CHERBOURG-OCTEVILLE
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De là, les murailles prenaient la direction de la place d'Armes ; entre cette place et le passage Digard, à peu de distance de cette dernière rue, on trouvait une grande tour nommée la Tour-Cornette. Sur la Place, en creusant pour poser l'obélisque, on a découvert les fondements de la Tour-Carrée, qui a donné son nom à une des rues voisines ; entre ces deux forteresses, le mur était protégé par deux autres tours plus petites, dont le nom est inconnu.

 

A l'angle de la même place, au bord de la mer s'élevait la Tour-Gouberville. L'officier dont elle portait le nom était de Néhou ; il se distingua dans les guerres de religion sous les ordres de De la Chaux,gouverneur de Cherbourg, et mourut au siége de Théville en 1629.

 

En suivant le contour des murs, on trouvait encore deux autres tours sans nom avant d'arriver à celle qui est connue sous le nom de Vieille-Tour. C'est la plus importante pour nous, puisqu'elle subsiste encore. Nous nous y arrêterons un moment.

 

Les pieds baignés par la mer, elle lève sa tête crénelée, encore chargée de graminées et de giroflées jaunes, et forte de ses murailles restées intactes, elle s'enorgueillit de braver les efforts conjurés du temps et des vagues qui, depuis quatre siècles, viennent deux fois par jour saper ses fondements. C'est le plus vieux monument de notre ville.

 

Charles VIII, réveillé de son apathie par Jeanne d'Arc et Agnès Sorel, s'était enfin souvenu qu'il portait le nom de roi de France. Battus à Formigny, les Anglais s'étaient retirés à Cherbourg, où ils se fortifièrent. Le connétable de Richemont les y poursuivit ; le siège fut long et meurtrier : mais attaqués avec une espèce nouvelle de bombardes, les ennemis furent obligés de capituler le 12 août 1450, et par suite d'évacuer la Normandie.

     
       
     
 

 

Les fortifications de la ville avaient été endommagées pendant le siège. Jean du Bueil fit construire plusieurs nouvelles tours au bord de la mer ; l'une était petite et située près de la Tour-Gouberville. La seconde est celle qui nous occupe ; elle pouvait recevoir six ou huit canons.

 

Elle n'a jamais eu d'emploi comme forteresse, si ce n'est en 1758 qu'on imagina de faire aux Anglais, qui s'avançaient contre la ville, ce que Cambyse fit aux Egyptiens ; mais nos voisins furent moins scrupuleux que les adorateurs du bœuf Apis : un boulet enleva un doigt à une statue de la Trinité qu'on avait placée sur la plate-forme.

 

Le peuple en a fait le siège de terribles événements et long-temps elle a été un objet d'effroi. D'après les traditions, on y aurait étranglé un officier, parce qu'il avait manqué de respect à un gouverneur de Cherbourg ; des soldats y seraient morts de faim, et chaque nuit leurs fantômes, couverts de longs habits blancs, se promenaient sur le couronnement et rondaient autour de la tour. On s'avisa d'espionner les revenants ; c'étaient d'honnêtes industriels qui allaient voler des planches dans un enclos voisin.

 

La tour a long-temps servi de prison, et, certes, ce n'était pas une douce prison avec ses murs humides, sa petite barbacane grillée, qui, en été, laissait à peine arriver un rayon de soleil, et en hiver donnait passage aux vents, à la neige, à la pluie. Le malheureux était obligé de se coucher sur du sable malpropre, qu'il ne devait qu'à la compassion du geolier : trop heureux encore quand les rats pouvaient l'y laisser dormir en paix ! On n'y mettait d'abord que des criminels ; on finit par en faire un violon pour les tapageurs nocturnes. Depuis la construction de la prison de la place de la Divette, elle n'est plus d'aucun usage.

 

En quittant cette forteresse, la muraille passait derrière le choeur de l'église, dans le jardin du presbytère, où il en reste un pan qui sert de terrasse, et s'avançait jusque dans l'avant-port du commerce.

 

Une brèche considérable ayant été faite en cet endroit pendant le siége de 1450, on y construisit une grosse tour à trois batteries, qui fut appelée Tour-des-Sarrasins, nom qu'elle a laissé à la place voisine ; on pouvait y mettre dix-sept pièces de canon ; elle a servi de magasin à poudre jusqu'en 1778, époque où elle fut abattue. Les armes de France étaient sculptées sur la clef de voûte.

