LA 1ere CROISADE - 4  1095-1099
   
 

Adhémar de Monteil

Raymond IV de Toulouse

         
 

Adhémar ou Adémar de Monteil

† 1er août 1098 à Antioche,

Evêque du Puy de 1077 à 1098 

Légat pontifical de la première croisade

 

Famille et jeunesse

 

Il est issu d’une famille noble du Dauphiné, celle des seigneurs de Monteil. Contrairement à ce qui a pu être écrit cette famille n’est pas issue des rois wisigoths ni de Charlemagne, mais plutôt des comtes de Valence. Ses parents, Armann Rotboldus et Adalhisia, ont eu trois enfants : Adhémar, seigneur de Monteil, Lambert François, seigneur de Peyrins et Guillaume Hugues, qui hérite de Monteil à la mort de son frère.

 

Il semble, position d’aîné oblige, qu’il ait été d’abord destiné à une carrière militaire avant d’entrer en religion, mais cette période de sa vie est particulièrement mal documentée. Toujours est-il qu’au cours de la croisade, il prend une part active à la croisade. On ignore également les raisons et les circonstances dans lesquelles il rejoint le clergé, mais on peut supposer, étant donné son parcours, qu'il le fait par vocation.

 

 

Adhémar de Monteil

 

 
         
 

Evêque du Puy

 

Etienne de Polignac, évêque de Clermont (1053-1073), puis du Puy-en-Velay (1073-1077) est excommunié en février 1076 comme simoniaque. L'évêque refusant d’obéir à Hugues de Die, le légat chargé de faire exécuter ces décisions, le pape Grégoire VII renouvelle le 20 mars 1077 l’excommunication, le dépose et ordonne aux chanoines du Puy de ne plus obéir à Étienne de Polignac et de choisir un nouvel évêque. Le choix de ces derniers se porte sur Adhémar de Monteil.

 

Adhémar favorise dans son nouveau diocèse la réforme grégorienne, mais entre en lutte avec la noblesse locale, et notamment la maison de Polignac, qui avait forcé les précédents évêques à leur céder le tiers des revenus du diocèse. Les Polignac ne sont pas les seuls à s'opposer à l'évêque, les chevaliers de Ceyssac s’emparent des biens de l’église de Saint-Hilaire du Puy et le seigneur de Mézenc moleste les paysans de l’abbaye de Saint-Chaffre. Adhémar doit parfois recourir à l’excommunication pour mettre fin à leurs abus et leurs exactions.

 

Adhémar aurait effectué un pèlerinage à Jérusalem en 1086, selon la Chronique de Saint-Chaffre. La chronique Saint-Pierre du Puy précise que le 20 décembre 1086, Guillaume, prieur de Saint Laurent de Grenoble est élu abbé de Monastier, mais que comme l’évêque se trouve en pèlerinage, l’ordination ne peut être faite qu’au début de l’année 1087, au retour d’Adhémar. 

 
     
 

Sur les trois copies de cette chronique, deux seulement précisent que le pèlerinage a pour destination Jérusalem.

 

Durant cette période, les routes de Jérusalem étaient fermées par les Turcs seldjoukides, et le voyage à Jérusalem ne pouvait se faire que par mer. En conclusion, Adhémar de Monteil est probablement parti en pèlerinage en 1086, mais sa destination exacte, Jérusalem, reste incertaine. En 1087, il fait donation d’Usson  à l’abbaye de la Chaise-Dieu, acte dont le comte Raymond de Saint-Gilles est témoin.

 

La première croisade

 

Adhémar participe au concile de Clermont qui s’ouvre le 18 novembre 1095. Durant une dizaine de jours, le concile prend des dispositions pour lutter contre la simonie, d’autres pour préciser l’investiture des clercs par des laïcs et pour régler le problème matrimonial du roi de France. Le dernier jour du concile, le 27 novembre 1095, le pape appelle solennellement la chrétienté à secourir l’empire byzantin et à délivrer les Lieux Saints. Enthousiasmé par l’entreprise, Adhémar est le premier à s’engager dans la croisade, suivi de peu par Raymond de Saint-Gilles.

 

 

La cathédrale du Puy, XIIe siècle

 
         
 

Très rapidement, le pape nomme Adhémar légat pontifical et chef spirituel de la Croisade. Durant l’année 1096, Adhémar effectue des donations, réunit les sommes nécessaires à l’expédition et met au point avec Raymond de Saint-Gilles les dispositions pour le regroupement de l’armée provençale. Cette armée, regroupant des soldats aquitains, toulousains et provençaux, quitte le Puy-en-Velay au milieu du mois d’octobre 1096 pour prendre la direction de Constantinople. Leur armée franchit les Alpes, traverse la Lombardie et Milan, suit la côte dalmate et rejoint Durazzo, qui se trouve dans l’Empire Byzantin.

