TESSY-SUR-VIRE
  CC 47.12 DE SAINT-LÔ AGGLO
   
  LA CHOUANNERIE
         
 

Tessy-sur-Vire, CPA collection LPM 1900

 
     
 

La chouannerie dans le canton de Tessy

Monsieur Lacroix

Archiviste en Chef du département de la Manche

 

" Le Sud du département de la Manche a été, pendant la Révolution de 1789, le théâtre principal de la chouannerie normande. Il est cependant, dans l'arrondissement de Saint-Lô, une région où des troubles assez violents ont eu lieu ; c'est celle qui comprend les cantons de Torigny, Percy et Tessy ; elle est, en effet, en contact avec le bocage virois, pavs où de nombreuses bandes de chouans ont évolué. Le canton de Tessy est alors divisé en deux sections : la première groupe Tessy, Gouvets, Sainte-Marie-des-Monts, Saint-Vigor-des-Monts, Montbrav, Morigny et la seconde Fervaches, Saint-Romphaire, le Mesnil-Opac, Troisgot~, le Mesnil-Raoult, Moyon, Chevry, Beaucoudray. Les autres communes du canton : Domjean, Fourneaux, Beuvrigny, La Chapelle-Heuzebrocq et Saint-Louet-sur-Vire dépendaient de la troisième section de Torigni, dont le siège principal était Giéville. Le malaise est provoqué par les troubles religieux résultant de la cessation du culte et des vexations dont sont victimes les prêtres, tant réfractaires, que constitutionnels. Jacques Bisson curé de Fervaches (qui avait prêté serment à la Constitution) se rétracta en l'An II, lors du nouveau serment qu'on lui imposait " .

 

" À Tessy, les habitants manifestent ; dans l'Église devenue salle décadaire, les hommes relèvent les statues abattues, les jeunes filles les ornent de " bouquets " et raccommodent avec du papier peint la tête de Saint Pierre que les républicains ont décapité - on chante le " Magnificat " , pendant que des enfants joyeux d'imiter leurs parents relèvent les Croix des tombes du cimetière. Le Maire explique quelque temps après au District qu'il est impuissant à réprimer ces désordres, car les gardes nationaux refusent d'intervenir quand il s'agit de religion. "

 

" Des bandes de chouans, commandées par le Poitevin, Le Forestier de .Mobecq et le célèbre de la Mariouze pénètrent dans le pays où, désormais, de nombreux partisans sont acquis, Parties des alentours de Gavray et de Hambye, elles se portent le 17 juillet 1795 sur Percy. Les républicains, pris de panique, s'enfuient laissant piller et brûler les archives de la mairie ; le lendemain seulement, une colonne mobile envoyée de Saint-Lô, refoule les insurgés sur Pont-Farcy, mais, par suite d'une méprise, elle tire sur la garnison de cette localité et tue le chef de la Garde Nationale, A peine les troupes républicaines ont-elles quitté le pays que, dans la nuit du 25 au 26 juillet, les chouans envahissent Beslon, détruisant les archives et enlevant la caisse du tambour municipal. Heureusement, deux détachements de 50 hommes sont envoyés à Tessy et Percy ; ils débusquent les chouans à Carville, mais avant perdu leur trace, ils les laissent s'enfuir et saccager le bourg de Campeaux. On enferme à Torigni tous les nobles de la région qui sont suspects ; parmi eux : Le Poitevin, père du chef chouan, Le Forestier ; Le Chartier de la Varignière de Torigni, le baron de Montbray et les de Saint Fraguaire. Dans la même prison, mais à part, se trouve une colonie d'anglais, prisonniers et suspects qui seront surveillés spécialement pendant 4 ans. "

 

" On recense les habitants des cantons et défense leur est faite de circuler sans passeports ; on fouille les auberges, pour découvrir les émissaires des chouans. Les communes qui ont laissé s'effectuer des pillages et des meurtres sur leur territoire sont condamnées à de fortes amendes ; les gardes nationaux sont mis en état de réquisition permanente. "

 

" En juin 1795, quand Louis de Frotté organise sa première campagne à la tête des troupes royalistes, le pays entier se soulève à son appel ; les chouans que commande de La Mariouze pénètrent le 19 décembre à Gouvets, détruisant les archives et laissent au Curé constitutionnel qui les gardait un reçu pour se décharge. "

 

" Au printemps de 1796, Morigny et Saint-Vigor sont saccagés. Les chouans emmènent les jeunes gens pour les incorporer dans leurs troupes ; une bande ainsi formée de 60 hommes est commandée par un noble nommé des Closeries. L'épisode le plus important de l'année 1796 est le saccage de Tessv, le 9 février, par une troupe de 80 royalistes commandés par du Rozel. Avertis de leur arrivée, les officiers municipaux essayent d'organiser la résistance, mais à la vue des fusils, les malheureux gardes-nationaux qui n'ont que des piques prennent la fuite, sans combat ; aussitôt, le bourg est mis à sac ; les chouans se retirent ensuite à Saint-Vigor où, le lendemain, une colonne mobile leur livre combat ; quelques hommes sont blessés dont du Rozel lui-même ; celui-ci ramène les troupes à Montbrav où il fait enterrer solennellement, après une Messe en plein air, au pied de la Croix de la Lande, le corps d'un des leurs tué la veille. "