 

Entre ces deux tours, à peu près sur la ligne de la Grande-Rue, s'ouvrait une porte de secours.

 

Une autre forteresse placée auprès du pont-tournant actuel défendait l'entrée du port. Il y avait auprès un pont de sept ouhuit arcades.

 

A partir de cet endroit la muraille faisait un angle pour aller rejoindre le bastion du Moulin, situé près du moulin dont nous avons parlé (entre les rues Quai-du-Bassin et de la Divette) et de là, la porte Notre-Dame.

 

Outre les communications extérieures entre ces différentes fortifications, il y en avait de secrètes. Sous la place d'Armes, en face de la mairie, on a trouvé, à six mètres de profondeur, les ruines d'un souterrain. Il a trois branches ; l'une s'avance vers l'emplacement de la Tour Cornette, l'autre vers la Tour Gouberville, et la troisième, qui suit la direction de la rue de l'Hôpital, faisait sans doute communiquer la Tour-Carrée à la Tour des Sarrasins. On a aussi trouvé les débris d'un autre souterrain sous la rue des Portes.

 

Les maisons des habitants de Cherbourg n'occupaient que l'espace compris entre le mur à l'ouest, et la rue des Portes et des Fossés à l'est ; aussi n'y avait-il qu'un petit nombre des rues qui existent aujourd'hui. On trouve citées : la place de l'Eglise, les trois petites rues parallèles, d'Espagne, des Soeurs et du Nord, qui joignent la rue de l'Hôpital ; une partie de cette dernière rue ne cessa même d'être un faubourg que vers l'an 1300, lorsque, pour la première fois, Cherbourg fut entouré de murailles. Sur la place de la Révolution qui portait alors le nom de la Trinité, étaient la Juridiction et les Halles. La Grande-Rue avec ses arcades, paraît être une des plus anciennes. Il en est de même de la rue au Fourdrey, qui existait dès 1317, ainsi que le prouve un contrat dans lequel on la désigne par Vicus in quo moratur Robertus Le Fourdrey [15]. Vers ce même temps, se trouvent aussi nommés le boël Mesnil ou Meslin, le boël Goueslain, la rue du Nouët ou au Blé, la chasse Digard, la rue Onfroy ou de la Vase, et la rue des Fossés, dont les maisons donnaient d'un côté sur les fossés du château.

L'édifice le plus important du vieux Cherbourg, était le château dans lequel se retiraient les bourgeois aux approches de l'ennemi, et que Froissart appelle l'un des plus forts du monde.

 

Son origine se perd dans la nuit du passé. On en a long-temps attribué la fondation à César, quoique la présence de César sur notre territoire soit un fait très-douteux. Au reste, il l'eût tout au plus restauré. Des antiquités qu'on y a trouvées lors de sa démolition prouvent qu'il existait bien avant cette époque. Ce sont des médailles d'or, dont une face représente un visage d'homme et l'autre un cheval. Montfaucon les regarde comme antérieures de deux ou trois siècles à la naissance de Jésus-Christ. Sous l'empire romain il reçut probablement garnison, car on y a aussi trouvé un grand nombre de pièces de monnaie à l'effigie de Jules César, de Tibère, de Néron, de Nerva et de quelques autres empereurs [16].

 

Il occupait tout l'espace compris entre les rues des Fossés, des Portes, Quai-du-Bassin et les murailles de la ville du côté du Port. Il formait un quadrilataire irrégulier, dont la plus grande diagonale était est et ouest : 85t sur 75, y compris les fossés.

 
         
 

Rue Tour Carre vers 1910

 
         
   
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Il avait une entrée à pont-levis auprès de la petite place formée par la rencontre des rues de la Vase, des Portes, des Fossés et du Château ; le fossé avait en cet endroit douze pieds de largeur. Le donjon, isolé du château par des fossés aussi, était au nord, sur l'emplacement des maisons qui forment le côté sud de la rue du Port ; il avait 23t sur 15. Quatre tours composaient cet édifice ; la plus haute était élevée de 120 pieds au-dessus du niveau de la mer ; le château en avait huit ; toutes de structure différente, et couronnées de mâchicoulis, avec parapets et chemins de ronde. Au devant du château on trouvait un beffroi ou tour d'observation, carrée et jointe à l'édifice par un ouvrage en maçonnerie.

