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Cherbourg quai de l'Entrepot CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926
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Les Ateliers J. Hamel, à Cherbourg, sont situés Quai de l'Entrepôt pour la grosse forge, la moyenne chaudronnerie, l'usinage des pièces de mécanique moyennes et pour les travaux d'électricité ; rue Vintras, pour la grosse chaudronnerie, l'usinage des grosses pièces de mécanique, la fonderie et les travaux de bois. Les bureaux sont également situés rue Vintras. Ces ateliers, complètement spécialisés dans la réparation de navires, et qui peuvent actuellement compter parmi les grands chantiers de réparations, ont ceci de particulier, c'est qu'ils ont été installés petit à petit par le propriétaire actuel, M. Joseph Hamel, qui a débuté en 1876 comme apprenti forgeron, chez son oncle, lequel dirigeait un petit atelier de forge de marine, où l'outillage était des plus réduits, et où le personnel était composé de trois ouvriers, dont le patron, et de trois apprentis.
Après son service militaire, très court d'ailleurs, puisqu'il fut libéré comme soutien de famille au bout de trois mois, Joseph Hamel prit la direction de la petite forge, pour le compte de sa tante, son oncle étant décédé dans l'intervalle.
En 1893, il achetait le petit atelier de sa tante, et, depuis ce moment, il commença tout doucement, bien doucement même, pour débuter, faute de fonds, à donner de l'extension à son affaire. De cette époque datent les premières petites réparations de navires, petites en les considérant à l'époque actuelle, bien grosses à ce moment-là et bien difficiles, avec le peu d'outillage dont il disposait : quelques enclumes, un gros soufflet à main, quelques marteaux à devant, un forage à main. Malgré tout, travaillant avec acharnement, jour et nuit, le jeune patron s'en tirait toujours à son honneur, et, le travail affluant, il put, en 1898, adjoindre à son atelier de forge un embryon d'atelier de mécanique, où il installa deux perceuses, un tour parallèle, une petite raboteuse, le tout actionné par une petite machine à vapeur. En même temps, il dotait son atelier de forge d'un petit marteau-pilon à vapeur de 150 kilos.
Depuis cette époque, l'Atelier se spécialise dans les réparations de navires et en fait déjà de très importantes, parmi lesquelles peuvent être citées celles des transbordeurs Ariadne et Lloyd, nouvellement arrivés à Cherbourg, celle de la drague des Ponts et Chaussées, celles des vapeurs Wolloomoolou et Emerald. En fin de l'année 1898, la très importante réparation du vapeur Balesteros, plus tard les réparations du grand cargo allemand India et des croiseurs russes Pollawa, Wariag, etc.
Après l'Exposition de 1900, le jeune constructeur, s'inspirant des progrès dont il a pu se rendre compte, en visitant cette exposition, augmente de nouveau son outillage en ce qui concerne l'Atelier de mécanique et crée un Atelier de chaudronnerie, dont le besoin urgent se fait sentir, étant donné le nombre toujours croissant de navires qui viennent maintenant se faire réparer chez lui. Un nouveau marteau-pilon, beaucoup plus fort que le premier, est monté, et, depuis lors, l'augmentation de l'outillage et l'importance des ateliers ne cesse de s'accroître ; si bien qu'en 1906, il devient nécessaire pour M. Hamel de créer un atelier de fonderie, qui sera l'amorce des importantes installations actuelles de la rue Vintras, et qui, dès sa mise en route, est surchargé de travail et prend une grande importance, ce qui permet au constructeur de prendre en 1907 le travail de remplacement du cylindre admetteur du vapeur Augusta dans un délai plus de moitié moindre que celui de ses concurrents. Ce délai de trente jours est respecté, et le travail admirablement réussi, à la grande satisfaction des armateurs, qui adressent à M. Hamel leurs plus vives félicitations.
De cette époque jusqu'à la veille de la guerre en 1914, l'importance et le renom des Ateliers J. Hamel ne cessent de s'accroître, les travaux affluent de plus en plus. A la déclaration de guerre, l'usine doit fermer ses portes, faute de personnel, pour ne reprendre que quelques mois plus tard avec un personnel réduit, jusqu'en 1916, époque à laquelle la Marine marchande, prenant une grande importance, les navires commencent à affluer pour se faire réparer. Les Ateliers J. Hamel réparent plus de cent navires pendant chacune des années 1916, 1917 et 1918, réparations comprenant les travaux les plus divers et des plus importants, au point de vue coques, machines et chaudières.
En 1919, l'activité des Ateliers s'accroît encore, puisque 130 navires de tous tonnages, beaucoup entre 8.000 et 10.000 tonnes, sont remis en état dans le courant de cette année.
Dès ce moment, la place faisant défaut, il est de toute nécessité pour M. Hamel de construire de nouveaux ateliers complètement modernes sur le quai de l'Entrepôt et de s'agrandir également rue Vintras.
En 1921, malgré les nombreux travaux en cours, les nouveaux ateliers du quai sont commencés et terminés en 1922 sans que ces travaux aient été arrêtés une seule journée.
