LA CHAPELLE-EN-JUGER
  CC 43.03 SAINT-LÔ AGGLO
   
  HISTOIRE
         
 

Cimetiere militaire

 
   
 

Les historiens réclament que le nom de la commune s'écrive La Chapelle-Enjuger pour respecter le nom patronyme dont elle tire son nom : Engelger de Bohon, seigneur du 12e siècle. Engelger, en latin Engelgerus ou Ingelgerus, est un nom de personne germanique

 

 
 

Histoire

 

Les premiers habitants de La Chapelle-Enjuger s'installèrent sur les plateaux escarpés qui surplombent La Terrette, entre les villages de La Trourie et de La Métairie. C'est au moment où les Romains envahirent la Gaule qu'ils arrivèrent à La Chapelle, qui s'appelait alors « La Chapelle O'Gauhier », ce qui signifie « la chapelle en bois de noyer ». Puis au XIIe siècle, le seigneur Engelger de Bohon épousa Adelise, s'installa à La Chapelle, lui donna son nom pour devenir par la suite La Chapelle-Enjuger.


En 1670, Colbert encourage les savants à découvrir les richesses du sol du royaume. Un chimiste réputé de Rouen, Jean Charles de Marsigny, entreprend d'étudier les terrains de la généralité de Caen. Il examine à La Chapelle-Enjuger, au lieu-dit le Mesnildot, un gisement de cinabre, minerai d'où s'extrait le vif-argent ou mercure. Il en informe Colbert qui donne le 2 septembre 1670 instruction à l'intendant de la généralité de Caen, Guy Chamillart, de se rendre sur place, d'enquêter et de lui présenter ses conclusions. Il reçoit quinze jours plus tard une boîte de vif-argent et un morceau de cinabre qu'il fait distiller devant lui et qui donne les deux tiers de son poids en mercure. Le ministre consulte des savants qui examinent le mémoire de Chamillart et concluent à l'intérêt du gisement. Colbert ordonne que des travaux soient aussitôt menés pour connaître l'importance du filon et s'assurer « si cette recherche pourra être utile au service du roi ». François Gires, sieur de Launey, se présentant comme seigneur de ces terres, vient réclamer ses droits. Colbert hésite à se lancer dans un procès qui pourrait être long et préfère indemniser ledit sieur. Marsigny achète les terres. Par la suite, l'intendant voudra dépouiller ce dernier mais Colbert, toujours soucieux d'encourager les entrepreneurs, intervint pour que le chimiste resta maître de l'affaire. Le gisement, le seul de France à l'époque pour ce minerai, ne sera véritablement exploité que plus tard au XVIIIe siècle et pour une courte période, de 1730 à 1749

 
     
 

En juillet 1944, pendant la bataille de Normandie, la commune se trouva au centre du corridor de bombardement de l'opération Cobra. Depuis plusieurs semaines, les Alliés piétinaient face aux Allemands dans le bocage normand. Décidée pour le 20 juillet, puis repoussée de cinq jours pour cause de mauvais temps, le commandement allié décida de créer une brèche dans la ligne de front allemand au sud de la route Périers-Saint-Lô en appliquant la tactique du « tapis de bombes » (Carpet bombing). Le 25 juillet, à 9h40, 2 500 bombardiers lourds, moyens et de combats larguent 4 000 tonnes de bombes sur un étroit quadrilatère de moins de 10 km de long, pulvérisant la Panzer Lehr du général Fritz Bayerlein dont 70% de ses hommes seront tués, blessés ou fortement commotionnés et la plupart de ses chars détruits et rendant le paysage lunaire. Le village de la Chapelle-Enjuger est entièrement détruit. L'après-midi, les 9e et 30e divisions américaines attaquent la zone et se heurtent malgré tout à une forte résistance de groupes allemands isolés. Mais dès le lendemain, les troupes américaines percent le front allemand avec l'engagement par le général Collins de ses blindés entre Marigny et Saint-Gilles et les jours suivants les Américains s'engouffrent dans la brèche, libérant Coutances le 28 juillet et Avranches le 31 juillet.

