QUETTETOT
  CC 40.10 COEUR DU COTENTIN  
   
  LES SEIGNEURS DE LA HOULETTE
 

 

Quettetot le bourg, CPA collection LPM 1900

 

Les seigneurs de la Houlette

Le Pays d’art et d’histoire du Clos du Cotentin

Julien Deshayes, 1998

 

La première mention recensée concernant le manoir de la Houlette à Quettetot figure dans le registre des fiefs de Philippe Auguste, rédigé vers 1210, peu après l'annexion de la Normandie au domaine royal. Le "feodum de Holeta" était alors tenu par Robert de Silly pour un tiers de fief chevalier mouvant de la baronnie de Bricquebec. S'il n'existe aucune certitude concernant l'origine de la famille de Silly, il paraît vraisemblable que son berceau se trouvait à Silly-en-Bessin, non loin de Bayeux, où Robert possédait à la même époque un plein fief de haubert tenu des Bertran sous leur baronnie de Roncheville. Robert de Silly possédait également des portions des fiefs du Mesnil et de Heullant, dont il rendait également hommage aux Bertran. Il figure parmi les témoins d'une charte jointe au cartulaire de la baronnie de Bricquebec, des environs de 1200-1210, concernant des terrains situés à Quettetot.

 

Le premier successeur connu de Robert de Silly est Pierre de Silly (Petrus de Sulleio), qui figure en 1259 comme donateur d’une rente sur le moulin de Longueville, situé à Saint-Germain-le-Gaillard, au profit de l’abbaye du Vœu. Vient ensuite Gautier Ier de Silly, vivant en 1289, qui serait mort en 1323. Le Pouillé de la cathédrale de Coutances, rédigé en 1332, indique que le droit de patronage de la chapelle manoriale de la Houlette revenait alors aux héritiers dudit Gautier de Silly.

 
     
 

En 1340 Guillaume de Silly, écuyer, "seigneur de la Holate", accompagne Robert Bertran aux guerres de Flandres et de Hainaut. En 1346 il effectue une transaction pour l'acquisition de deux pièces de terre situées à Quettetot. En 1350, il perd un procès intenté contre Guillaume Bertran au sujet de droits de coupe sur le bois voisin de la Grande-Haie. Le successeur de Guillaume est Gautier II de Silly, vivant en 1371. Il épousa Philipotte de Lanquetot, issue d'une famille établie au Vrétot, à Quettetot et dans les environs immédiats.

 

Cadastre de 1829 - Le manoir et ses dépendance

 

   

Elle apportait en douaire la vavassorie noble du Lanquetot, dont une partie des terres sera ensuite rattaché au domaine fieffé de la Houlette. Philipotte de Lanquetot est signalée veuve à l'occasion d'une enquête menée en 1399. De son union avec Gautier de Silly naquit Marguerite de Silly, qui épousa Pierre Hervieu, seigneur de Sénoville, et Pierre de Silly, qui portait en 1400 le titre de seigneur de la Houlette. Il possédait aussi la ferme de Brienchon, propriété ayant rang de vavassorie roturière, située non loin du manoir de la Houlette.

 

 

Manoir de la Houlette Photo Clos du Cotentin

 Il figure avec son frère Robert de Silly comme témoins d’un acte passé en date du 30 juin 1418 et décéda probablement peu après. Dans une « prisée » de la baronnie de Bricquebec rédigée en 1426, la Houlette est dite appartenir aux « hoirs Pierre de Silly ».

 

En mars 1432 Gautier III de Silly - le petit-fils ou le neveu de Robert ? - lui avait succédé. Il est alors cité pour avoir fieffé des terres lui appartenant près du manoir de Lanquetot, sur la paroisse du Vrétot. Il apparaît également en 1436 dans une procédure relative à une rente de 15 quartiers de froment, dont il était tenu de s'acquitter au nom de son père Guillaume "en son vivant écuyer et seigneur de la Houlette", au profit de Robert de Haville, époux de sa sœur Philipotte. Gautier de Silly avait lui-même épousé en 1437 Colette du Buret, veuve de Jean Meurdrac. Il figure dans divers autres aveux ou transactions datées entre 1438 et 1459 et semble être décédé avant 1460. Le 21 mai 1460, c'est en effet un dénommé Jean le Hervy, "écuyer seigneur de Préaux et de Sully, héritier de Richard de Sully en son vivant écuyer" qui rendait aveu pour le fief de la Houlette. Probablement agissait-il en tant que tuteur des enfants mineurs de Gautier III de Silly, et au nom d'un oncle ou d'un autre parent (?).

