefroi de Bouillon ne devaient pas laisser d'avoir leur utilité. Son caractère conciliant et facile contribuera à apaiser bien des différends. Si le succès militaire de la Croisade devait plutôt être l'oeuvre de ses compagnons que de lui-même, le caractère assez effacé de sa personnalité morale permit souvent de sortir sans trop de mal des crises que la violence ou l'astuce de Bohémond, de Tancrède, de Raymond de Saint-Gilles et du propre frère de Godefroi, Baudouin de Boulogne, provoquait à chaque instant.
Car Baudouin, comme nous le disions, formait en tout un singulier contraste avec lui. Encore plus grand que Godefroi de Bouillon, la barbe et les cheveux noirs tranchant sur un visage très blanc, il affectait une gravité de démarche, un ton de langage sévère, une attitude imposante et même hautaine qui, joints à son amour du faste, lui composaient un extérieur plein de majesté. Sa gravité comme sa culture littéraire provenait sans doute, comme Dodu le pense, du temps qu'avant de devenir chevalier il avait passé dans la cléricature, à Reims, à Cambrai et à Liège. Mais ce passé religieux n'entravait guère chez lui un caractère orgueilleux et cupide et un tempérament singulièrement fougueux. Avec cela une puissance de personnalité et des qualités d'organisateur qui devaient faire finalement de ce politique le principal bénéficiaire de la Croisade. Du reste, pendant la première partie de l'expédition, il eut l'habileté de servir correctement de second à son frère aine Godefroi.
Enfin, avec Godefroi de Bouillon, une armée régulière se mettait en route. Comme les Croisades populaires qui l'avaient précédée, elle prit le chemin de la Hongrie. Là elle risquait de se heurter aux rancunes que les pillages des compagnons de Pierre l'Ermite, de Volkmar, de Gottschalk et d'Emich avaient laissées dans l'esprit des Hongrois. A la frontière germano-hongroise, Godefroi, pour dissiper ces craintes, eut avec le roi de Hongrie Coloman une entrevue au pont d'OEdenburg. Il rassura ce prince, lui confia en otage son frère Baudouin de Boulogne durant toute la traversée du pays, publia les règlements les plus sévères pour interdire le moindre acte de pillage, et parvint ainsi sans encombre à Semlin, sur la frontière hungaro-byzantine |
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Le fait de la Croisade et le droit byzantin. Godefroi de Bouillon et Alexis Comnène.
L'arrivée de Godefroi de Bouillon sur la frontière byzantine posait pour l'empereur Alexis Comnène le problème de la Croisade. Dès ce moment l'habile basileus avait arrêté sa politique, qui ne cessera pas d'être celle de la cour de Constantinople pendant un siècle. Ne discutant pas le fait de la Croisade, la protégeant au contraire, il cherchera à la canaliser et à l'utiliser à ses fins, à la servir pour s'en servir. Tout d'abord il exigera d'elle qu'elle s'abstienne des actes de brigandage qui ont déshonoré le passage de Pierre l'Ermite, de Volkmar, de Gottschalk et d'Emich von Leisingen. Moyennant cette promesse, il s'engagera à assurer jusqu'à la frontière Seljukide le ravitaillement des Croisés. Godefroi de Bouillon reçut entre Belgrade et Nish la visite d'envoyés byzantins qui conclurent en ce sens une entente ave lui.
Par Philippopoli et Andrinople, le duc de Basse-Lotharingie et son armée descendirent donc sans encombre jusqu'à la mer de Marmara sur les bords de laquelle ils firent halte à Selymbria (Selivri), vers le 12 décembre 1096. Là l'armée lotharingienne, jusque-là si disciplinée, semble avoir échappé au contrôle de son chef elle pilla Selymbria. Albert d'Aix voit ici un acte de représailles contre le fait que le basileus aurait alors retenu dans une demi-captivité un des chefs de la Croisade française, Hugues de Vermandois, frère du roi de France Philippe 1er. Chalandon, confrontant Anne Comnène et Albert d'Aix, a établi que le comte de Vermandois n'était nullement prisonnier et qu'il faut voir dans les désordres de Selymbria de simples excès de la soldatesque.