La petite forge de marine est, à ce moment, devenue un grand chantier de réparations de navires, doté d'un outillage tout à fait moderne, tant dans les ateliers que pour l'outillage volant. M. Hamel a su, d'ailleurs, depuis le début de sa carrière, former et conserver un fort noyau d'ouvriers et de contremaîtres qui, à cette époque, sont spécialisés et entraînés d'une façon parfaite ; la maison est maintenant en mesure d'effectuer toutes réparations, quelles qu'elles soient, sur des navires de tous tonnages, aidée en cela d'ailleurs par le fait que l'arsenal a mis depuis la guerre ses cales sèches à la disposition de l'industrie. Le port de réparations de Cherbourg se trouve donc doté de dix cales sèches de toutes dimensions, permettant d'entrer des navires, depuis les plus petits jusqu'aux plus grands paquebots ; en outre, étant donné le nombre de ses cales sèches, il en a toujours de disponibles à tout moment de l'année, ce qui permet aux navires d'entrer en forme dès leur arrivée sur rade de Cherbourg.
Pour les réparations à flot, elles peuvent être faites dans le Bassin de Commerce pour les navires ayant une largeur inférieure à 16 mètres ; une partie des ateliers étant située sur le quai de l'Entrepôt, les navires peuvent donc accoster juste en face ou à proximité ; d'autre part, des prises de courant (lumière, force motrice et soudure électrique) et d'air comprimé, appartenant à la maison sont disposées sur les quais, toutes facilités sont donc à portée pour exécuter les travaux dans de parfaites conditions de vitesse et d'exécution. Pour ne citer qu'un exemple entre mille, ces dispositions ont permis aux Ateliers J. Hamel, en 1921, de faire en même temps la remise en état complète à quai, dans le Bassin du Commerce, ceci dans un délai de deux mois, des trois grands cargos de 8.000 tonnes : Baymano, Baycoss et Bayhowel.
Pour les navires de plus fort tonnage et de plus grandes dimensions, les Ateliers J. Hamel peuvent les réparer à flot à la jetée du Homet, où la maison possède, également, des prises de courant permettant l'exécution de tous travaux, par les procédés les plus modernes et les plus rapides ; telle, par exemple, la réparation du cargo américain Commercial-Trader, qui, partant de Rotterdam pour Buenos-Aires, chargé, fut obligé, une fissure très grave s'étant déclarée dans l'un de ses foyers, de relâcher à Cherbourg ; accosté à la jetée du Homet, le dimanche à midi, il repartait le lundi après exécution d'une importante soudure électrique et essais satisfaisants de la chaudière avariée.
En 1923, M. Hamel adjoint à ses ateliers existant rue Vintras un grand atelier de scierie, charpentage, menuiserie ; déjà également, depuis quelques années, les ateliers étaient en mesure de faire toutes installations électriques à bord des navires, ainsi que tous travaux de piquage de coques et de chaudières et tous travaux de peinture, ceci avec les procédés les plus modernes à l'air comprimé.
Un nouvel atelier est installé également rue Vintras à ce moment pour l'usinage des plus grosses pièces mécaniques et pour la grosse chaudronnerie, atelier rendu indispensable du fait que, maintenant, ce sont de grands navires de 10.000 à 15.000 tonnes qui sont réparés couramment par les Ateliers J. Hamel.
Le travail le plus remarquable pour cette année 1923 est celui exécuté pour la Société des Armateurs Français, qui confièrent aux Ateliers J. Hamel, qui avaient d'ailleurs déjà exécuté des travaux très importants pour cette Société, la remise en état du cargo Franqueville. Remise en état qui était plutôt une reconstruction partielle, puisque tous les petits fonds, l'étambot, le gouvernail et une hélice de ce navire étaient à remplacer, à la suite d'un échouement. Ce travail, rapidement mené, fut terminé en soixante-six jours, après essais plus que satisfaisants.
La maison est d'ailleurs connue maintenant non seulement en France, mais aussi à l'étranger ; elle est consultée dès 1923 par plusieurs grandes Compagnies anglaises.
En 1924, la marine de guerre polonaise lui confie la transformation de son transport de guerre Warta et la remise en état de son navire-école Llow. M. Hamel a déjà commencé, depuis quelques jours, ces importants travaux, quand la Cunard Line lui demande de faire la remise en état générale (visite de quinze ans) de son paquebot Mauretania et envoie presque immédiatement le navire à Cherbourg. Il en repart cinq semaines plus tard, entièrement remis à neuf, après avoir fait des essais des mieux réussis, puisque, après cette remise en état, le Mauretania bat son propre record de vitesse, alors qu'il détenait déjà le record du monde. Ceci n'arrête pas d'ailleurs les travaux sur les navires polonais, qui sont également terminés dans les délais assignés, quelques jours après le Mauretania. Après ce brillant succès, les grands navires, français et étrangers, viennent de plus en plus se faire réparer à Cherbourg par les Ateliers J. Hamel, qui peuvent maintenant donner comme références les noms de toutes les grandes Compagnies françaises et de beaucoup de Compagnies étrangères, ainsi que les marines de guerre française, américaine et polonaise.