Il semble en tout cas que la succession de GautierIII avait été reprise à compter de 1462 par un nouveau successeur également prénommé Gautier IV, que l'on trouve mentionné dans de nombreuses occurrences à partir de cette date, et jusqu'en 1476.

 

Lui succéda ensuite Bertin de Silly, qui, par son mariage avec Marie de la Roche-Guyon, veuve de Michel d'Estouteville, baron de Bricquebec, allait entraîner un accroissement considérable des biens et de la notoriété de la famille. Cette union, nécessairement postérieure à la mort de Michel d'Estouteville, semble se situer aux environs de l'année 1479 et a fait l'objet d'assez nombreux commentaires, tant la différence de rang était importante entre la veuve du baron de Bricquebec et ce petit seigneur du Cotentin. Souhaitant de toutes ses forces s'y opposer, Guyon d'Estouteville, fils aîné du seigneur de Bricquebec, adressa en 1499 une requête au roi, se désolant du fait que ce mariage s'était fait "sans le conseil de ses parents et amys, mesme de ses deux fils et à leur grant desplaisance" Il y souligne aussi que Bertin de Silly n'était que le "serviteur de sa mère" et son "vassal gentilhomme". De fait, Marie de la Roche-Guyon disposa en faveur des enfants nés de ce second lit de la majeur partie des ses biens. Les descendants des seigneurs de la Houlette devinrent ainsi comtes, puis ducs de la Roche-Guyon, seigneurs d'Auneau, de Rochefort, de Lonray, d'Acquigny, ainsi que de biens d'autres fiefs. En Cotentin même, "noble et puissant seigneur" Bertin de Silly, comte de la Roche-Guyon, se déclarait encore, en 1509, seigneur de Pierreville et de Bunehou.

 

Compte tenu du conflit extrêmement tendu que ce mariage engendrera ensuite avec les Estouteville, on peut en revanche considérer que la Houlette - située dans l'orbite immédiate du château des puissants adversaires de Bertin de Silly - cessa dès lors de constituer le lieu de résidence des de Silly. En juillet 1494, probablement suite à la confiscation du fief, c'est Guyon d'Estouteville, seigneur de Bricquebec, qui s'en déclarait possesseur.

 

Par la suite, la Houlette fut provisoirement fieffée au dénommé Raoul de Brully, qui détint la seigneurie depuis au moins février 1559 jusqu'à octobre 1563. A compter d'avril 1558, toutes les archives consultées en attribuent la possession aux barons de Bricquebec. Dans un aveu de la baronnie de Bricquebec rendu en 1696 par Anne Geneviève de Bourbon, le fief , "assis à Quettetot et s'étendant au Vrétot, Saint-Germain-le-Gaillard et ailleurs" est dit être « rentré depuis longtemps en notre domaine non fieffé » et se trouver désormais réuni au corps de la vicomté et baronnie de Bricquebec.

 

Durant tout le moyen âge, la Houlette avait appartenu à l'ensemble très étendu et cohérent que constituait la baronnie de Bricquebec. Comme ceux de Magneville, des Perques, de Saint-Martin-le-Hébert ou encore du Rozel et de Surtainville, ce manoir faisait partie du premier réseau des fiefs satellites de l'honneur des Bertran, formant une couronne resserrée autour du chef de la baronnie. Il s'agit en définitive d'un bon exemple de dépendance vassalique de niveau secondaire, où non seulement la possession des différents fiefs mais également les alliances matrimoniales, se placent en priorité sous la tutelle du suzerain relatif. Au XVeme siècle, Bertin de Silly, que ses détracteurs qualifièrent avec réprobation de « serviteur » de Marie de la Roche-Guyon, ne faisait, dans sa position de « vassal gentilhomme », que prolonger une longue tradition d'attache familiale aux maîtres de la baronnie.