 

Jean Comnène, neveu de l’empereur Alexis Ier Comnène et gouverneur de Durazzo, fait accompagner et surveiller l’armée croisée par des troupes petchénègues, des mercenaires ouraliens au service de Byzance, pillards à l’occasion. Entre ces derniers et les croisés les incidents se multiplient sur la route de Constantinople. En février 1097, à proximité d’Ochrida , Adhémar est renversé de sa mule et frappé par des mercenaires qui voulaient s’emparer de son or ; il n’est sauvé que par l’un des mercenaires qui le protège de ses compagnons. Suite à cet incident, Adhémar tombe malade et s’arrête à Salonique au début du mois de mars avec une petite troupe, tandis que l’armée provençale continue sa route et atteint Constantinople le 27 avril. Excédé par ces incidents et considérant les Byzantins avec méfiance, Raymond de Saint-Gilles refuse de prêter le serment d’allégeance qu’exige l’empereur. Adhémar, qui arrive un peu plus tard, parvient à apaiser la querelle et Raymond se borne à l’engager à ne pas combattre l’empereur et à ne pas s’attaquer à ses intérêts.

 

Les quatre armées croisées ont fait leur jonction à Byzance, traversent le Bosphore et mettent le 16 mai 1097 le siège devant Nicée, alors aux mains des Turcs Seldjoukides. Raymond, Adhémar et les Provençaux gardent la porte sud, par laquelle les secours sont susceptibles d'arriver. Ce fut le cas à plusieurs reprises, mais l’armée provençale les repousse. La ville capitule et se rend à l’empereur byzantin, au grand déplaisir des croisés qui espéraient piller la ville.

 
     
 

 

Urbain II au concile de Clermont Roman de Godfroi de Bouillon(XIVe siècle)

 
     
 

Puis les croisés font route à travers l’Anatolie, en direction de la Terre Sainte. À Dorylée, l’armée normande de Bohémond de Tarente et de Robert Courteheuse est surprise par les Seldjoukides (1 juillet 1097), mais l’armée provençale arrive à temps pour les secourir et remporter la victoire. Enfin, le 8 octobre 1097, les armées croisés arrivent en vue de la ville d’Antioche. Le siège commence le 20 octobre et durera huit mois. La plupart des conseils se passent dans la tente d'Adhémar. Malgré deux victoires contre des armées de secours (Dodaq de Damas fin novembre 1097 et Ridwan d’Alep le 9 février 1098) et l’arrivée de renforts (en mars, sous la conduite d’Edgar Atheling), le manque de vivres, le séisme du 30 décembre 1098 et l’apparition d’une aurore boréale sèment le doute chez les croisés, qu’Adhémar doit s'employer à chasser. Enfin, Bohémond de Tarente négocie avec Firouz, un habitant d’Antioche qui ouvre les portes de la ville aux croisés le 3 juin. Il était temps, car une troisième armée musulmane de secours, conduite par Kerbogha, atabeg de Mossoul, arrive le lendemain et assiège à son tour Antioche, qui n’a pu reconstituer ses réserves de vivres. La situation semble critique quand le 10 juin, un prêtre provençal, Pierre Barthélémy, annonce à Raymond de Saint-Gilles et à Adhémar que le Christ lui est apparu en rêve et lui a révélé le lieu où est caché la Sainte Lance. Adhémar, connaissant l’existence d’une relique similaire à Constantinople, n’attacha pas d’importance au récit, tandis que le comte de Toulouse le croit et fait entreprendre des fouilles pour la retrouver. Sans être le moins convaincu par cette découverte, Adhémar garde le silence et laisse la conviction des croisés stimuler leur enthousiasme. Le 28 juin, les croisés effectuent une sortie et attaquent le camp musulman. Adhémar commande une des divisions, précédé d’un chapelain, Raymond d’Aguiliers, qui porte la Sainte Lance, et prend une part très active à cette bataille. L’armée de Kerbogha est écrasée, et les croisés s’emparent de ses vivres et de ses richesses.

 
     
 

Découverte de la Sainte-Lance Enluminure du XVe siècle.