 

Avant et après le bombardement du 25 juillet 1944

 
         
   
  LA CHAPELLE-EN-JUGER
  CC 43.03 SAINT-LÔ AGGLO
   
  EGLISE
         
 
 
 

 

L'église, détruite lors de l'Opération Cobra le 25 juillet 1944, fut reconstruite de 1957 à 1959. Seuls le porche et une partie de la tour à bâtière ont pu être conservés. Le 30 mars 2004, l'église de La Chapelle-en-Juger a reçu le label Patrimoine du XXe siècle en raison de ses qualités architecturales et décoratives.

 

Le culte de Saint-Célerin y est célébré depuis des temps immémoriaux (une statue très ancienne de Saint-Célerin fut brisée en 1562 par les protestants et remplacée par une autre en terre cuite, oeuvre d'un artisan du pays).

 

Philippe LAISNEY

Voyage Archéologique dans La Manche (Charles de Gerville –1828),

La percée Américaine à l’ouest de Saint-Lô (Joseph Toussaint-1950),

Le Roi Dagobert (Roger-René Dagobert-1988)

 

La construction primitive de l’église se situerait au XIIe siècle. La puissante famille des sires de Bohon qui possédait le fief de Groucy avec de vastes étendues au nord de Marigny y fit établir une chapelle pour la commodité de leurs tenants laquelle fut érigée en paroisse et donnée vers 1140 au prieuré de Saint Georges de Bohon par Enjuger de Bohon.

 

Cet Engelger ou Enjuger de Bohon qui laissa son nom à la nouvelle paroisse était un important personnage de l'entourage du duc de Normandie et vivait entre 1136 et 1172.

 

1142 : un parchemin atteste que Richard de Bohon, seigneur de La Chapelle Enjuger, consentit par un accord fait entre eux, que les seigneurs de Groucy et du Mesnildot jouiraient paisiblement des droits honorifiques de l’église et pourraient mettre chacun un banc dans le coeur où ils pourraient aussi faire apposer leurs armes.

1562 : une statue très ancienne de Saint-Célerin fut brisée par les protestants, et remplacée par une statue en terre cuite.

1714 : querelle entre les Lauberie et les Dagobert pour un droit de bancs (voir Brèves janvier 2008).

1819 : Charles de Gerville donne une description sommaire de l’édifice : « L’église est entièrement refaite surtout sur la côtière sud…la fenêtre derrière l’autel a deux meneaux fourchus mais simples…. la voûte du coeur a été détruite l’an dernier…. l’extérieur est nu et insignifiant…. le portail ouest est laseule chose qui date de la construction primitive (1200 ?)…. Le tombeau d’un

Mesnildot était au haut du coeur à gauche dans le mur. Il est maintenant derrière le lambris. Une autre pierre très grande vis-à-vis de l’autel couvrait le tombeau de Jeanne PAISNEL, femme d’un Mesnildot… »

1825 : réparation du lambris du coeur et du plafond de la nef.

1837 : construction de la sacristie côté nord du coeur.

1845 : Le Ministère de La Justice et des Cultes juge « l’église de La Chapelle  en assez bon état d’entretien, mais elle n’offre aucun intérêt sous le rapport de l’art, elle est suffisante pour la population et environ 800frs seront nécessaire à  la réparation de la tour… »

1864 : la cloche ayant survécu à La Révolution est refondue.

1866 : construction d’une chapelle à l’église au Nord.

1868 : le Conseil Municipal refuse d’en construire une semblable au Sud.

1875 : la Commune reçoit 5 000 Frs de l’Etat pour restaurer et agrandir son église. Les travaux finis, un Comité d’Inspecteurs des Travaux constate que la charpente ne semble pas offrir toutes les garanties désirables de solidité La chapelle située sous la tour est aménagée pour recevoir un vitrail, la statue  et des reliques de Saint-Célerin.

1877 : installation de deux nouvelles cloches baptisées Mathilde, Marie-Louise (1100kg) et Blanche, Pauline (525 kg).

1944 : le 25 juillet, 3 000 avions des Forces Alliées, la plus formidable armada aérienne que l’on ait jamais connue. Lâchent une grêle de bombes...... La Chapelle ne sera plus qu’un vaste champ de bataille de La Libération labouré de 20 000 trous de bombes, au milieu desquels, seul un vieux clocher mutilé mais toujours debout avait résisté pour veiller les morts. L’église n’avait plus de toit, le clocher était décapité, les murs ébranlés, le cimetière retourné, les débris obstruaient la nef et le coeur, les autels et statues disloquées, la sacristie effondrée.

