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Aricle issu du blog de closducotentin.over-blog.fr J. Deshayes, 14/03/2004 La chapelle Saint-Siméon de l’Etang n’est à ma connaissance citée dans aucune source médiévale. Ni le Livre Noir (v. 1280), ni le Livre Blanc ou Pouillé du diocèse de Coutances (1332) n’en font état, pas plus que le cartulaire de la baronnie de Bricquebec, qui cite en revanche les chapelles du château, de Sainte-Croix-de-Bois et de Saint-Blaise des Ys. La première occurrence rencontrée est celle de la carte de Mariette de la Pagerie (1683). La Chapelle Saint-Siméon figure également sur la carte de Cassini, apparemment à son emplacement actuel. En 1786 enfin, il est indiqué que « Dans ce village est situé la Chapelle de l’Estang à la collation de la dame du lieu, dont le titulaire à le droit de mettre ses bestiaux dans la prairie de la salle, depuis le mois d’août jusqu’au premier avril ». L’abbé Lebreton signale que l’édifice était desservi à la Révolution par un dénommé Robert Chappey, puis qu’elle le fut par un vicaire de Bricquebec. Il précise également que la construction du presbytère fut entreprise en 1833 par M.Delacotte (1831-1843), et achevée par son successeur, M. L’abbé Langlois. Officiellement, la création de cette paroisse ne date cependant que de 1845. C'est donc à juste titre que L’abbé Lebreton précise que l’édifice faisait fonction de paroisse longtemps déjà avant l’érection de l’Etang-Bertran en commune autonome (1895).
A mon sens, il est même probable que cet édifice existait depuis une époque reculée et qu'il bénéficiait, dès l'époque médiévale, de fonctions curiales presque aussi étendues que celles d’une paroisse (baptêmes, enterrements, mariages…). Dans le sens de cette hypothèse, on peut notamment citer, à titre de comparaison, l’exemple de la chapelle de Hautmesnil, à Saint-Sauveur--le-Vicomte, bénéficiant au Moyen-âge de toutes les attributions d’une véritable paroisse. Ce phénomène s’explique en particulier par l’étendue considérable des territoires paroissiaux associées aux grandes baronnies du Cotentin. Notons d’ailleurs que la chapelle Saint-Georges de Hautmesnil, bien que clairement attestée en 1318 comme exerçant les principales fonctions curiales, n’est pas citée non plus dans les inventaires ecclésiastiques des XIIIe et XIVe siècles. Mais le silence de ces sources traduit probablement l'embarras des autorités diocésaines face à l'existence de ces sanctuaires "non déclarés", subsistant manifestement hors de tout contrôle épiscopal à l'usage de communautés d'habitants résidant au cœur des marais ou des forêts…
Le vocable de Siméon Stylite, saint ermite mort à Antioche en 459, est pour le moins surprenant. Un vocable identique désigne également une chapelle située à Portbail et Siméon le Stylite figure également sous forme de statue dans la chapelle Sainte-Anne, anciennement Sainte-Croix des Bois, de Bricquebec. D’après la carte de Mariette de la Pagerie, une autre chapelle Saint-Siméon existait à Quettetot, à l’intérieur d’une portion de la forêt de Bricquebec jadis nommée le « bois de la Houlette ». A Quettetot toujours, il existe dans l’église paroissiale une statue d'époque Renaissance représentant cette fois le vieillard Siméon des évangiles. Le vieillard saint Siméon est également représenté par des statues du XVe ou XVIe siècle conservées dans les églises de Breuville, Neuville-en-Beaumont et Aumeville-Lestre. L'église Saint-Georges de Néhou abritait au XVIIe siècle un autel et une chapelle dédiés à Saint-Siméon. Sur la frontière du Cotentin et du Bessin, il existe à Neuilly-la-Forêt une fontaine réputée miraculeuse consacrée à saint Siméon. Il existe aussi Sainte-Honorine des Pertes les ruines d'une chapelle saint Siméon, qui faisait avant guerre l'objet de processions populaires. A Honfleur - bourg portuaire jadis placé sous le contrôle des Bertran de Bricquebec/Roncheville - se trouve une ferme Saint-Siméon, célèbre pour avoir abrité de nombreux peintres de la côte Fleurie.