 
     
 

Après cette victoire, Adhémar doit arbitrer la querelle entre Bohémond et Raymond, le premier voulant prendre possession de la ville et y fonder une principauté, le second déclarant qu’en vertu de la parole donné à Constantinople, Antioche devait être rendue à l’empereur. Adhémar cherche également à persuader les barons et les chevaliers croisés à reprendre la route de Jérusalem, avant que  les Musulmans ne se ressaisissent et n’opposent une trop forte résistance à la progression de la croisade. Mais il meurt le 1er août 1098 lors d’une épidémie indéterminée. Sa mort laisse un vide à la tête des armées croisées car, ami et envoyé du pape, il était le seul chef dont personne ne contestait l’autorité.

 
     
 

Pendant le siège de Jérusalem, certains croisés prétendent l’avoir vu en apparition et qu’il leur aurait ordonné d’organiser une procession autour des murs de la ville, ce qui fut fait.

 

Adhémar et les Grecs orthodoxesAu cours de sa mission, Adhémar n’a jamais tenté d’imposer la suprématie de l’Église latine. Lorsque Antioche est prise, il purifie la basilique Saint-Pierre qui état devenue une mosquée et y instaure un clergé composé de grecs et de latins. Son rôle dans la croisade est de la guider vers les Lieux Saints sans tenter de ramener le clergé grec à l’orthodoxie romaine, ni d’imposer la primauté du pape sur toute la Chrétienté. Mais les premiers contacts entre les Croisés et les Grecs renforcent la méfiance mutuelle et après sa mort le fossé entre Rome et Constantinople s’accroît. . Anecdote Le moine Albéric des Trois-Fontaines, mentionne dans sa Chronique qui va depuis la création jusqu'en 1241 qu'Adhémar de Monteil est l'auteur de l’hymne Salve Regina, nommé pour cette raison « antienne du Puy ». Mais L. Brehier précise que "ce témoignage se heurte à de nombreuses contradictions".

 

 

Adhémar de Monteil porte la Sainte Lance.
Enluminure du XIIIe siècle

 
         
 

La bataille de Dorylée

 
         
 

Raymond de Saint-Gilles,Adhémar de Monteil et les Provençaux.

 
         
 

Raymond IV de Toulouse

 

Raymond IV (ou VI) de Toulouse, dit Raymond de Saint-Gilles († 1105) est un comte de Saint-Gilles (1060-1105), duc de Narbonne, marquis de Gothie, comte de Rouergue (1065-1105), marquis de Provence (v. 1085-1105), comte de Toulouse (1094-1105) et comte de Tripoli (de 1102 à 1105, sous le nom de Raymond Ier). Il est le fils de Pons, comte de Toulouse, et d'Almodis de la Marche

 

Le seigneur occitan

À la mort de son père, son frère aîné Guillaume IV hérite de l’ensemble des biens paternels, Raymond devant se contenter du comté de Saint-Gilles, qui se résume à une moitié de l’évêché de Nîmes, du château de Tarascon, de la terre d’Argence et de la moitié de l’abbaye de Saint-Gilles.

 

Implanté à proximité de la Provence, il épouse vers 1060 une princesse provençale qui serait soit une fille du comte Bertrand I de Provence, soit une fille du comte Geoffroy I de Provence. À cette époque, le comté de Provence est tenu en indivision par les descendants du marquis Guillaume Ier de Provence et de son frère.  En 1065 sa cousine Berthe, duchesse de Narbonne, marquise de Gothie et comtesse de Rouergue décède, et Raymond s’empare de ses biens et titres aux dépens du veuf, Robert II d’Auvergne. 

 

 

Raymond IV de Toulouse,

par Merry-Joseph Blondel.

Salles des croisades, Versailles

 
     
 

Seul le comté de Rouergue lui apporte une puissance territoriale, les autres titres de Narbonne et de Gothie sont uniquement des titres théoriques apportant une suzeraineté plutôt théorique sur la Languedoc.  Son frère étant particulièrement peu ambitieux, il use des titres de duc de Narbonne, marquis de Gothie et comte de Toulouse, ainsi que l’atteste une charte de 1088.

 

À la fin des années 1070, il prend le parti de l'archevêque d'Arles Aicard contre le comte de Provence et le pape.