1957 : le 14 juillet pose de la première pierre.

1959 : le 22 décembre inauguration.

2004 : label du patrimoine du XXe siècle.

 
         
 
 
 
  L’église avant et après le bombardement du 25 juillet 1944  
   
   
  LA CHAPELLE-EN-JUGER
  CC 43.03 SAINT-LÔ AGGLO
   
  LA RUEE VERS LE MERCURE
         
  Capitaine Germain Baudre,

Monographie de la mine de cinabre de La Chapelle-Enjuger, 1926.


René Toustain de Billy, un historien local, écrivit vers la fin du XVIIe siècle « qu’en la paroisse de La Chapelle Enjuger, sur le fief et au bout de l’avenue du Mesnildot (Le Mesnildot était un fief de chevalier, d’une centaine d’hectares, et son avenue reliait la maison du Mesnildot à l’église de La Chapelle-Enjuger), on a trouvé une mine qui est d’or, que des particuliers y ont travaillé et y ont découvert du cinabre et du vif-argent (mercure) ».

 
 
 

 

Le gisement de cinabre (sulfure de mercure de couleur rouge) aurait été découvert en 1663 tout à fait fortuitement. Des ouvriers chargés de creuser un abreuvoir dans un champ au hameau du Quédel (appelé depuis le XVIIIe siècle la Mine) retirérent leurs pioches comme « ensanglantées ». De là, ils abandonnèrent l'ouvrage, certainement effrayés. Cependant, ils recommencèrent la nuit suivante à l'insu du propriétaire du champ. Une lourde masse de marcassite (sulfure de couleur jaune aussi appelé "l'or des fous") fut extraite du sol. Persuadés d'avoir découvert un métal précieux, ils en portèrent à un apothicaire qui fit ramasser tout le cinabre et la marcassite. Ce dernier transforma le cinabre en vif-argent, qu'il s’empressa de vendre. Depuis, plusieurs tentatives furent faites pour exploiter le mercure de La Chapelle-Enjuger.

 

La première eut lieu probablement entre 1710 et 1715. Une dame dite « de Santerre » obtint la concession de cette mine et y fit travailler à tranchées ouvertes, dont la profondeur ne dépassait pas 10 mètres. À proximité dans unlaboratoire, on distillait le cinabre pour obtenir du mercure. Une grande quantité de ce minéral aurait été sortie, mais une partie fut volée, l’autre transportée à dos de mulet par « les chasses du Mesnildot » jusqu’au port de Carteret, d’où il était embarqué pour Jersey.

 

La deuxième tentative de 1731 à 1742 est assurément la plus significative, si l’on se réfère seulement à la durée de l’exploitation, au nombre de travailleurs et au nombre de puits ouverts.

 

En 1731, des notables parisiens de la Compagnie des mines de Normandie (CMN) obtinrent la concession de la mine du Mesnildot. Apparemment, 6 puits ont été ouverts durant cette période : les puits Sutter et Pauly (les plus anciens) de 70 à 75 m de profondeur, le puits de la Joye et de Launay de 20 m de profondeur, le puits de la Forge de 7 m et le puits des Marcassites de 15 m de profondeur. Certaines galeries s’étendaient de 80 à 100 m de long.

 

En 1741, et ce avant licenciement, l’importance du personnel était fixée avec exactitude à 81 employés. Il se répartissait comme suit : 1 directeur, 1 caissier, 3 sergents de mine, 3 caporaux de mine, 17 mineurs, 33 pompeurs, 12 moulineurs, 4 décombreurs, 2 charpentiers, 2 maréchaux, 1 garde-magasin, 1 fondeur et 1 garçon pour servir à la fonderie. Tous étaient du pays, hormis le fondeur qui était flamand. La machinerie était composée d’un manége à l’aide duquel on extrayait les eaux et le minerai, d’un bocard qui servait à briser le minerai et de plusieurs pompes. 18 chevaux étaient nécessaires au fonctionnement de ces machines. Les bâtiments de l’exploitation, contigus et voisins de ceux d’une ferme, comprenaient la maison dite de la mine, le manège, la forge, les fourneaux avec les locaux réservés aux ouvriers de la fonderie, le magasin à poudre, le magasin des matières, et une baraque pour chacun des puits. Les matières indispensables à l’exploitation étaient le bois (en 1741, pénurie de bois à 3 lieues à la ronde, soit environ 12 km), la poudre à canon (les besoins d’une année dépassaient les 1 500 kilos), le charbon de terre et des cornues de terre à potier (ces vases à col étroit et courbé pour la distillation provenaient de l’industrie locale qui fabriquait une poterie grise dont la consommation était considérable).

