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RUSTICA. JOURNAL UNIVERSEL DE LA CAMPAGNE. 18e année. N° 219. 10 mai 1945 Professeur Paul DIFFLOTH.
Qui ne connaît le canard sauvage, le célèbre « col-vert », objet de chasses passionnantes ! C'est un beau « voilier », un parfait nageur. Ses migrations sont connues.
Est-il à l'origine de toutes nos races de canards domestiques ? Il a joué, et joue encore, un rôle dans ces créations, mais par suite du mélange complexe des sangs pratiqué depuis longtemps, on ne saurait lui reconnaître une paternité totale et exclusive...
Le Khaki-Campbell, par exemple, résulte de croisements multiples réalisés en 1901-1903 par Mrs Campbell entre le Coureur indien et plusieurs races d'Europe mal connues (les « obtenteurs » ne confient pas leur secret ) et William Cook créa le Canard Orpington par des métissages savants entre l'Aylesbury, l'Indien, le Rouen, même le Cayuga, et vraisemblablement notre Rouen clair.
Que le canard sauvage ait servi à la lente transformation d'un type fruste en un modèle domestique plus parfait, le fait est incontestable. L'affinité, l'accord entre la souche mère et la variété domestique sont restés fidèles. Parfois un col-vert se détache de sa tribu errante et, séduit sans doute par le plumage diapré d'une femelle, vient convoler temporairement avec une cane domestique. Des éleveurs, passionnés de chasse à la hutte, ont volontairement associé à leur production un migrateur capturé, non sans difficultés, et maintenu en captivité par l'épointage des ailes.
Car fatalement le col-vert, repris par la passion des grands voyages et par l'amour de la liberté rejoint, à la banne époque, un vol de passage. Ces infusions de sang pur sont intéressantes. Elles tonifient la race, revigorent l'espèce. Les canards sauvages (car il en existe plusieurs types) peuvent donc être considérés, à certains points de vue, comme des régénérateurs. Mais il faut respecter les distinctions scientifiquement établies. Le col-vert est le type rustique, fort, sain, résistant aux maladies. Mais il ne possède pas ces qualités d'affinement, d'amélioration progressive dont une lente sélection, un élevage patient et adroit ont doté nos Rouen, nos Duclair ainsi que les Aylesbury, les Pékin anglais lentement européanisés.
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On gagne, par ces alliances réalisées avec nos canes domestiques, une vigueur, un pourcentage de fécondation nouvelle, la chair prend une saveur de venaison assez agréable, mais on diminue le volume, on réduit la ponte, on perd le bénéfice de la précocité, avantage et apanage précieux de toutes les races sélectionnées, qu'il s'agisse de gros ou de petit bétail.
L'accouplement peut aisément se réaliser si la taille des deux conjoints n'est pas trop dissemblable et s'il n'y a en présence que des col-verts et des canes d'une seule et unique race. Ne mettez pas en compétition un sauvage et un domestiqué...
La saveur spéciale du col-vert tient à son alimentation naturelle et aquatique, elle disparaît donc en basse-cour.
Telle est la théorie juste et logique du col-vert régénérateur.
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