 

Il devient comte indivis de Provence vers 1085, à la mort de son oncle Bertrand, et prend le titre de marquis de Provence en 1093, à la mort de son cousin le marquis Bertrand II de Provence. En 1074, il refuse de répondre à l’appel du pape Grégoire VII pour lutter contre les Normands, et le pape, se souvenant du mariage consanguin de Raymond, l’excommunie à deux reprises, en 1076 et en 1078. Ces excommunications sont levées en 1080, à la mort de la première épouse de Raymond.  En 1087 il se rend en Espagne et participe à la Reconquista contre les Musulmans. Son frère Guillaume meurt en 1094 au cours d'un pèlerinage à Jérusalem, et, conformément au testament de son père, il hérite de ses biens, comtés de Toulouse, d'Albi, de l'Agenais et du Quercy. Il épouse peu après Elvire de Castille, qui lui apporte en dot une fortune importante. Avec toutes ses acquisitions, la création du grand comté de Toulouse est bâtie sur quatre principes : relations cordiales avec l'Église, héritage, mariage et en dernier recours appel à la force

 

Le croisé

 

En novembre 1095, le pape Urbain II profite du concile de Clermont pour lancer un appel à toute la noblesse d’Occident, afin de combattre les Musulmans, qui menacent Byzance, et de reconquérir les Lieux Saints. Raymond de Saint Gilles est l’un des premiers princes à y répondre. Les raisons qui incitent ce seigneur à abandonner la principauté qu’il a mis tant de temps et d’énergie à constituer pour partir à l’aventure en Terre Sainte ne sont pas vraiment connues. La foi l’a évidemment motivé, mais Raymond est trop fin politique pour que l’on admettre cette seule motivation. Sage administrateur, il se prépare à la croisade en réunissant une importante fortune, sans aliéner ses possessions. Une bonne partie de cette fortune vient de la dot d’Elvire de Castille, qui l’accompagne en Terre Sainte. Pour l’augmenter, il ordonne la dévaluation du denier de Toulouse, et met en gage quelques terres annexes. Ainsi, une partie du Rouergue est donnée aux vicomtes de Rodez. Cette fortune, qu’il reconstitue au fur et à mesure des pillages, lui permet de payer son armée, et même de financer les autres chefs, quand ceux-ci se retrouvent à court d’argent.  Il commande l'une des quatre armées de la première Croisade, celle des Provençaux, qui gagne Constantinople par voie terrestre. Selon une hypothèse qui ne fait pas l’unanimité parmi les historiens, le pape l’aurait nommé chef militaire de la croisade, à côté du légat Adhémar de Monteil, chef spirituel et théoriquement politique. Mais il se comporte toujours en égal des autres chefs et non comme leur supérieur. Arrivé à Constantinople, Raymond est le seul à refuser le serment d’allégeance qu’exige l’empereur Alexis Comnène, se contentant de promettre de protéger l’empereur et de ne pas lutter contre ses intérêts. Après la prise d’Antioche, il s’oppose à ce que Bohémond de Tarente en devienne le prince, puis voyant que les autres chefs de la croisade s’attardent dans la ville, organise une mise en scène pour relancer l’armée croisée vers Jérusalem : il se joint aux pèlerins non combattants, pieds nus et portant une robe de pèlerins, et part avec eux devant les soldats croisés. Ceux-ci se décident alors à marcher vers Jérusalem, entraînant derrière eux les chefs croisés. Prudent, Raymond longe la côte, tout en organisant des expéditions de razzias pour ravitailler les troupes. Jérusalem est prise en juillet 1099, et les barons se réunissent pour choisir le seigneur qui en aura la garde et élisent Godefroy de Bouillon au détriment de Raymond IV. Il participe à la bataille d'Ascalon, puis aide les byzantins à défendre Lattakié contre Bohémond de Tarente. Il se rend à Constantinople en mai 1100. En mars 1101, il prend la tête d'une croisade de secours composée de Lombards, mais ne réussit pas à les convaincre de suivre la côte. Les Lombards prennent Ankara, mais se font massacrer le 5 août 1101 par les Turcs. Avec quelques chevaliers, Saint-Gilles parvient à s'échapper vers la mer Noire et à rejoindre Constantinople.  Il se consacre ensuite à se tailler un fief en Orient, et décide de conquérir l'émirat de Tripoli. Il commence par deux points forts, Tortose, qu'il prend le 21 avril 1102 et Giblet qu'il prend 28 avril 1104. En 1103, il fait construire une forteresse au Mont-Pèlerin. Tout en maintenant le siège sur Tripoli, il aide le roi Baudouin Ier de Jérusalem à prendre Saint-Jean-d'Acre. Il reprend ensuite le siège de Tripoli, mais est gravement blessé d'un flèche au début du mois de janvier 1105. Retiré à Château-Pèlerin, il fait rédiger son testament, que signe Bertrand des Porcellets, gentilhomme provençal. Il meurt au bout de deux mois, le 28 février 1105.