|
||||||||||||
Faits HISTORIQUES. D'apres un article de Mr Renault paru en 1880
— Rollon, après la cession qui lui fiit faite du territoire qui devint la province de Normandie, abandonna à un de ses compagnons tout le pays qui comprit plus tard Saint-Sauveur et Néhou. Ces domaines furent ainsi abandonnés à titre d'honneur et avec obligation d'hommage et de services militaires. Mais Saint-Sauvenr ne parait pour la première fois dans l'histoire qu'à la fin du Xeme siècle.
Le plus ancien vicomte connu du Gotentin se nommait Roger. Il vivait sous Richard !•', duc de Normandie, qui mourut en 996. Il fenda l'église qui plus tard devînt Tahbaye de Saint-Sauveur.
Les premiers seigneurs de Saint-Sauvëur furent les Néel, dont le premier du nom dut mourir vers l'année 1040 ou 1042.
Son fils, Néel II, est appelé le jeune, ISigellus juvenis. Il figure au nombre des seigneurs du Bessin et du Gotentin qui, séduits par Gui de Bourgogne, se révoltèrent contre GuilLaume le Bâtard, et furent mis en déroute à la bataiUe du Val es Dunes, que le duc Guillaume leur livra le 10 août 1047.
Le duc Guillaume, vainqueur de ses ennemis, confisqua ous les biens de Néel, vicomte du Gotentin; mais cette confiscation ne fut pas de longue durée ; car Néel, qui était rentré en grâce et avait recouvré sa seigneurie de Saint-Sauveur, figure dans des chartes du duc Guillaume pour les années 1054 et 1055.
Les domaine et seigneurie Saînt-Sauvcnr, après avoir appartenu aux Néel, passèrent dans la famille Tesson par le mariage de Léticie, fille du dernier Néel avec Jourdain Tesson, le plus riche baron de la Normandie; car d'après une ancienne chronique, sa famille avait le tiers des biens.
Mathilde Tesson, après la mort de son père, Raoul Tesson, eut en partage le domaine et la baronnie de Saint-Sauveur qu'elle porta dans la famille de Harcourt, lors de son mariage avec Richard de Harcourt.
Richard Tesson resta fidèle au roi PhUippe-Auguste contre Jean Sans-Terre ; car, d'après le registre des fiefs, rédigé par ordre de ce prince, Richard de Harcourt tenait du roi la baronnie de Saint-Sauveur, par le service de quatre chevaliers, mais il en devait cinq quand la baronnie était entière ; ce qui prouve qu'elle avait été l'objet d'un partage, et qu'une certaine partie en avait été détachée : Ricardus de ffarecort tenet baraniam S'^ Salvatoris de domino rege per servicium quatuor militum, sed debebat quinque quando baronia erat intégra.
Rcfbul Tesson, Richard de Harcourt, figurent au nombre des seigneurs et chevaliers normands qui portaient bannière sous Philippe- Auguste (3). Robert de Harcourt, Richard de .Harcourt, Philippe de Harcourt, Jourdain Tesson, sont au nombre des seigneurs renommés en Nonnandîe, depuis Guillaume le Conquérant jusqu'au temps de Philippe-Auguste.
Dans le XIVeme siècle, on voit apparaître Godefroy de Harcourt, qui, en 1330, succéda à son frère Louis de Harcourt, dans la seigneurie de Saint-Sauveur, et devint un des plus puissants barons du Gotentin. Il s'occupa du soin de fortifier Saint-Sauveur, et il en fit une des meilleures places du Gotentin. Il tourna ensuite ses armes contre son pays, et il entra dans plusieurs complots. Il se révolta contre Philippe de Valois, et livra son château de Saint-Sauveur aux Anglais. Il trouva la mort en combattant, vers la fin de l'hiver de. l'an 1356.
Après la mort de Godefroy de Harcourt, le roi de Navarre et les Anglais occupèrent la presqu'île du cotentin jusqu'au traité de Brétigny, c'est-à-dire depuis 1356 jusqu'à 1360.
Après ce traité, Edouard III disposa du domaine de Saint-Sauveur en faveur de Jean de Ghandos, qui en prit possession en 1361. Son lieutenant, Jean de Stokes, s'intitulait capitaine de Saint-Sauveur ; les fortifications furent augmentées, et on fit du château une place d'armes importante ; une partie de l'abbaye fut même détruite parce qu'elle pouvait nuire à la défense de la place.
