CHERBOURG-OCTEVILLE
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  CHERBOURG ESCALE TRANSATLANTIQUE 1
         
 

Transatlantique en rade de Cherbourg, CPA collection LPM 1900

 
 

 
 

"Le trafic transatlantique a fait de Cherbourg le troisième port de France"

Par CotBruno D. et Propos recueillis par Bruno D. Cot, publié le 06/10/2008 dans L'Express

CPA collection LPM 1900


    A la fin du XIXe siècle, entre l'activité de l'arsenal et le trafic transatlantique, Cherbourg est un grand port.

 

  Comment l'expliquer? 

 

    D'abord par sa situation géographique, bien sûr, tout au bout du Cotentin. Ensuite, d'un point de vue technique, la ville possède une immense rade artificielle, avec des entrées est et ouest bien délimitées. Avec 4 kilomètres de digue qui nécessitèrent 4,6 millions de mètres cubes de rochers, une dizaine de forts et une surface totale de 1500 hectares, elle demeure l'un des plus grands ouvrages immergés du monde. Cette rade, accessible par tous les temps, bien balisée et qui permet d'effectuer de rapides escales, est le principal critère qui a décidé du rôle de Cherbourg dans l'aventure transatlantique.

 

   A quand remontent les débuts de cette aventure?

 

    En 1840, les premiers bateaux à vapeur passent par Cherbourg. A l'origine, les gouvernements et les compagnies cherchaient à développer ce trafic essentiellement pour le courrier de l'Europe vers les Etats-Unis qui, tout à coup, par ce mode de propulsion, devenait beaucoup plus fiable qu'avec la marine à voile. D'autres facteurs ont pu jouer: côté américain, le port transatlantique fut longtemps Boston. Mais, trop souvent prise par les glaces en hiver, la capitale du Massachusetts va peu à peu être supplantée par New York, qui, dans la seconde moitié du XIXe siècle, s'impose comme le port transatlantique par excellence. Côté européen, c'est non pas la France qui va décider du poids de Cherbourg, mais l'Allemagne. Ses bateaux, partant de Brême puis de Hambourg en direction de New York, s'arrêtent rapidement dans le port français. Puis les Britanniques, notamment avec la Royal Mail Line, l'une des plus anciennes compagnies maritimes, font de même, mais pour un trajet totalement différent : Grande-Bretagne-France-Espagne et Amérique du Sud. Dès lors, Cherbourg joue un rôle très particulier: contrairement au Havre, nous ne sommes pas un port d'attache, mais un port d'escales.

 

  En quoi est-ce si différent?

 

    Cherbourg s'impose comme un port de passage où l'on embarque et on débarque. Tout est mis en oeuvre pour que les escales soient les plus courtes possible. En 1894, une tente est édifiée sur le quai de l'ancien arsenal; puis on amène le chemin de fer sur place afin de transporter passagers et courrier vers Paris dans un délai minimum. Enfin, en 1905, Cherbourg possède une gare maritime avec un appontement et un baraquement en bois. 

 

    Ces infrastructures se révèlent rapidement insuffisantes, si bien que dès 1907 la chambre de commerce réfléchit à un nouveau projet qui voit le jour en 1912: l'appontement est prolongé de 125 mètres, offrant une superficie d'accueil de 3000 mètres carrés où une vraie gare maritime va être construite. Avec différents bureaux pour les compagnies, pour les douanes et pour la police; ainsi qu'une belle salle d'attente agrémentée des magasins réservés aux premières classes, d'un hall à bagages: et, enfin, trois nouvelles voies ferrées. Cherbourg connaît alors un essor sans précédent qui la voit passer entre 1870 et 1914 du 9e au 3e rang des ports français, derrière Marseille et Le Havre. La gare est une incroyable ruche où, en une journée, transitent jusqu'à 1500 passagers et 600 000 sacs postaux!


 
 

Gare transatlantique et transbordeurs 1912

 
     
 

Gare transatlantique et transbordeurs 1912

 
     
 

 

  Concrètement, comment se déroulait une escale? 

 

    Lorsque le paquebot se présente dans la rade, il est attendu par un transbordeur qui effectue la navette jusqu'au quai. Avant la Première Guerre mondiale, les passagers ne débarquent pas directement mais doivent transiter par ces bateaux, plus petits, propriété des différentes compagnies maritimes. Cherbourg en a compté jusqu'à onze! Parfois, selon le nombre de voyageurs, il y en a deux: l'un pour les premières classes; l'autre pour les deuxièmes et troisièmes classes ainsi que pour les marchandises. Chaque rotation se fait le plus vite possible: une escale devait durer moins de deux heures. La plus emblématique, à la Belle Epoque, fut celle du Titanic, le 10 avril 1912, quatre jours avant son naufrage, où embarquent 274 passagers supplémentaires. Certains sont partis le matin même, à 9h40, depuis la gare Saint-Lazare par le train express. A 15h30, ils sont à Cherbourg; à 17 heures, ils embarquent sur le transbordeur et, à 18h30, ils se retrouvent à bord du Titanic, qui a pris du retard à Southampton. Et, à 20h10, le géant des mers quitte la rade en direction de l'Irlande et de son tragique destin

 

 
     
 

Transbordeur "Satellite"

 
     
 

Transatlantique "Muniétania"

 
     
 

Transatlantique "Le George Washington"

 
     
 

Transatlantique "Ariauza"

 
     
 

Transatlantique "Léviation"

 
         
   

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  CHERBOURG ESCALE TRANSATLANTIQUE 2
         
 

Transatlantique "Lusitania"

 
     
 

  En dehors de cet épisode historique, qui sont les voyageurs transatlantiques?