Autrement sérieux était le problème juridique qui se posait entre la cour byzantine et les Croisés. La croisade, fait nouveau pour les Occidentaux, était depuis des siècles, et sans le mot, une des données permanentes de la vie byzantine, si du moins on entend par là la lutte quotidienne contre l'Islam. L'expédition de Godefroi de Bouillon devait apparaître à Alexis Comnène comme un renfort survenant en pleine bataille pour rendre l'avantage aux armées du Christ et chasser les envahisseurs Seljukides de leurs récentes conquêtes. Car, à l'arrivée des Croisés lotharingiens (1096), il y avait quinze ans à peine que les Turcs s'étaient installés en Bithynie et en Ionie (1081) et seulement une dizaine d'années qu'ils avaient enlevé à l'Empire Antioche et Edesse (1085, 1087). La reconquête de ces vieilles terres chrétiennes, objectif mystique des Croisés, était pour la cour byzantine un but politique parfaitement positif et précis. Le tout était d'embrigader à ce sujet les Croisés au service de la politique impériale. Les anciennes terres chrétiennes d'Asie Mineure et de Syrie n'étaient pas au point de vue juridique « resnullius », terres bonnes à prendre pour quiconque les délivrerait de l'Islam. Possession de fait de leurs récents occupants turcs, elles étaient non moins sûrement, aux yeux des Grecs, possession de droit de l'empire byzantin. Les Croisés qui venaient en entreprendre la délivrance ne pouvaient le faire qu'au nom de l'empire et pour son compte. Ils devaient donc se considérer comme les soldats de l'empire, tout comme les centaines de mercenaires francs qui depuis des siècles guerroyaient là bas au profit de l'autokrator, et l'empire à son tour devait leur accorder comme à ceux-ci aide, ravitaillement, solde et honneurs. Aux yeux d'Alexis Comnène, Godefroi de Bouillon apparaissait comme un autre Roussel de Bailleul, plus puissant, il est vrai, donc à la fois plus utile et plus dangereux, et envers lequel il s'agissait d'éviter les fautes qui avaient fait de Roussel un révolté, allié des Turcs contre l'empire. Pour cela la première assurance à prendre était d'obtenir le serment de fidélité et, pour les reconquêtes asiatiques éventuelles, le serment de vassalité de Godefroi de Bouillon. |
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La politique d'Alexis Comnène n'eut d'autre but que d'inculquer au duc Godefroi ces notions juridiques. Dès qu'il avait appris les désordres de Selymbria par les Croisés lotharingiens, Alexis lui envoya en ambassade deux Français à son service, Raoul Peeldelau et Roger fils de Dagobert, pour lui demander de faire cesser le pillage et l'inviter à venir camper avec son armée devant Constantinople. Conformément à cette invitation l'armée lotharingienne vint camper devant les murs de la capitale le 23 décembre 1096. Pour achever de se concilier Godefroi, Alexis lui envoya alors son hôte, le capétien Hugues de Vermandois qui pouvait témoigner des avantages de l'hospitalité et de l'amitié impériales. Hugues était chargé d'inviter Godefroi à se rendre auprès de l'empereur Godefroi de Bouillon déclina cette invitation. Si nous songeons au rang qu'il occupait dans l'empire romain germanique » l'empire d'Occident, en droit latin, « on comprendra sa répugnance particulière à prêter serment de vassalité à l'empire d'Orient. Lige de l'empereur « romain » Henri IV, pourquoi porterait-il sa foi au basileus grec ?
Fils de la papauté, parti pour obéir au pape romain Urbain II, pourquoi se mettrait-il au service de la cour byzantine, c'est-à-dire de l'hérésie grecque ? évitant l'entrevue où il aurait à se prononcer, il chercha à gagner du temps jusqu'à l'arrivée des autres armées croisées dont la concentration devant Constantinople obligerait le basileus à s'incliner Comprenant cette tactique, Alexis Comnène voulut brusquer la décision : il coupa le ravitaillement des Croisés. Mais Baudouin de Boulogne, frère de Godefroi de Bouillon, exerça par représailles de tels ravages dans la banlieue qu'Alexis fit assurer de nouveau le ravitaillement. En même temps il offrit comme cantonnement aux Croisés le faubourg de Péra, le long de la Corne d'Or, « où ils seraient plus à l'abri pour l'hiver et où aussi la surveillance serait plus facile à exercer »
Ces mesures, qui se placent au début de janvier 1097, n'amenèrent aucune détente. Durant les trois premiers mois de 1097, Godefroi de Bouillon resta dans ses cantonnements de Péra, se refusant à tout serment de fidélité envers Alexis et n'acceptant même pas de se rendre à l'entrevue que lui proposait ce dernier C'est ce que, sur une nouvelle démarche impériale, vinrent de sa part signifier à Alexis Conon de Montaigu, Baudouin du Bourg et Geoffroi d'Esch. Le duc savait que les croisés normands d'Italie allaient arriver, sous les ordres de Bohémond, par l'épire et la Macédoine, et il attendait ce renfort pour obliger le basileus à abandonner ses prétentions. Pour la même raison, Alexis faisait étroitement surveiller le camp lotharingien et cherchait à intercepter les courriers que Bohémond eût pu envoyer à Godefroi. Mais, comme Bohémond approchait, Alexis résolut de brusquer les choses avant leur jonction. Il entrava de nouveau le ravitaillement du camp lotharingien (2 avril 1097), sur quoi des rixes se produisirent entre Grecs et Latins, suivies d'escarmouches et d'un véritable état de guerre. Les Byzantins bloquant les Croisés dans Péra, Godefroi et son frère Baudouin se dégagèrent par une brusque sortie, évacuèrent Péra après l'avoir pillé et incendié, et, s'étant portés de l'autre côté de la Corne d'Or, vinrent attaquer les murailles de Constantinople du côté de la porte de Gyrolimne, tout près du palais impérial des Blakhernes. Ce coup de main, qui annonçait cent sept ans auparavant celui de la Quatrième Croisade, échoua. Les Croisés, restés hors des murailles et menacés de famine, se mirent alors à piller la banlieue pour se ravitailler. Une dernière fois Alexis, par l'intermédiaire de Hugues de Vermandois, offrit à Godefroi de Bouillon un accord sur la base des thèses juridiques byzantines. Sur le refus du duc de Lotharingie, il le fit attaquer. Godefroi de Bouillon vaincu dut accepter les conditions impériales.
