Annuaire du département de la Manche, année 1867, Article de Mr Renault
Cerisy-la-Salle, Cetisiacum, Ceriseium. L'église n'offre pas un grand intérêt. Deux chapelles forment bas-côté pour une partie du chœur ; elles sont mises en communication avec lui par deux grandes arcades surbaissées qui existent de chaque côté, et que divise un pilier quadrilatère. Les fenêtres qui éclairent cette église sont en général insignifiantes. Deux cependant, dans le mur septentrional , peuvent dater du XIVeme siècle ; elles sont étroites et à ogive. On remarque dans les murs, à l'intérieur, deux crédences du XVIeme siècle. Le mur absidal est droit et percé d'une grande fenêtre ronde. L'église est précédée d'un joli porche du xv« siècle. Son arcade à ogive porte sur des colonnes dont les chapiteaux sont ornés de feuillages. Les arceaux de la voûte en pierres retombent sur de simples consoles : à leur point d'intersection on distingue un écusson chargé de trois étoiles 1 et 2. L'arc triomphal entre le chœur et la nef est du XIVeme siècle. Les chapiteaux des colonnes sont garnis de volutes mousseux ou un peu épanouis. On remarque le long d'une partie du chœur dans l'intérieur un reste de sablière qui repose sur des consoles en bois dont une offre encore une figure grimaçante. Je pense que l'ancienne voûte était soutenue par des poteaux ou piliers verticaux qui reposaient sur des entraits ou poutres transversales. Le maitre-autel, par une disposition particulière à cette église, est placé au milieu du chœur, usage antique suivant lequel on est convenu d'appeler autel à la romaine celui qui est ainsi établi : il est surmonté d'un baldaquin avec rideaux rouges. — Peut-on, dans la décoration d'un autel, faire preuve d'un aussi mauvais goût ?— M. le curé me promit de faire enlever ces prétendus ornements. — Comment se rencontre-t-il de pieux fidèles qui ne craignent pas de décorer un autel comme salon ou une chambre à coucher ? Ils ignorent donc que, pendant les huit premiers siècles de l'église, on pensa qu'aucun ornement ne devait être mis à côté et en présence de la sainte Eucharistie, et qu'on ne déposait sur l'autel que le livre des évangiles, renfermant la parole de Dieu même ? Lorsqu'on visite, comme sujet d'études archéologiques , un grand nombre d'églises rurales , on est surpris de voir aussi souvent des dépenses mal entendues, des décorations qui enlèvent aux églises les idées chrétiennes, les pensées religieuses qu'elles devraient inspirer. Ici ce sont des figures de saints, de martyrs, qu’on prendrait pour des athlètes païens ou des boxeurs anglais : la des images de saintes qui ne réveillent que des idées mondaines. Dans l'une, les décorations de l'autel ressemblent à celle & d'un théâtre : dans l'autre, ce sont de prétendue enjolivements qui peuvent convenir à un salon, mais jamais à un temple chrétien.— J'ai quelquefois trouvé dans' le clocher ou dans un coin de l'église, reléguées et couvertes de poussière , des statues d'un travail grossier, d'une pose raide , mais dont la vue me saisissait plutôt d'une impression religieuse que l'aspect de celles qui décoraient l'église et excitaient l'admiration du curé et des marguilliers. La tour de l'église de Cerisy est établie à l'extérieur, vers le nord. Elle est quadrilatère et se termine par une flèche couverte en ardoise. Sur une plaque en cuivre, placée dans le chœur, j'ai relevé l'inscription suivante : D. O. H. BfiO DORHIO ET COR HEUH TIGILÀT. ICI BBP08B LE CŒUR DE HAUT ET PUISSANT SEIOTfKUR lACQUBS RICHIEB, SEIGNEUR ET PATRON DK CÉRIST « ANNOTILLE, 8AUSSET ET AUTRES LIEUX, ABBÉ DE CHANGE, ET ÉVÉQUE ET SBIGNEUB DE LOMBEZ. ILLUSTRE PAR SA NAISSANCE, IL FUT ENCORE PLUS RBCOMlf AND AELE PAR SES TALENTS, ET SES YERTUS. IL CONVERTIT LES HÉRÉTIQUES PAR SON ZÉLÉ VRAIMENT APOSTOLIQUE, RAMENA LES PÉCHEURS PAR SES EXHORTATIONS ET SES EXEMPLES , FIT LE BONHEUR DE TOUT CB QUI L*ENVIRONNA. IL FUT LE PÈRE DE L'ORPHELIN ET LE PROTECTEUR BE LA YEUTB, L* ASILE ASSURÉ DES MALHEUREUX, L'OBJTET ET L* AMOUR DE SON TROUPEAU ET LE BIENFAITEUR DE SA TILLE QU*IL RENDIT COMMERÇANTE ET PRATICABLE EN ARRÊTANT LES INONDATIONS QUI LA DÉSOLAIENT. PLEIN DE MÉRITES ET DE BONNES OEUVRES IL MOURUT A M0NTPBLI.1BR D'OU SON CORPS FUT TRANSPORTÉ A LOMBEZ LE 15 JVILLET t771. TRÈS HAUTES «T TRÈS PUISSANTES DAMES MADAME DE CÉRIST, SA BELLE SOEUR ET MADEMOISELLE DE CÉRIST, SA NIÈCE AYANT RECOUVRÉ SON COEUR, ARROSANT DE LEURS LARMES CBS PRÉCIEUX RESTES L’ONT DÉPOSÉ DANS CE LIEU SACRÉ AUPRÈS DE CET AUTEL ÉRIGÉ PAR SES SOINS ET 0?IT ÉLEVÉ CB MONUMENT DE LBlUt PIÉTÉ ET DE LEUR BECONNAISSANCB A LA MÉMOIRE DE CET ILLUSTRE PRÉLAT. Au-dessus de cette inscription, on voit les armes du défunt qui portait de sinople à la bande d’argent, côtoyée de deux filets de même, au lion passant d'or en chef. L'écu qui est timbré d'une couronne de comte, est accompagné des insignes épiscopaux, la crosse, la mitre et le chapeau à double pendant garni de dix houppes. Dans le cimetière, sur une prière tumulaire on lit : HIG JACBT JOSBPHUS FBANCISCrS PLANCHON ADVOGATiri EX TABULABIUS JOOBXQDB PACia DBFDNGTUS i5 Sbris 1836 ANNO VITJE 78 OBA PBO BO. L’église de Cerisy est sous le vocable de saint Pierre. Elle dépendait de Tarchidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cenilly, et payait une décime de 60 livres. Le patronage était laïque, et le seigneur du lieu présentait à la cure. Dans le XIIIeme siècle, le curé n'avait que la troisième gerbe et l’autelage, ce qui lui valait 70 livres. Les deux autres gerbes appartenaient à Guillaume de Cerisy, écuyer et patron du lieu. . Il y avait au château de Cerisy une chapelle que Jacques Richier de Cerisy, évéque de Lombez, y avait érigée. |