Après la mort de Jean de Ghandos, cœrivée sans qu'il laissât d'héritiers, ses domaines en Normandie furent saisis par Edouard III, qui confia la garde de Saint-Sauveur à Guillaume de Latinier, lequel choisit pour lieutenant Thomas de Gatteston.
Les Anglais continuèrent d'occuper le château de Saint-Sauveur et le gardèrent jusqu'à l'année 1375 ; mais la garnison anglaise pillant et dévastant le pays, Gharles Y chargea Jean de Vienne, amiral de France, d'en faire. le siège. Jean de Vienne vint au printemps de l'an 4375, mettre le siège devant Saint-Sauveur-le- Vicomte, avec tous les barons et chevaliers de Bretagne et de Normandie, La garnison, après un siège long et meurtrier, demanda à capituler ; il fut convenu que si, dans un délai de six semaines, elle n'obtenait aucun secours du roi d'Angleterre, elle rendrait la place, et se retirerait sauf leurs corps et leurs biens. Le jour convenu arrivé, et le roi d'Angleterre n'ayant envoyé aucun secours, les capitaines anglais abandonnèrent la place et gagnèrent la mer à Garentan.
Le roi nomma un chevalier breton capitaine de Saint-Sanvenr.
Après l'exécution de ce traité, Charles V ordonna qu'on mit en. état de défense le château de Saint-Sauveur. Il donna à son chambellan, le sîre Bureau de la Rivière, la chàtellenie de Saint-Sauveur, Néhou, Auvers et autres dépendances.
Charles VI, en 1413, réunit la vicomte de Saint-Sauveur à celle de Yalognes, et nomma le baron d'Ivry capitaine du château.
En 1418, les Anglais commandés par Jean de Robersart, reprirent le château de Saint-Sauveur sur Robert de Fréville, qui alors y commandait pour le comte de Harcourt, à qui Charles VI l'avait donné.
Depuis cette époque de 1418 jusqu'en 1450, Jean de Robersart posséda la seigneurie de Saint-Sauveur ; mais après la bataille de Formigny (i), le connétable de Kichemont envoya son lieutenant, Jacques de Luxembourg, assiéger Saint-Sauveur (3). Les Anglais se rendirent presque aussitôt ; on leur donna huit jours pour sortir de la place et se rendre à Cherbourg.
La baronnie de Saint-Sauveur passa successivement dans les nudns de Jean de Harcourt, comte d'Aumale, de Jean, comte de Dunois et de Longueville, et d'André de Yillequier.
Louis XI, mécontent de la veuve d'André de Yillequier, qui se disait dame de Saint-Sauveur, confisqua sur elle la seigneurie de Saint-Sauveur-le-Yicomte. Cette place, depuis lors, perdit toute son importance; aussi le comte de Matignon, en 1562, ne demanda-t-ii pour le château de Saint-Sauveur qu'une garnison de 30 hommes, afin de maintenir l'autorité du roi dans le Cotentin.
En 1574, Montgommery, pour les protestants, s'empara de ce château ; mais il fut repris après la reddition de Saint-Lo.
Les ligueurs, en 1589, attaquèrent Saint-Sauveur, dont était capitaine Guillaume Lambert, qui leur résista; mais Dèvicques s'empara du château par surprise à la fin d'octobre de la même année ; son occupation fut de courte durée, car les troupes du roi y rentrèrent l'année suivante.
En 1598, sur la demande des états de Normandie, plusieurs châteaux furent démolis ; entre autres ceux de l'Ile-Marie et de Saint-Sauveur-le-Vicomte.
Le domaine de Saint-Sauveur passa successiyement dans les mains de divers engagistes. Henri III, en 1575, vendit à Christophe de Bassompierre la terre de Saint-Sauveur qui, sortie des mains de la famille de Villequier, avait fait retour à la couronne.
Frédéric, duc de Wurtemberg, devint, en 1005, engagiste des domaines de Valognes, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Néhou et Saint-Sauveur-Lendelin; mais, en 1617, le comte de Thorigny et le duc de Wurtemberg, rétrocédèrent à Marie de Médicis, mère du roi, les vicomtes de Garentan et de Saint-Lo, d'Âlençon, de Valognes, et les domaines de Saint-Sauveur-Lendelin, de Saint-Sauveur-le- Vicomte et de Néhou.
La reine, en 1621, céda et tnmsporta les domaines, terres, seigneurie et châtellenie de Saint-Sauveur-le-Vicomte et Néhou, à Jehan Phelippeaux, sieur de ViUesavin, conseiller du roi en son conseil d'Etat privé.