 

Les rois français et anglais avaient travaillé tour à tour à le rendre imprenable. Pressé par le maréchal de Vauban, Louis XIV eut aussi un moment la volonté d'ajouter de nouvelles fortifications au château de Cherbourg, pendant que d'un autre côté on faisait agrandir le port ; mais ces travaux furent totalement abandonnés l'année suivante, et, en 1689, on détruisit nonseulement ce qu'on avait fait, mais la vieillesse moussue de ses douze tours ne put défendre le vieux protecteur de la presqu'île ; il fut aussi démoli. Aujourd'hui il n'en reste plus de traces que dans les plans de Vauban.

 

L'histoire de cet édifice se lie à celle des conquêtes des Normands, et il a souvent joué un rôle important dans le moyen âge ; c'est là que Haigrold, roi de Danemarck, chassé de son royaume, vint loger, en 945, avec le petit nombre des sujets qui lui étaient restés fidèles. Richard III, duc de Normandie, l'assigna pour douaire à sa femme Adèle, fille du roi de France, Robert ; Edouard le confesseur y demeura avant de partir, pour aller prendre possession du royaume d'Angleterre ; Guillaume-le-Roux y séjourna long-temps ; Guillaume-le-Conquérant y fut malade. Il fut aussi visité par Henry Ier qui, parti joyeusement des côtes françaises, arriva en deuil sur celles de Grande-Bretagne [17]. Le règne de Henri II d'Angleterre fut l'époque de sa splendeur ; ce prince l'habita fréquemment et y passa diverses solennités avec une cour nombreuse et brillante. D'autres hôtes couronnés, heureux ou fugitifs, l'occupèrent successivement. On compte parmi les plus illustres : Mathilde, fille de Henry Ier, chassée des états de son père [18] ; Richard Coeur-de-Lion, qui devait périr d'une manière si romanesque ; Saint-Louis (1278), qui devait aller mourir de la peste en Afrique. Charles-le-Mauvais, qui l'obtint en apanage, après avoir été prisonnier de Pierre-le-Cruel, alla aussi mourir tragiquement à Evreux, brûlé par l'esprit de vin, dont les médecins avaient fait imprégner ses draps ; Marguerite d'Anjou y passa au sortir de sa prison d'Angleterre ; François Ier au sortir de sa prison d'Espagne. Le château fut encore visité par Henry II, qui périt si tristement au milieu d'une fête ; et l'année même de sa démolition, le dernier des Stuarts, Jacques II, y réclamait aussi sa place de prince malheureux et fugitif.

 

Ceux-là y venaient du moins avec leur liberté ; que d'autres n'y vinrent que chargés de chaînes !

 

Parmi les prisonniers du château de Cherbourg, on compte : Robert de Bellesme, comte d'Alençon, si flétri par les chroniqueurs, qui le comparent à Néron et aux Furies [19] ; son arrestation eut une cause toute différente. Il était du nombre de ceux qui avaient conseillé à Robert II de redemander le trône à son frère Guillaume-le-Roux ; et plus tard, il commandait l'arrière-garde à la désastreuse bataille de Tinchebray. Désespérant, après cet échec, de faire triompher la cause de Robert, il voulut au moins sauver son fils Guillaume Clyton et tenta de l'enlever ; le projet fut éventé ; le comte reçut l'ordre de se présenter devant le roi d'Angleterre ; il refusa. Mais envoyé plus tard vers Henri par Louis-le-Gros, il fut arrêté au mépris du droit des gens et condamné comme coupable de félonie, pour n'avoir pas comparu après trois citations ; on lui donna pour prison le château de Cherbourg (1112) ; il en fut tiré l'année suivante, et conduit à Verham, en Angleterre, où il mourut.

 

Celui qui succéda à Robert, fut encore plus malheureux que lui, et surtout, il l'avait moins mérité ; je veux parler d'Arthur de Bretagne, pauvre enfant, que ni ses droits, ni sa beauté, ni sa grande jeunesse ne purent sauver de la fureur d'un oncle ambitieux. Etats, liberté, vie, Jean-Sans-Terre lui ravit tout ; et, après l'avoir retenu quelque temps prisonnier dans un cachot, il le précipita dans la mer du sommet d'un rocher (1202). Le ciel ne lui laissa même pas une sépulture, et l'on est divisé sur le lieu de sa mort, puisqu'on cite également la tour de Rouen et le château de Falaise.