  Les Cherbourgeois profitent-ils de leur passage?

  

    A l'époque, il y a peu d'émigrants et peu de touristes, si bien que l'essentiel de la clientèle se compose d'hommes d'affaires. Le bateau reste le seul moyen de se rendre de l'autre côté de l'Atlantique. Pour cette raison, la gare maritime est assez luxueuse, avec sa salle des pas perdus et ses beaux magasins. En général, ces riches passagers ne séjournent pas à Cherbourg, mais il arrive, parfois, que certains ratent leur correspondance. Heureusement, un hôtel de standing, celui du casino, tout près de la gare, se trouve à leur disposition. Mais c'est une des rares retombées économiques du trafic transatlantique dont la ville a bénéficié.

Citons tout de même le travail fourni aux dockers, aux agents d'accueil et aux navigants à bord des transbordeurs, qui sont issus de la population locale. Plus anecdotique, on peut noter aussi le ballet des gamins qui, après chaque départ, arpentent les quais à la recherche de pièces de monnaie. Mais pour eux, comme pour le reste des Cherbourgeois, les paquebots restent un songe qu'ils voient passer au loin. 

 

  La guerre marque-t-elle un coup d'arrêt aux liaisons transatlantiques? 

 

    Une poignée de lignes commerciales perdurent au début du conflit. Mais, très vite, dotés de redoutables sous-marins, les fameux U-Boot, les Allemands font des océans le théâtre de batailles sans merci. Ils torpillent tout ce qu'ils peuvent. Le trafic en direction de New York s'arrête en 1915: le RMS Lusitania, un paquebot britannique, est coulé le 7 mai. A son bord, 1198 personnes périssent en moins de... dix-huit minutes. Après ce coup d'arrêt, Cherbourg vit au ralenti, mais certaines industries ne connaissent pas d'interruption, notamment à l'arsenal, où bateaux et bombes sont assemblés durant les quatre années de guerre. La ville, elle, n'a pas été touchée, si bien qu'après l'armistice l'activité économique redémarre brusquement.

 
     
 
 
     
 
 
     
 

  Au point d'évoquer, dès 1919, l'idée d'un port en eau profonde. Pourquoi si rapidement? 

 

     Au lendemain de la guerre, le trafic transatlantique reprend de plus belle, avec une multiplication exponentielle du nombre d'escales et de passagers. Les besoins liés à la reconstruction du pays sont colossaux. Un premier projet, rapidement qualifié de "folie des Mielles" parce qu'il devait s'établir dans l'anse du même nom, est présenté à la chambre de commerce. L'un de ses instigateurs, Camille Théodore Quoniam, qui peut être considéré comme le père de la future gare maritime, prévoit de gagner 70 hectares sur la mer et de creuser une darse jusqu'à 14 mètres de profondeur entre deux quais de 620 mètres de longueur! L'idée semble folle, mais elle vise à doter la ville d'un bassin en eau profonde afin de permettre aux paquebots d'accoster. Dans un premier temps, les autorités politiques, faute de moyens financiers, vont reculer face à l'ampleur du projet. Mais le retour rapide à Cherbourg des plus grandes compagnies américaines et britanniques - la Cunard Line et la United States Line - puis allemandes, les fera changer d'avis. D'autant que, après le trafic postal, les liaisons transatlantiques voient exploser un autre marché: l'émigration vers les Etats-Unis.

 
     
 

    La construction herculéenne de la darse va durer douze ans et il faut attendre 1928 pour que soit décidée la création de l'actuelle gare maritime. Là encore, le chantier est démesuré: 12 000 mètres carrés au sol pour un bâtiment de 280 mètres de longueur et 42 de largeur, surmonté d'un campanile culminant à 70 mètres de hauteur. A ses pieds, le quai de France va devenir l'un des plus modernes au monde, doté de neuf portiques mobiles avec des passerelles à paliers variables qui permettront de débarquer les passagers directement dans la gare. Celle-ci, achevée en 1933, se compose d'une partie centrale réservée aux bureaux des compagnies, puis de deux ailes, l'une pour accueillir les passagers, l'autre pour les bagages et pour la douane. A côté se trouve le hall ferroviaire, tout aussi monumental, capable de recevoir simultanément quatre trains. L'ensemble est inauguré par le président Albert Lebrun le 30 juillet 1933 lors de festivités nationales.

 

  N'est-il pas trop tard? 

 

    Sans doute, mais la chute du trafic, brutale, était difficile à anticiper. 1929 est l'année de tous les records pour Cherbourg, avec 985 escales et 300 000 passagers. Rien que le 30 mai, on compte pas moins de huit paquebots dans la rade, dont le célèbre Majesticde la White Star Line. Mais la même année, les Etats-Unis sont frappés par la crise et le flux des émigrants se tarit. Par la suite, la nature même du trafic va évoluer. Après les sacs postaux et les émigrants, un nouveau type de croisière se développe, réservé aux touristes. Un marché qui va encore se développer après la Seconde Guerre mondiale, notamment avec une clientèle d'anciens GI qui reviennent sur les champs de bataille français pour les faire visiter à leurs familles. C'est l'époque des fameux Queen Mary et Queen Elizabeth, qui voyagent à plein. Plus tard, la concurrence de l'aviation sera trop forte. Peu à peu, la lignée des paquebots va s'éteindre, laissant aux Cherbourgeois une indéfectible nostalgie de l'aventure transatlantique.

 
     
 
 
     
 

Gare Maritime de 1933 Façade Sud

 
     
 

Galerie de photos de levaletfrancois Façade Nord 2012