Louis XIV, en 1697, engagea à Monseigneur Louis-Alexandre de Bourbon, prince du sang et comte de Toulouse, le domaine de Saint-Sauveur-le- Vicomte.
Après la mort du comte de Toulouse, le domaine de Saint-Sauveur-le-Vicomte passa à son fils Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, dont la famille l'a possédé jusqu'au moment de la Révolution.
Beaucoup de fiefs relevaient de la baronnie de Saint-Sauveur-le- Vicomte.
Saint-Sauveur-le- Vicomte était le siège d'un bailliage dont les appels étaient portés au parlement de Rouen.
n y avait aussi une vicomte dont les appels ressortissaient au bailliage. Elle s'étendait sur plusieurs bourgs voisins, où le vicomte savait tenir son siège quand il lui plaisait.
Le vicomte avait droit de séance à l'échiquier de Normandie.
IL existait encore à Saint-Sauveur une autre petite juridiction qu'on nommait la vicomte de Beaumoni ; elle se tenait le vendredi, et plusieurs paroisses en relevaient.
Le comte de Toulouse qui, à la fin du XVIIeme siècle, était seigneur engagiste du domaine de Saint-Sauveur-le-Vicomte, nominait aux charges de judicature.
Il y avait, à la même époque, dans la forêt de Saint-Sauveurr, un haras qui appartenait au dauphin de France. Ce haras fut plus tard transféré au Pin. On trouve comme verdier de Saint-Sauveur, dans les premières années du xv* siècle, Richard de Morigny.
Château. —
Les restes du château permettent encore de suivre les traces de son ancienne enceinte murée. En 1613, ce château tombait en ruines et le donjon menaçait de s'écrouler. Louis XIV, par lettres patentes de Tau 1695, donna les restes de ce château à Thôpital de Saint-Sauveur, fondé en 1685, pour servir aux pauvres de sa juridiction. Ses administrateurs actuels tiennent à honneur de conserver les vieilles tours qui furent témoins de la valeur de leurs ancêtres. Un savant antiquaire anglais, M. GallyKnight, dit dans la relation de son excursion en Normandie, en parlant du château de Saint-Sauveur : « on retrouve des murailles, des portes et des tours. Ce qui nous frappa, c'est une grande tour carrée, bâtie par Chandos, à qui est due aussi la construction d'une des portes de la forteresse. En 1613, on voyait encore la tour de Batterie, la tour Jacob, la tour de l'Horloge et la grosse Tour.
En 1389, le sire de la Ferté devait entretenir dix hommes d'armes à Saint-Sauveur, Néhou et Beuzeville.
Entre autres paroisses dont les habitants devaient le service du guet au château de Saint-Sauveur, on trouve plusieurs communes de l'arrondissement de Valognes.
Odet d'Aidie, après la capitulation de 1450, fut établi capitaine de Saint-Sauveur. Il figure dans des actes de 1458 et 1461.
Léobin du Saussey, seigneur de Barneville, en était capitaine en 1573.
A la fin du XVIeme siècle, l'office de capitaine de Saint-Sauveur appartenait à la famille des Maires. Vincent des Maires, sieur du lieu et de Hautmesnil, était bailli et capitaine de Saint-Sauveur. Son fils, Jean des Maires, également bailli et capitaine de Saint-Sauveur, donna 2,600 livres en 1628, pour la fondation d'un collège à Saint-Sauveur-le- Vicomte. Vincent des Maires, sieur d’Anvers, était, en 1631, capitaine de Saint-Sauveur. David Devin, sieur du Vallon, conseiller du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, avait, en 1686, le titre de capitaine et de vicomte de Saint-Sauveur.
Charles d'Ivry est cité comme seigneur de Saint-Sauveur, dans des actes de 1385, 1394, 1398 et 1401. André de Villequier en était seigneur dans le courant du XVeme siècle.
La baronnie de Saint-Sauveur avait des foires et des marchés dans lesquels, en 1366, le seigneur de Néhou et ses gens jouissaient de franchises. On lit qu'en Tannée 1700, les commissaires députés par Sa Majesté, vendirent à Etienne du Faouq,chevalier, seigneur de Garnetot, la coutume du marché et des étaux de boucherie de Saint-Sauveur-le-Vicomte, et le moulin banal audit lieu avec l'étang derrière ledit moulin.
