NEGREVILLE
  CC 40.09 COEUR DU COTENTIN  
   
  LE PONT A LA VIELLE
 
 
 
 
 
     
 

Le Pont-de-la-Vieille

— Statue miraculeuse

— Rivière de Gloire.

Couppey.1843

 

Nos autorités ne seront ni Wace ni des chroniques monastiques, ni Ordéric Vital, mais une tradition immémoriale , un récit transmis de père en fils depuis une antiquité très-reculée.

 

Le long de la route de Valognes à Cherbourg, à un point où la commune de Négréville touche à la fois à celles de Brix , de Tamerville et de Valognes , est une chapelle antique, dédiée à Notre-Dame-de-Gloire. Un pont en cet endroit sur la rivière de Gloire se nomme le Pont-à-la-Vieille. Ces mots , inexplicables si nous ne consultons que l'histoire, s'expliquent par la tradition locale , que nous donnons ici telle que nous l'avons ouïe et sans en porter aucun jugement.

 

La rivière de Gloire n'a pas toujours été nommée ainsi. Jadis c'était la Rille. Plus bas un château nommé encore aujourd'hui le Pontrilly tirait son nom d'un pont sur la Rille. A la place de la grand'route actuelle un sentier à travers la Haie de Valognes et la forêt de Brix conduisait à ce dernier lieu seulement ; la route de Cherbourg traversait Tamerville et Saussemesnil ; il en était encore ainsi, lorsque sous Louis XIV, le conseiller d'état Chamillart vint dresser procès-verbal de l'état de nos forêts. A ce point de jonction de quatre grandes paroisses et à une époquereculée existait an pont en bois, connu sons le nom de Pontà-la- Vieille, parce que dans le voisinage habitait une vieille femme ermite renommée par sa sainteté. Un matin elle trouva dans une petite clairière du bois , une jolie statue en marbre , représentant la Sainte-Vierge, et portant l'inscription : NotreDame-de-Gloire. Ne sachant à qui elle appartenait, elle l'emporta dans son ermitage et fit devant elle ses prières du soir.

 

Le lendemain elle ne vit plus la statue, quoique sa porte eût été bien fermée pendant la nuit. Elle sort, non sans quelque inquiétude , et retrouve cette statue au même endroit de la forêt.

 

Plus troublée que jamais , elle voulut recourir à une seconde épreuve, et , après avoir emporté de nouveau la statue, elle l'enferma dans son armoire, ferma l'armoire avec une clé , plaça la clé dans sa poche, et la poche sous le chevet de son lit. Elle eut soin de bien vérifier , avant de se coucher , si la porte de sa maison était solidement fermée. Le lendemain matin, la clé de l'armoire était encore dans sa poche , la porte de sa maison était bien fermée , l'armoire l'était elle-même ; mais en l'ouvrant, elle chercha vainement la statue. Elle sort précipitamment : la statue était debout précisément au même lieu que les deux jours d'auparavant. La sainte anachorète consulta sur ce cas les prêtres de Négréville qui, ne se trouvant pas assez éclairés, consultèrent le clergé de Valognes, qui, jugeant la question dificultueuse, consultaire l'Evêque de Coutances et son chapitre ; enfin tout le monde fut d'avis que le miracle indiquait une volonté bien ferme de la Reine des cieux d'avoir un temple en cet endroit. Une chapelle ne tarda pas à y être élevée aux frais des populations circonvoisines et dédiée à Notre Dame-de-Gloire. La rivière perdit son nom et fut appelée la rivière de Notre-Dame-de-Gloire , et par abréviation la rivière de Gloire , nom qu'elle a conservé et qu'elle porte encore aujourd'hui. Des ermites s'établirent, après le décès de la sainte vieille, dans le voisinage de la chapelle ,dans un lieu très-accidenté , des plus solitaires et des plus poéiques qu'on puisse voir ; son nom ne sonne pas poétiquement ,c'est le val Sinot; de très-vieux murs passent pour être les restes de cet antique ermitage. Nos pères prétendaient qu'on y était visionné ; leurs enfants n'y croient plus.