 

La chronique de Saint-Brieux (Chronicon Briocense), écrite peu de temps après cette mort (1314), affirme que ce meurtre doit être placé à Cherbourg. Chantereyne, cité par l'abbé Demons [20], rapporte que de son temps, une bague appartenant à Arthur, fut trouvée dans le port du commerce Deux prisonniers, dont la détention à ce château est rapportée dans un journal manuscrit, écrit au seizième siècle, par Jean-de-la-Mer, d'Equeurdreville, [21], ont vivement excité la curiosité des antiquaires.

 

« En 1535, dit-il, une femme vint en la ville de Chierbourg, laquelle était du sang royal, et disait l'on que le roi en sa justice l'advoit condamnée à estre VI ans entiers dedans le château de Chierbourg.

 

En l'an 1541, la dame qui était en prison au château de Chierbourg, fut mise en liberté et hors, par le plaisir du roy. »

 

Chantereyne, à qui nous empruntons cette citation, prétend que c'était Jacqueline de la Trimouille, épouse d'Armand Gouffier, seigneur de Boisy, dont le nom se trouve d'ailleurs parmi ceux des soeurs de l'Assomption, et qui mourut en 1544 au château de Chinon où elle avait été transférée.

 

« En l'an dessus dit, 1541, vint en la ville de Chierbourg, un homme d'église qui fut emmené par les archers de la garde du corps du roy de France, et mis dedans le château en la tour, et disait l'on qu'il estait archevesque de Valence, avec plusieurs autres dignitez, oncle de l'empereur de Rome, et estait detenu à cause de l'ambassade de France, laquelle ne estait point revenue d'Espagne....., et l'avait, ledit empereur, retenu secrètement et ne savait-on pourquoi, car il n'était mention de guerre ; et à raison de ce, le roy de France fit retenir l'évesque de Valence, dont il est fait mention ici devant en ce présent livre, comme ledit évesque passait par le Daulphiné de France, et fut amené, lui quinzième de sa bande, à Chierbourg seulement, et estaient environ 200 chevaulx et asnes. Il fut pris de là et emmené à Chierbourg [22]. »

 

Le nom du prisonnier est connu ; mais les historiens sont partagés sur les causes de sa détention.

 

Pendant la trève qui avait suivi la guerre entre François 1.er et Charles-Quint, deux seigneurs, l'un Français et l'autre Espagnol, mais depuis long-temps au service de la France, envoyés à Venise et en Turquie, furent assassinés à l'instigation de l'empereur, par les ordres du marquis du Guast, gouverneur du Milanez. Beaucaire prétend que Georges d'Autriche était au nombre des meurtriers, et que telle fut la cause de son arrestation à Lyon. Quelques auteurs espagnols cherchent à le disculper, et prétendent que s'il eût été coupable de ce meurtre, le roi de France ne lui eût point fait dire par deux gentilshommes de sa cour, qu'il aurait désormais la permission de se promener dans la banlieue avec deux de ses gens, sans avoir aucun commerce avec les autres prisonniers du château, et qu'en payant 50,000 ducats pour sa rançon, il obtiendrait sa liberté. Mais les raisons qu'ils donnent pour expliquer son emprisonnement ne paraissent pas satisfaisantes ; c'est un problème que de plus savants que nous se chargeront d'éclaircir.

 
         
 

Le prisonnier partit pour l'Espagne, le 15 août 1542, et passa plus tard en Flandre, où il échangea son archevêché de Valence contre l'évêché et la principauté de Liège. C'est aussi dans ce château qu'on enferma Dutourps et ceux qui furent pris avec lui [23].

 

On ne creuse guère le sol occupé par l'ancien château, sans y trouver des débris de voûtes et de murailles. Il n'y a pas longtemps encore, qu'en jetant les fondements d'une maison de la rue Notre-Dame, on découvrit un cachot d'environ huit pieds carrés ; l'entrée était étroite, on y descendait par deux degrés. Il y avait dedans un squelette, couché sur le dos, les deux mains appuyées sur la poitrine avec des menottes. A côté se trouvaient un bout de chaîne et un boulet [24]. C'était une femme ! Epouse infidèle, elle avait peut-être ouvert trop facilement l'oreille aux doux propos d'amour, ou fille vertueuse, elle avait refusé de se soumettre à la brutalité d'un comte de Cherbourg, et, pour s'épargner un vivant reproche, on l'avait jetée là ; la trappe s'était refermée, et.... on l'avait oubliée !!!..