Le roi, en 1702 et 1728, donna des lettres patentes qui nommaient des commissaires pour la confection des papiers terriers de plusieurs domaines, au nombre desquels figure celui de Saint-Sauveur-le- Vicomte.
Montfaut, en 1463, renvoie, à Saint-Sauveur-le- Vicomte, Thomas Cauchon.
Roissy, en 1599, trouve nobles à Saint-Sauveur-le-Vicomte, Jean Desmares et les Poërier, sieurs du Theil et de Sortosville, dont l'un était président au bailliage du Cotentin.
Chamillard, en 1666, y trouva nobles deux familles Le Mouton, Tune parmi les anciens nobles ; elle portait d'argent à (rois gibecières de sable garnies d'or, deux en chef et une en pointe. L'autre, au nombre de ceux qui prouvèrent quatre degrés; elle portait aussi d'argent à trois fauconnières de sable boutonnées d'or. On trouve Raoul et Philippe Le Mouton. Ces familles figuraient aussi à Doville, à Salnt-Nicolas-dePierrepont et à Néhou. Il y avait encore Jean Le Gordier, Jacques et Julien Poërier ; Jacques était seigneur de Taillepied et bailli de Saint-Sauveur : Pierre et Jean Loir, dont l'on était seigneur du Lude, et l'autre de Noire-Mare.
La paroisse de Saint-Sauveur-le-Vicomte dépendait de l'intendance de Gaen, de l'élection de.Valognes et de la sergenterie deBeaumont. Masseville lui comptait 426 feux imposables, et Expiily 1,900 habitants ; elle en a 2,754 en 1871 |
||||||||||||
| ||||||||||
CPA Collection LPM 1900 | ||||||||||
Saint-Sauveur-Le-Vicomte, chef-lieu du canton est une commune d'une grande superficie composée de vastes étendues de marais, d'un important massif forestier et de sites vallonnés culminant au mont de Taillepied.
Situé au centre même du Cotentin, Saint-Sauveur-Le-Vicomte doit son existence à sa situation stratégique au bord de la Douve, rivière dont les crues isolaient autrefois le Nord de la presqu'île. Le château féodal, dont l'histoire est marquée par une longue présence de troupes anglai-ses et les combats de la guerre de 100 ans, témoigne de la valeur mili-taire de cette position.
Sous la protection de la forteresse, l'agglomération se développa en se tournant vers le commerce et l'ex-ploitation des ressources naturelles voisines. Il faut rappeler l'activité des charbonniers en forêt et la navigation sur la Douve de bateaux à fond plat, appelés les gabarres, descendant la rivière avec un chargement de pierres extraites de la carrière, toute proche de Rauville La Place, et remontant de Carentan avec la Tangue sable marin utilisé pour l'amendement des terres argi-leuses.
Sous l'Ancien régime, la présence d'un baillage et d'une importante baronnie y favorise l'émergence d'une bourgeoisie d'office (juges, baillis, avocats, greffiers.) jadis nombreuse et influente. Mais l'activité principale, celle qui demeure prédominante de nos jours, reste l'élevage des bovins, qui bénéficie conjointement des ressources du bocage et du complément de pâture offert à la belle saison par les vastes prairies inondables des marais communaux.
Un point peu connu de l'histoire locale se rapporte à l'élevage du cheval : quand les haras publics furent créés en 1665, Louis XIV fonda le haras du Roi au château du Quesnoy. L'essai fut bref ; en 1714, les chevaux furent expédiés dans l'Orne pour y créer le Haras du Pin.
L'histoire de l'abbaye, elle aussi est mouvementée. Installée à l'étroit dans la première enceinte de la forteresse, elle fut abandonnée vers 1070 par Néel le Vicomte qui, faisant appel à des moines venus de Jumièges, construisit un nouveau monastère à l'emplacement de l'actuelle abbaye.
Partiellement détruite lors de la guerre de Cent ans, reconstruite au XVe siècle, saccagée par les Protestants, pratique-ment abandonnée sous Louis XVI l'abbaye fut finalement transformée en carrière de pierre après la Révolution. Elle doit sa résurrection aux efforts de sainte Marie-Madeleine Postel et de sa congrégation qui, à compter de 1832, investissent les ruines et se consacrent avec acharnement à sa restauration.
L'histoire récente, avec les destructions consécutives aux combats de la Libération, en juin et juillet 1944, a changé les abords du vieux château, tandis que le bourg s'étend davantage en direction de Bricquebec, au nord, et de Portbail vers l'ouest.