 

" À Tessy, la consternation est grande ; les bureaux de la municipalité sont devenus inhabitables et, par les fenêtres béantes, les archives s'envolent ; c'est une catastrophe. "

 

" Le Commissaire du Directoire exécutif se sachant recherché par les chouans S'enfuit à Saint-Lô, avec le maire et le juge de paix ; il est tellement terrorisé qu'il préfère démissionner que de retourner à Tessy ; il invoque, dans son rapport au District, la misère qui règne dans le pays depuis le passage des royalistes et des colonnes mobiles qui se ravitaillent sans payer ; il rappelle aussi l'exemple des municipalités voisines de Troisgots, Fervaches, Saint-Romphaire, Le Mesnil-Raoult et Gouvets qui ont décidé d'exercer de loin leurs fonctions jusqu'à l'arrivée des forces républicaines ; les insurgés recrutent surtout leurs troupes dans le Calvados et les communes limitrophes, notamment Morigny, Saint-Vigor-desMonts et Montbray. Pour les mâter, il faudrait, non des gardes nationaux, sans armes, mais des soldats de métier. "

 

" Voyant qu'il ne peut obtenir d'aide du District, le Commissaire de Tessy s'adresse directement au Général Hoche, le 8 avril 1796, lui donnant par lettre une idée assez exacte des combats qui se livrent dans le pays, lui explique la cause de l'insuccès des républicains et précise : " depuis qu'il n'y a plus de troupes en cantonnement à Tessy, Saint-Vigor et Percy, les chouans n'ont cessé de ravager ces contrées, de voler, piller, et massacrer les meilleurs patriotes ; leur parti s'est grossi de jour en jour ; ils forcent les personnes en état de marcher à prendre leur parti et à les suivre. " Pour toute réponse, Hoche le renvoie au Général Lemoine qui se décide au mois de mai à établir deux cantonnements à Percy et à Tessy. Cette mesure est opportune, car l'audace des chouans grandit. À Fervaches, une troupe des leurs pille les maisons et force l'ancien curé réfractaire, vieillard de 70 ans, à remettre une assez forte somme en assignats. Un épisode plus tragique et encore inconnu se déroule le 17 juin, à Gouvets, où les deux assermentés sont massacrés ; ils pillent aussi les archives communales. Par mesure de précaution, on établit quatre postes de surveillance, pour prévenir rapidement les officiers municipaux des délits commis sur le territoire du canton ; le principal, à Tessy, est composé d'un chef et de cinq éclaireurs recrutés dans la Garde-Nationale ; les trois autres postes sont à Villebaudon, au Chefresne et àBeslon ; les journaux sont soumis à une grande surveillance et le District, pour empêcher leur passage en Angleterre, interdit leur libre circulation, à l'exception de quelques feuilles traitant de " la Muse du jour " , de médecine populaire, d'éducation, d'économie et de chant. Deux prêtres réfractaires sont arrêtés à Saint-Amand et emprisonnés au Mont Saint-Michel. Le désarroi est à son comble et pour réagir contre cet état d'esprit, la municipalité de Tessy célèbre le 20 mars 1799, la fête de la Souveraineté du peuple ; les autorités constituées, fonctionnaires publics et autres, avec un détachement de la Garde Nationale sous les armes se sont rendus dans la salle décadaire où l'on a chanté différents hymnes et couplets patriotiques ; un vieillard présenta un manifeste aux autorités, en précisant que la souveraineté du peuple était inaliénable ; le reste de la journée se passa en divertissements. "

 

" Le retour de de Frotté et sa nouvelle campagne en septembre 1799 ne semble pas avoir ranimé la chouannerie dans la région ; on se contente d'organiser des perquisitions pour découvrir quelques-uns des vaincus du combat du 31 octobre à " la Fosse " en Carantilly. Une grande lassitude se manifeste alors, de part et d'autre. La soumission de de Frotté, en 1850 et sa mort tragique qui marquent l'heure tant attendue de la pacification générale permettent enfin au pays de se relever de ses ruines. " Ainsi s'explique l'auteur cité. plus haut et voici donc ce qui intéressait le canton Tessyais.

 

Il faut ajouter que de Frotté aspirait dit-on à devenir " le rov des genêts " et que du Rozel était originaire de la Colombe ; les chasseurs se iaisaient appeler " les chasseurs du Roy " . Au nombre de 600, de passage à Gavray, les chouans tuèrent un gendarme et le boulanger Loisel ; on ajoute aussi qu'il n'y avait pas eu de spectacle aussi pittoresque depuis le jour où Lafontaine-La Rigaudière passa par là, en 1639 avec ses " Va nus pieds " , la veille de la foire Saint-Luc. Les chouans séjournèrent plus ou moins longtemps à Percy, Montabot, Fourneaux, Pontfarcy et Saint-Martin-des-Besaces, puis, dans le château de la Haye-Bellefonds, après leur dur combat de Carantilly ; ensuite, ils allèrent dans les bois de Soulles et de Moyon, où des déserteurs furent arrêtés, de même qu'au Mesnil-Herman. D'après l'abbé Fautrin qui, en 1869, aurait écrit l'historique de Troisgots, la chouannerie ne se manifesta pas en cette commune ; il y eut fausse alerte. le tocsin sonna et ce fut tout.