 

 

Henri II

 
         
 

NOTES

 

[13] Le Puits d'Enfer, entre les numéros 13 et 15 de la rue du Château.

[14] Cet espace compris sous le nom de Mielles a été vendu dans les années 1826 — 1828. Il n'a pas tardé à se couvrir de maisons et de jardins extrêmement fertiles. Les découvertes qu'on y a faites d'une ancienne chapelle de la Madeleine à quelque distance du rivage, d'un grand nombre de médailles, de figurines en terre cuite, d'un puits, des ruines d'une maison, ne permettent pas de douter que ce terrain n'ait été autrefois couvert accidentellement par la mer qui l'abandonne aujourd'hui pour se porter dans les baies de Sainte- Anne et de Bretteville. La maison était un rectangle de 9 mètres sur 7 ; les objets qu'on a trouvés aux environs étaient épars, et les médailles les plus rapprochées de nous, celles de Constantin, ce qui ferait penser que cette submersion eut lieu à la suite d'une tempête vers le commencement du 4e siècle, lorsque les Romains occupaient encore notre presqu'île. M. de Gerville prétend avoir reconnu dans cette plaine les restes d'une ville, Coriallum et de deux voies romaines, l'une d'Alauna (près de Valognes), à Coriallum, et l'autre de Cherbourg à Coutances. M. Asselin qui avait fait une notice sur l'habitation romaine dont nous venons de parler, a répondu qu'il n'y a jamais eu de voies romaines dans les Mielles et que Coriallum n'est autre chose que Cherbourg.

[15] Voyez les notes à la fin de l'ouvrage]

[16] Chantereyne, histoire manuscrite de Cherbourg

[17] Voyez plus loin, Phare de Barflenr

[18] Voyez plus loin, Chapelle du Voeu

[19] Il creva un jour les yeux de son filleul pour le punir d'une faute légère ; il faisait empaler les hommes et même les femmes dont il croyait avoir à se plaindre

[20] Histoire civile et religieuse de Cherbourg.

[21] Probablement celui dont l'épitaphe se trouve encore dans l'église de Cherbourg. [22] L'auteur du Journal se trompe un peu ; l'archevêque de Valence a été d'abord conduit à Granville, où il était resté quelque temps prisonnier sous la surveillance des évêques de Coutances.

[23] Voyez Jacques de Matignon, [5]

[24] L'abbé Demons.

 
         
   
         
   
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NOUVEAU GUIDE

DU VOYAGEUR A CHERBOURG.

Parties 1 Cherbourg et ses environs

Par Jean Fleury et Hippolyte Vallée

1839 Imprimerie Noblet Cherbourg

 

LE VIEUX CHERBOURG.

 

Si quelqu'un des preux chevaliers qui venaient autrefois caracoler et combattre devant Cherbourg, pouvait renaître subitement, si quelque nécromancien allait réveiller Dunois et le comte de S.t-Paul du champ où ils dorment depuis près de trois siècles auprès de S.t-Sauveur, et les conduisait au haut du Roule en leur disant : — Regardez ! Voilà la ville devant laquelle Duguesclin échoua avec ses braves c'était vers ce point qu'il faisait lancer d'ici ces grosses boules de granit, qui servent encore aujourd'hui de bornes dans les rues ; — ce serait en vain qu'ils chercheraient, les braves guerriers, ces fortes murailles qui résistaient à la bombe, ces grands fossés pleins d'eau qui entouraient la petite ville et se mêlaient à la mer, ce château qui n'a jamais été pris par force, ce grand donjon, ces tourelles d'où la châtelaine amoureuse lâchait la colombe qui devait porter à son ami les gages de sa tendresse, ces magnifiques demeures illustrées par le séjour des rois et des princes, par les