Saint-Sauveur compte actuellement 2.242 habitants. L'habitat est très dispersé en campagne à l'exception de villages organisés autour de leur église comme Selsoif et Hautmesnil. Le bourg présente un bon échantillon de commerces traditionnels et des services. Le marché hebdomadaire a lieu le samedi. Les foires ont disparu mais les concours du comice agricole et les concours de chevaux continuent d'illustrer la vocation d'élevage du pays.
Le château, collection CPA LPM 1960 | ||||||||||
L’Abbaye, collection CPA LPM 1960 | ||||||||||
|
||||||||||||
Eglise paroissiale Saint Jean-baptiste de Saint-Sauveur-le-Vicomte Texte issu de la commune
D'après d'anciens documents, il semble que l'église paroissiale de Saint-Sauveur-le-Vicomte, initialement située à l'intérieur de l'enceinte du château, ait été transférée à son emplacement actuel, sur le bord de la voie menant vers Portbail, au début du XIIe siècle. Son déplacement témoigne du développement du bourg, alors en pleine expansion, et des besoins nouveaux d'une population de plus en plus nombreuse.
Mises à part quelques pierres de remploi, l'église actuelle ne conserve plus d'éléments architecturaux attribuables à l'époque de sa fondation. Une partie de l'édifice remonte encore à la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle, mais l'ensemble a fait l'objet d'importants travaux de rhabillage et de modernisation au cours des siècles suivants.
Comme le reste du bourg et l'abbaye voisine, l'église de Saint-Sauveur-le-Vicomte a notamment beaucoup souffert des évènements de la guerre de Cents Ans. Après le retour de la paix, dans la seconde moitié du XVe siècle, l'édifice a été très largement remanié en style gothique flamboyant. Les grandes arcades de la nef ont été reconstruites à la mode du jour, avec leurs moulures finement nervurées paraissant s'enfoncer dans l'épaisseur des grosses colonnes circulaires qui les soutiennent. Tandis que les bas-côtés ont été voûtés dès le XVe siècle, la nef centrale, initialement couverte en charpente, n'a reçu son voûtement sur croisées d'ogives que dans le courant du XVIIe siècle.
La nef est séparée du choeur par deux chapelles latérales formant transept. Celle du nord est éclairée par une grande baie flamboyante, venue se substituer à deux fenêtres plus ancienne dont la trace se devine encore dans les maçonneries extérieures. La petite baie percée dans le mur ouest de cette chapelle a en revanche été conservée dans son état du XIIIe siècle et garde intérieurement quelques vestiges résiduels d'un ancien décor peint.
La chapelle nord sert d'assise à la tour de clocher, elle aussi modifiée et augmentée dans le courant du XVe siècle puis au XIXe siècle.
La grande chapelle flanquant le choeur au nord, fondée en l'honneur des apôtres Pierre et Paul, fut édifiée par les Desmaires - une importante famille noble de Saint-Sauveur - entre 1609 et 1615. Par mariage la chapelle devint ensuite propriété de la famille d'Harcourt, avant d'être pillée à la Révolution, puis remaniée et restaurée au XIXe siècle. Bien que d'époque Louis XIII, son architecture s'inspire encore de la tradition gothique, dont elle reprend les arcs brisés, les contreforts et les larmiers.
La chapelle Saint-Sébastien, copie de la chapelle Desmaires, a été édifiée en 1876 sur le flanc sud du coeur.
L'église de Saint-Sauveur comporte dans ses maçonneries de nombreuses dalles de pierres portant les épitaphes de paroissiens inhumés à l'intérieur de l'église. Elles datent pour la plupart du XVIe siècle. La plus ancienne, celle de Fleury Herault remonte à 1477.