Hors, il faut peut-être rapprocher le culte de Siméon à celui de saint Georges, officier de Cappadoce martyrisé en Palestine, autre dévotion largement répandue en Cotentin. | ||||||||||||
Le culte de saint Georges est généralement associé au récit de la Chronique de Fontenelle, relatant l’arrivée miraculeuse d’un fragment de la mâchoire du saint, un bout de la sainte Croix ainsi que d’autres reliques, au port de Portbail en l’an 747. Notons aussi que le saint Blaise, jadis honoré dans une autre chapelle de Bricquebec, était également un saint oriental, originaire comme Saint-Georges, de Cappadoce. La diffusion du culte de saint Siméon à Portbail, domaine relevant de l’abbaye de Fontenelle à l’époque carolingienne, signifie peut-être que les reliques du saint se trouvaient dans le même convoi que celui qui contenait la mâchoire de saint Georges. L'association du vocable de la Sainte-Croix et d'une statue de saint Siméon dans l'ancienne chapelle des chanoines de la baronnie de Bricquebec pourrait étayer cette piste. De même que l’on a expliqué la diffusion du culte de saint Georges par les évènements de 747 et l’action missionnaire de l’abbaye de Fontenelle, il faudrait ainsi expliquer de même celui de saint Siméon en Cotentin.
Mais il se pourrait aussi que la diffusion conjointe d'une dévotion au vieillard saint Siméon des évangiles et au stylite de Syrie traduise une confusion autour d'un même personnage, dont le culte apparaît nettement concentré autour de Bricquebec, notablement à l'intérieur de paroisses dépendant directement de l'encadrement paroissial exercé par les chanoines de la baronnie (Quettetot, Breuville, l'Etang-Bertran). La dévotion de ces mêmes chanoines pour saint Siméon étant en outre signalé par l'existence d'une statue située dans leur chapelle (cette œuvre en bois est seulement du XVIIe mais elle peut traduire la persistance d'un culte bien antérieur), il est en tout cas permis de supposer que ce culte soit lié au ministère pastoral des chanoines de la baronnie. |
Statue de saint Siméon (Cliché de la Conservation des antiquités et objets d'art de la Manche). | |||||||||||
L’abbé Lebreton indiquait dans son ouvrage publié en 1902 que l’église « ogivale » avait « été construite, il y a une trentaine d’années ». Cette mention convient assez bien avec l’aspect XIXe de l’édifice actuel. On se souviendra que l’existence de cette église neuve incitera en 1895 les paroissiens de l’Etang, qui ne souhaitait pas participer au financement de la nouvelle église de Bricquebec, à obtenir, en même temps que Rocheville, leur érection en commune autonome.
Cet édifice en grès local adopte un plan orienté en croix latine, avec tour de clocher portant sur la chapelle latérale sud, située à la jonction du chœur et de la nef. Bien qu’elle semble correspondre à un projet unique, cette disposition est commune à de nombreux édifices religieux du Cotentin, construits par agrégation progressive de divers éléments (les chapelles venant généralement s’ajouter, à partir des XIVe et XVe siècles, à une nef et un chœur plus anciens). La forme ovoïde du clocher coiffé « à l’impérial », encadré d’une balustre à quadrilobes ajourés, constitue la principale originalité de cette architecture. Il faut sans doute le rapprocher de celui de l’église abbatiale de la Trappe de Bricquebec Le mobilier intérieur recèle peu d’éléments anciens : quelques éléments de retables, aujourd’hui visibles dans la chapelle nord, sont datables du XVIIe siècle.
Le tympan du portail occidental est sculpté d’une représentation assez maladroite de la Résurrection du Christ. Jésus s’élève dans les nuées tandis qu’un ange supporte le couvercle du sépulcre. Deux légionnaires romains assoupis occupent le premier plan. Au revers de la façade, un second tympan illustre la déploration du Christ mort. | ||||||||||||
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