Godefroi de Bouillon, accompagné des principaux barons lotharingiens, se rendit donc au palais des Blakhernes pour rendre hommage à Alexis Comnène.
« Devant l'empereur assis sur son trône, il s'agenouilla et prêta le serment de fidélité. Il s'engagea à être l'homme du basileus et promit de lui rendre tous les territoires et toutes les villes ayant appartenu à l'empire, dont il s'emparerait. Une fois le serment prêté, Alexis s'inclina, embrassa le duc et déclara qu'il l'adoptait comme fils. Un serment analogue à celui de Godefroi fut prêté par les chefs qui accompagnaient le duc ».
Acte capital par lequel le prince lotharingien mettait la croisade au service du basileus pour rendre à celui-ci les « thèmes » récemment occupés par les Turcs Seljukides. La croisade franque se soudait ainsi à la croisade byzantine et c'est par une reconquête byzantine qu'elle allait commencer son oeuvre. Il était entendu que tous les territoires qui avaient appartenu aux Byzantins avant le désastre de Malâzgerd et surtout avant la débâcle de 1081 et dont les Croisés chasseraient le Turc, ils les remettraient au basileus.
L'engagement valait donc non seulement pour les villes anatoliennes comme Nicée, mais aussi pour les villes syriennes récemment encore byzantines comme Antioche et Edesse. Là-dessus, le traité d'avril 1097 était formel et tout le développement des rapports franco-byzantins au douzième siècle devait s'en ressentir. Une fois maîtres d'Antioche, les Francs auront beau violer le traité, les Byzantins ne se lasseront pas d'en revendiquer l'exécution et ils n'auront de cesse avant d'avoir réussi. La question se pose même de savoir si le principe de l'hypothèque impériale ne portait pas, non seulement sur les anciens thèmes byzantins du début du onzième siècle, à l'époque de Basile II, mais encore sur les anciennes provinces de l'empire d'Orient au temps de Justinien par exemple. Auquel cas ce n'était pas seulement Antioche mais aussi Jérusalem que les Croisés eussent dû remettre aux Impériaux. Sur ce point d'ailleurs il semble que les prétentions byzantines n'aient pas été aussi précises. La suite de l'histoire du royaume latin prouve que, tandis que la cour des Comnènes ne cessa pas de réclamer la souveraineté ou, à défaut, au moins la suzeraineté d'Antioche et d'Edesse, elle n'émit, du moins en pratique, aucune prétention de cet ordre sur Tripoli et Jérusalem, villes auxquelles la reconquête byzantine du dixième siècle ne s'était pas étendue
Toutefois, et toute discrimination territoriale à part, au point de vue moral la prestation du serment de fidélité faisait entrer Godefroi de Bouillon dans la vassalité générale de Byzance. Lige de l'empereur germanique dans l'empire romain d'Occident, il devenait, et ses barons avec lui, lige du basileus dans l'empire romain d'Orient. L'espèce d'adoption que lui octroya Alexis Comnène achevait cette transformation juridique. Elle signifiait qu'en droit la croisade franque s'encadrait dans la croisade byzantine. Habituée depuis des siècles à employer en Asie, dans sa lutte presque cinq fois séculaire contre l'Islam, des mercenaires francs, normands ou varègues, la cour de Constantinople considérait désormais le duc de Basse-Lotharingie comme l'un d'entre eux; elle allait lui accorder les mêmes faveurs et lui demander les mêmes services. |
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Les faveurs, d'abord.
A peine le serment prêté, Alexis Comnène comble Godefroi et les siens de présents, gratifications en or et en argent, vêtements d'honneur, tissus précieux, chevaux, et mulets. Le ravitaillement recommence, abondant, et sera continué durant toute la traversée de la Bithynie byzantine. Surtout une véritable solde impériale fut régulièrement versée aux Croisés, preuve que ceux-ci étaient désormais considérés comme de véritables mercenaires byzantins.
Les ordres ensuite.
Au lendemain de l'accord, vers le 9 ou le 10 avril 1097, Alexis Comnène fit transporter l'armée de Godefroi de Bouillon sur la côte d'Asie, à Pélekan près de Héréké, à l'ouest de Nicomédie. Là Godefroi de Bouillon attendit l'arrivée de la croisade normande.
Car les Normands de l'Italie méridionale arrivaient, conduits par Bohémond de Tarente, fils de Robert Guiscard. Leur arrivée dut presque coïncider avec le départ de Godefroi de Bouillon pour l'Asie, toute la politique d'Alexis Comnène, depuis des mois, n'ayant eu d'autre but que d'empêcher leur jonction sous les murs de Constantinople. |
Godefroy de Bouillon en tenue de Héraut |
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