Mais cette église se signale surtout par la richesse et l'abondance de son mobilier religieux et de sa statuaire. On signalera notamment, l'entrée de la nef, les fonts baptismaux en pierre, datés par inscription de 1572. Il s'agit d'un très bel exemple de mobilier liturgique de style Renaissance en calcaire d'Yvetot-Bocage. La cuve circulaire à godrons repose sur une base à décor de griffes et à mufles de lion. Son décor de frise d'acanthe, caractéristique de la Renaissance cotentinaise, se retrouve notamment au portail du Manoir Desmaires, sur la commune de Saint-Sauveur-le-Vicomte. Le couvercle de laiton date de 1895. Sur ces fonts fut notamment baptisée Catherine de Longpré (1632-1688), évangéliste du Canada, béatifiée sous le nom de Marie-Catherine de Saint-Augustin. |
||||||||||||
Au nombre des statues anciennes, se distingue en premier lieu un exceptionnel Christ aux Liens en pierre ayant conservé sa polychromie d'origine. Cette très belle représentation du thème de l' « Ecce Homo » fut achetée en l'an 1522 à Rouen où elle avait été peinte et sculptée, par les moines de l'abbaye bénédictine, puis transportée par voie navale jusqu'à Saint-Sauveur-le-Vicomte, en empruntant le cours de la rivière Douve. Elle avoisine un saint Jacques en pierre calcaire, production locale datant du XVe siècle. Le saint pèlerin est identifiable à la coquille qui orne sa sacoche.
A noter encore, une jolie sainte Marguerite, en bois polychrome du XVIIe siècle, représentée dominant le dragon qui l'avait dévorée, et dont elle s'est délivrée en lui perçant le flanc à l'aide d'une croix. Dans la chapelle sud, un saint Sébastien en pierre, datant du XVIe siècle, est probablement contemporain de la fondation d'une confrérie créée en l'honneur de ce saint en 1529.
Le maître autel des XVIIe et XIXe siècles conserve la prédelle et le tabernacle d'un ancien retable, qui avait été installé en 1654. Il est encadré par les statues du saint patron de l'église, Saint Jean-Baptiste, et par celle du patron secondaire de la paroisse, saint Michel, deux ouvres du milieu XVIIe siècle en bois polychrome. |
Statue en pierre Collection CPA LPM 1900 |
|||||||||||
Dans la chapelle nord figurent un Saint Yves ainsi qu'une sainte Cécile, deux ouvres en bois polychrome datant du début du XVIIe siècle. Elles évoquent par leur facture le maniérisme de l'école de Fontainebleau. Dans cette chapelle se trouve aussi la pierre tombale de Jacques Lefèvre du Quesnoy, qui fut évêque de Coutances et abbé de Saint-Sauveur-le-Vicomte, décédé le 9 septembre 1767
Les vitraux ont été installés en 1958. Ils sont l'ouvre du maître verrier Paul BONY notamment connu pour des travaux exé-cutés en collaboration avec Marc Chagall, Georges Braque ou Henri Matisse. Très actif après guerre, Paul Bony a également travaillé pour l'église paroissiale de Rauville-la-Place. Les verrières de la nef représentent les symboles des différents sacrements de l'église catholique (baptême, communion, eucharistie.). Les vitraux des transepts illustrent le thème de la Crucifixion et celui de l'Immaculée Conception. Le choeur et des chapelles orientales sont ornées des figures de leurs saints patrons (saint Sébastien, Saint Jean-Baptiste, saint Michel, saint Pierre et saint Paul). |
||||||||||||
Église Saint-Jean-Baptiste à Saint-Sauveur-le-Vicomte. Auteur Roland Godefro 2011 |
||||||||||||
|
||||||||||||
CPA collection LPM 1900 |
||||||||||||
Avec ses 233 hectares de bois, Saint-Sauveur-Le-Vicomte abrite la forêt domaniale du département de la Manche.
Située à l'ouest de la commune, elle dépend de l'Office National des Forêts, qui s'attache à sa préservation et son entretien. Sillonnée par de nombreux ruisseaux, elle renferme quelques constructions - maison de forestier et puits - et évoque immanquablement la figure de Barbey d'Aurevilly, le « Connétable des Lettres ».
Au XV siècle, ce grand domaine comptait près de 2000 hectares. Successivement tenu dans la propriété du roi et engagée à divers propriétaires du XVI eu XVIII siècle, elle fut très largement défrichée à compter de 1832, suite à son éliènation à un exploitant de bois. La portion qui avait réchappé aux bûcherons fut achetée par l'état en 1966 (216 hectares) et 1968 (17 hectares).
Texte issu du site de Jeanmarie.lecler.perso.sfr.fr
La forêt domaniale de Saint-Sauveur-le-Vicomte n'est que le vestige d'une importante forêt royale.
Une forêt royale
L'année du traité de Saint-Clair-sur-Epte (912), Rollon cède le domaine de Saint-Sauveur à un de ses officiers nommé Richard. D'après l'acte de concession, ce domaine situé près de la rivière de l'Ouve était couvert de bois et composé de marais et de terres sèches. Richard construit un château sur le bord de la Douve.