Parmi les nombreux navires réparés dans ces dernières années, quelques-uns peuvent être cités :
Pour la Société Anonyme de Navigation Les Armateurs Français : Bolbec, Capitaine-Bonelli, Colmar, Franqueville, Honeck, Quillebeuf, Ribeauvillé, Saverne, Turckheim, Harfleur, Lillebonne, Neufchatel, Saint-Aubin, Capitaine-Lemasne. Pour la Compagnie des Messageries Maritimes : El-Kantara, Ville-de-Verdun. Pour la Compagnie Les Chargeurs Réunis : Amiral-Nielly, Bougainville, Fort-de-Vaux, Malte. Pour la Compagnie Générale Transatlantique : Vauclin. Pour la Compagnie Auxiliaire de Navigation : Omphale, Ophélie, Mérope, Nausicaa, Briséis, Annick. Pour la Compagnie Mixte de Navigation : Motrix, Radioleine, C. I. P. Pour la Société Navale de l'Ouest : Saint-Barthélemy, Saint-Basile, Saint-Cyrille, Saint-Didier, Saint-Firmin, Saint-Michel, Saint-Pierre, Saint-Prosper, Saint-Vincent, Saint-Ambroise. Pour l'Association Pétrolière : Saint-Boniface. Pour les Affréteurs Français : Mars, Brumaire. Pour la Compagnie des Transports Maritimes et Fluviaux : Charlotte, Gharb, Marquise-de-Lubersac. Pour la Compagnie Nationale de Navigation : Germinal, Francillon. Pour MM. Corblet et Cie : Georgette. Pour l'Administration des Postes et Télégraphes : Charente. Pour la marine militaire française : Torpilleurs : Vesco, etc., etc. Remorqueurs : Elan, Ramier. Pour la Compagnie Française d'Armement et d'Importation : Pisco. Pour MM. Worms et Cie : Sephora-Worms. Pour l'Aberdeen Star Line : Demosthene, Themistocles, Sophocle, Euripides. Pour la Compagnie Cunard Line : Mauretania, Alsatia, Lotharingia. Pour la White Star Line : Nomadic, Traffic. Pour la Compagnie Royal Mail : Seine, Save, Atlanta. Pour des Compagnies italiennes : Robinia, Armonia, Ansaldo-III. Pour des Compagnies grecques : Agia-Marina. Pour la marine militaire polonaise : Warta, Wilja. Pour la marine militaire américaine : Croiseur Pittsburgh, torpilleur d'escadre Osburn.
Tous ces navires ayant les réparations ou transformations les plus diverses à faire comme coque, machines, chaudières, électricité, aménagements, et beaucoup de travaux divers de peinture et de piquage.
L'année 1926, qui marque pour M. Hamel son cinquantenaire d'entrée dans cette industrie, ne paraît pas devoir rester en retard sur les autres années pour les travaux qu'elle apporte aux Ateliers J. Hamel, puisque, n'étant pas encore à la moitié de l'année, le nombre des réparations importantes effectuées dépasse déjà celui des autres années à cette même époque.
L'un des derniers travaux exécutés par cette maison est celui de la remise en état du cargo grec Agia-Marina. Ce grand navire de 10.000 tonnes ayant été abordé par le travers de sa cale avant, par temps de brume et en pleine Manche, dut relâcher à Cherbourg avec une voie d'eau, que les Ateliers Hamel bouchèrent provisoirement pendant le déchargement. Sitôt ce déchargement terminé, les experts purent constater que le navire portait un énorme renfoncement sur toute sa hauteur et sur une largeur de dix mètres, et que les trois ponts présentaient des soulèvements de plus de quarante centimètres. Etant donnée l'importance du travail, deux grands chantiers de Rotterdam, quatre grands chantiers anglais et les Ateliers J. Hamel furent appelés à soumissionner à Londres. Ce fut une nouvelle victoire pour les Ateliers Hamel, auxquels le travail fut confié. Les travaux, menés avec une grande activité, furent terminés dans le délai de dix-huit jours, essais terminés. M. Hamel reçut d'ailleurs pour ce travail les plus vives félicitations de l'inspecteur du Lloyd, de l'ingénieur de l'armement et de l'expert des assureurs, qui assistaient aux essais, tant pour le fini irréprochable du travail que pour l'activité avec laquelle il avait été mené.
Cette importante réparation empêcha d'ailleurs le personnel de fêter, à la date du 15 mai, l'anniversaire de l'entrée de M. Hamel comme apprenti forgeron chez son oncle. Cette fête intime dut être remise à plus tard. Mais le samedi 29 mai, le personnel, réuni au grand complet dans le hall central des ateliers du quai de l'Entrepôt, décoré pour la circonstance de drapeaux et de plantes vertes, manifesta toute sa sympathie et son admiration à celui qui, de simple apprenti forgeron, sut arriver par son travail acharné à créer de toutes pièces une maison connue maintenant de tout le monde maritime français et étranger. | ||||||||||||