   
 

fêtes galantes de la cour de Henri II, et de la belle Eléonore ; au lieu de tout cela, ils trouveraient une ville basse et plate, étendue capricieusement dans la plaine des deux côtés d'un superbe port, sans autres bornes que la mer ; des champs cultivés là où il y avait des forêts, des routes creusées dans des gués impraticables. Depuis lors la Divette a changé de lit, la ville de position, la mer même s'est déplacée ; la moitié de l'ancien port est à sec ; l'avant-port du commerce est creusé sous les fondements des fortifications ; toute la partie occidentale a été conquise sur les eaux, et les portes de la ville d'autrefois sont presque au centre de la nouvelle cité. Du vieux château on ne retrouverait pas une pierre, pas une ruine, si ce n'est peut-être un vieux puits qu'on ne s'est pas encore avisé de combler [13] ; de ces fortes murailles de10 pieds d'épaisseur qui entouraient la ville, à peine un vieux pan enclavé dans les constructions de l'église, et qu'on ne reconnaît qu'à ses touffes d'aches et de giroflées jaunes ; de ces antiques fortifications, une vieille tour qui ne tardera peutêtre pas à disparaître.

 

Essayons, d'après les monuments du temps, de reconstruire Cherbourg tel qu'il était à ces époques reculées.

 
     
 

La ville n'avait pas alors la route de Paris avec ses jolies maisons et son rideau d'ormes qui se courbent sur la tête du voyageur. Le Roule descendait jusqu'à la rive droite de la Divette, et il n'y avait pour entrer dans Cherbourg que l'étroit chemin, appelé lesRuettes, qui domine la vallée. C'est par là, que François Ier, le roi magnifique et galant, passa quand il vint visiter nos aïeux ; et de là, son oeil ne put se reposer ni sur le canal encadré d'arbres verts, qui se mirent si bien dans ses eaux, ni sur le double bassin aux beaux quais, ni sur la partie de la ville, qui s'étend à droite de la rivière : toute cette plaine n'offrait qu'une aride étendue de sable, garnie de petites dunes à peine variées un peu pendant l'été par les tiges vigoureuses et piquantes du panicaut, les rameaux foncés du fenouil agités par les vents, et les fleurs assez peu brillantes du gallium verum et de l'ononide rampante [14]. A l'emplacement des deux bassins du commerce, de la place de la Divette, de la prison et des halles, s'étendait à mer haute, une grande masse d'eau salée qui, d'un côté venait au devant de la Divette jusqu'au pont du Roule, et de l'autre, bordait une chaussée sur laquelle ont été bâties depuis les maisons de la rue du Vieux-Quai, — battait de ses ondes les murs de la ville, qui suivaient une partie de la rue Quai-du- Bassin, — puis en se retirant faisait moudre un moulin à la place duquel on a construit le groupe de maisons qui forme le nord de la rue de la Divette, et laissait à sec les navires qui pouvaient ainsi se faire porter aussi loin qu'ils le voulaient dans ce havre profond pour opérer leur déchargement ou faire réparer leurs avaries. La chaussée qui commençait auprès du Cauchin conduisait le voyageur à l'entrée principale de la ville.

 

C'était la porte de Notre-Dame. Située vers le milieu de la rue des Portes d'aujourd'hui ; elle était surmontée de la statue et des armes de Cherbourg. Ces armes consistaient en « un écu d'azur, à une fasce d'argent, accompagnée de trois besans d'or, deux en chef, deux en pointe. Cet écu était appuyé sur une lance aussi d'or. »

 

Cherbourg avait encore une autre porte, ouverte bien postérieurement à la première, nommée la Porte-Neuve. Elle était comme la précédente composée d'une porte ouvrante et d'un pont-levis ; tout le reste de la ville était entouré de fossés larges et profonds.

 

A gauche de la porte Notre-Dame, le mur se dirigeait vers le sud-ouest et, dans l'espace compris aujourd'hui entre les rues du Faubourg et de la Fontaine, il faisait un angle vers la place de la Fontaine. La tour qui défendait cet angle tombait en ruines en 1543 ; Matignon, général de François I.er en Normandie, la fit remplacer par un bastion, auquel il donna le nom de S.t-François. Sept cents prisonniers furent employés à vider les fossés et à dresser les nouvelles batteries.

 

C'est sur l'emplacement actuel de la place de la Fontaine, que se trouvait la Porte-Neuve ; le fossé en cet endroit avait 120 pieds de largeur et 12 de profondeur ; la partie solide du pont était soutenue par six gros piliers ; le pont-levis avait 15 pieds de longueur.

 
     
   
 

Plan de la forteresse de Cherbourg par Jacques Gomboust, 1657.

 
         
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