Huit ans après la concession de Rollon, Richard sous-inféode le domaine à son fils Néel. En fondant vers 1067 l'Abbaye de Saint-Sauveur, Néel dote les religieux d'une portion de forêt. D'autres dotations auront lieu en 1268 et 1276 en faveur de l'Abbaye de Montebourg et des religieux de l'Hôtel-Dieu de Saint-Lô.
En 1473, un inventaire précis permet de savoir qu'il y a encore d'importants massifs boisés dans le domaine de Saint-Sauveur que Charles VII donne à la famille Villequier.
La "Grande forêt de Saint-Sauveur" a une surface de 1 936 Ha. Elle comporte huit viviers ou étangs, un four à chaux, une pièce de terre défrichée. C'est une forêt "coutumière". Les habitants de la région ont droit au bois gisant, ainsi que des droits d'herbage et de panage (faire paître les porcs). Avec la forêt de Selsoif, un verdier (officier des eaux et forêts) et plusieurs gardes ou sergents en assurent l'administration.
Revenu à la couronne en 1520, le domaine passe à Christophe de Bassompierre en 1575 puis à Frédéric, duc de Wurtenberg en 1605 qui cède ses droits à Marie de Médicis, régente de France, en 1612. En 1614, un retour au domaine royal permet de constater le mauvais état de la forêt. Elle est abandonnée aux exactions des coutumiers. Il n'y a plus de coupes régulières depuis 200 ans.
Un Haras.
Le Dauphin, fils de Louis XIV, séduit par la beauté des chevaux et le climat favorable du Cotentin, résolut d'y établir son haras particulier. A proximité de la grande forêt, il choisit un emplacement appelé le Quesnoy, dans le bois d'Aureville. Un arrêt du Conseil d'Etat du 5 mai 1693 ordonne la vente de 60 arpents pour défrichement, de même pour agrandir le haras, la vente de 80 arpents est autorisée en 1696. L'établissement ne durera qu'une vingtaine d'années. Il sera supprimé à la mort du Dauphin. Les reproducteurs finiront par être transférés auprès du Buisson d'Exme près d'Argentan. C'est aujourd'hui le Haras du Pin.
La plus grande partie des forêts coutumières sont encore dans le domaine royal à la Révolution. Cependant un arrêt du Conseil d'Etat du 21 septembre 1779 autorise le propriétaire des forêts gagées à Néhou à défricher et à mettre celles-ci en culture. A la Révolution, la forêt de Saint-Sauveur a une surface de 829 ha, "elle possède une magnifique futée".
Forêt domaniale.
Depuis cette époque, jusqu'à la loi du 25 mars 1831, l'état administre la forêt royale ainsi que les bois de l'Abbaye. Le 26 février 1832, le préfet de la Manche adjuge la forêt de Saint-Sauveur à un certain M Crosnier, notaire à Paris. Le 11 octobre M Hersan achète 72 ha sur Besneville, dit le bois de Héricque, et 391 ha sur Saint-Sauveur, dit le canton du Petit Vey. M. Crosnier vendit le surplus à MM Fourchon et Martin, à savoir le parc de la Plesse, la forêt de Saint-Sauveur proprement dite. L'ensemble de ces forêts prit le nom de Forêt de Saint-Sauveur.
M. Lemarois en 1847 rachète à M. Fourchon une portion de la Forêtde Saint-Sauveur. Il vend 6 ha de terre enclavée dans la forêt à M. Hersan.
L'exploitation des taillis pendant la guerre a été suivie d'une sévère coupe de grumes qui a fait disparaître tous les bois de valeur et n'a laissé selon l'expertise de 1965 que des balivaux et jeunes modernes de chêne, hêtre, frêne et des anciens de très faible valeur commerciale. A l'exception de quelques mitraillages aériens en 1940, en bordure du périmètre nord, la forêt n'a eu à souffrir d'aucun combat au cours de la guerre 39/45.
L'état achète aux consorts Risselin en 1966 un bois encore appelé "Forêt royale de Saint-Sauveur" d'une surface de 216 ha. En 1968 un deuxième achat aux consorts Bos agrandit la forêt d'un bois d'un peu plus de 15 ha. La surface actuelle de la forêt domaniale est de 234 ha, et dans le cadre de la chartre inst-ituant le Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin, le gestionnaire, l'ONF a le souci de maintenir la qualité du milieu tant sur la plan scientifique, écologique que paysager.