 

Durant cette période, 63 tonnes de minerai auraient été extraites des deux puits les plus productifs, le puits de la Joye et le puits des Marcassites. La mine du Mesnildot aurait produit 350 à 400 kilos de mercure, lequel « a été trouvé parfait et vendu au plus haut prix ». Les principales causes de la fin de l’exploitation furent le manque d’expérience des associés (défaut d’organisation, travaux inutiles, relâchement de la discipline et défaut de surveillance), les primitives cornues (très fragiles au feu et de petite contenance) et l’abondance de l’eau dans les puits et les galeries (notamment lors de la grande inondation de l’hiver 1740-1741 qui obligea la compagnie à suspendre le travail dans le puits de la Joye et renvoyer 37 ouvriers). Un mémoire de cette époque mentionne « tandis que les chefs étaient à s’amuser, les ouvriers étaient au cabaret ». Ils abandonnaient certainement l'exploitation faute de paiement.

 

De 1788 à 1963 différents travaux sporadiques, projets ou recherches se sont succédé sans succès :

 

· 1788-1791 : travaux de la Compagnie du Plessis avec déblaiement des anciens puits et fonçage du puits Bunel (situé à 200 m au sud du hameau de la mine) de 20 m de profondeur, abandonnés à cause de l’envahissement des eaux.

 

· 1829-1831 : projet Baber et Cie, des banquiers parisiens : demande de concession refusée.

 

· 1838-1839 : projet Sibille, Cazeaux et Lemaître, deux banquiers parisiens et un ancien contrôleur des Contributions directes de Saint-Lô: quelques recherches de surface.

 

· 1853-1864 : travaux de recherches de Mosselmann, concessionnaire des Canaux de la Manche demeurant à Agneaux, qui restèrent infructueux. De plus, les propriétaires du sol s’opposèrent à leur continuation.

 

· 1905-1905 : travaux de la Société d’études et de recherches de la Manche, déblaiement du puits de la Joye et dénoyage de galeries. Ces travaux ont permis de prouver l’existence d’un réseau de galeries pouvant atteindre 100 m de long et de retrouver les traces de cinq autres puits. Les travaux furent interrompus au bout de trois mois à cause d’inondations.

 

· 1941-1944 : travaux menés par le Service des mines de Rouen, qui consistaient à déblayer les deux puits les plus fructueux, les puits de la Joye et des Marcassites. Les travaux cessèrent suite à des venues d’eaux. C’est alors que, sous l’instigation des Allemands, on décida de creuser un puits latéral au puits de la Joye, dit puits des Allemands. Le courant électrique fut amené à pied d’œuvre, dans le but d’actionner des pompes puissantes et une entreprise de Paris aurait dû remettre les galeries à jour. Mais, étant donné la destination probable du mercure et grâce au patriotisme des ouvriers français, les travaux n’avançaient guère, si bien que la première galerie ne fut jamais atteinte. L’Opération Cobra stoppa définitivement ces travaux.

 

· 1962-1963 : travaux du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) , fonçage d’un puits, appelé puits BRGM, de 47,80 m de profondeur et différents sondages. Les résultats insuffisants et des affaissements de surface mirent un terme à ces travaux.

 

· 1969 : remblaiement du puits des Allemands.

 

· 1974 et 1996 : ruptures de dalle et remblaiements du puits BRGM. Aujourd’hui, les noms de lieux « village de La Mine » et « rue du Mercure » indiquent que La Chapelle-Enjuger a connu une activité industrielle d’une certaine importance. Et peut-être, comme l’affirmait Paul Bernardin de Beaugendre, maire de La Chapelle-Enjuger en 1826, que l’«on trouve encore de temps en temps du minerai en labourant les pièces qui avoisinent le gîte de la mine… » ?