Vente à l'amiable en dix lots du beau et grand domaine de Saint-Sauveur 1835
Extrait du feuillet annonçant la vente des biens appartenant à M Cronier, à Paris. Le total de la propriété est de 624 hectares ou 1825 arpents, 30 perches de Paris ou 3120 vergées et la note ajoute "suivant les arpentages faits en 1835, l'étendue a été trouvée supérieure".
"Cette belle propriété d'un seul ensemble, traversée par des routes, est l'une des plus avan-tageusement situées de la basse Normandie. La nouvelle route départementale de Valognes à la mer par Saint-Sauveur-le-Vicomte (chef-lieu de canton) divise maintenant cette propriété en deux parties importantes, l'une à l'est de 392 hectares (1960 vergées, mesure locale, de 40 perches de 22 pieds), et l'autre à l'ouest, est de 232 hectares ou 1660 vergées. cette route longe pendant plus d'une demi-lieue ces deux parties de la propriété, éloignée, savoir: d'un côté, d'un quart de lieue de la petite ville de Saint-Sauveur-le-Vicomte et du port d'emba-rcation de la rivière navigable de la Douves; et de l'autre côté, de sept quart de lieue par la route départementale, du port de mer de Port-Bail et de Ourville, d'où viennent maintenant en abondance et à peu de frais les engrais de mer. Les produits de la propriété se vendent sur place; d'ailleurs les débouchés par de magnifiques voies de communications, rendent toute exploitation, toute entreprise des lus avantageuses; à l'est, la rivière de la Douves transporte tous les produits à Carentan, à Isigny, pour le Havre, Caen, Rouen, etc.; et à l'ouest, en embarquant à Port-Bail, sur toute la côte et les île anglaises en vue de la propriété, et avec lesquelles des relations sont journellement établies." |
||||||||||||
|
||||||||||
Le château de Saint-Sauveur-le-Vicomte, CPA collection LPM 1900 |
||||||||||
L'HOTELLERIE DE SAINT-SAUVEUR-LE-VICOMTE AU XIIeme SIECLE.
L'origine des institutions charitables et les développements qu'elles prirent pendant les premiers siècles de l'Eglise sont aujourd'hui bien connues, grâce surtout aux recherches de notre savant compatriote M. l'abbé Tollemer, qui en a tracé l'histoire d'après les canons des conciles et les écrits des pères, dans un livre, malheureusement trop peu répandu, quoi qu'il en existe deux éditions, la première sous le titre : De quelques œuvres de miséricorde, dans les premiers siècles du christianisme.., (Valognes, 1853; in-12 de XI, 802 et XII pages) ; et la seconde sous ce titre : Des origines de la charité catholique, ou de l’état de la misère et de l’ assistance chez les chrétiens pendant les premiers siècles de f Eglise (Paris, 1863, in-8" de VII et 600 pages). L'esprit des vieilles institutions charitables s'est perpétué jusqu’à nos jours ; mais les formes de l'assistance chrétienne ont varié suivant les temps et les pays.
Au XIIeme et au XIIIeme siècle, quand la société féodale et religieuse eut reçu la plus parfaite organisation que le moyen âge ait connue les établissements charitables prirent en France de merveilleux développements. Ceux qui remontaient à des époques plus ou moins reculées furent transformés. Beaucoup furent alors fondés et dotés pour la première fois. En ce qui touche la Basse Normandie nous manquons de renseignements précis sur les institutions de charité qui ont pu et dû fonctionner avant le XIIeme siècle. Le soin de pourvoir aux besoins des pauvres et des malades était sans doute laissé en grande partie à l'initiative individuelle, secondée par le clergé séculier et plus encore par le clergé régulier. Le XIIeme siècle vit s'élever près des villes et dans les campagnes un assez grand nombre de maisons où trouvâient un asile les malheureux atteints de la lèpre. Ces établissements d'un genre particulier étaient ce qu'on appelait des léproseries ou maladeries ; ils ont subsisté, au moins nominalement, jusqu'au règne de Louis XIV.
Les Hôtels-Dieu, dans lesquels s'exerçaient tous les modes de la charité chrétienne ne paraissent dater, chez nous, que du commencement du XIIIeme siècle. C'est à cette époque que remontent les deux établissements de ce genre les plus considérables que le diocèse de Coutances ait possédés au moyen âge, celui de Coutances et celui de Saint-Lô. La création de l'un et de l'autre est due, pour la meilleure part, à l'un de nos plus illustres évêques , Hugues de Morville , qui occupa le siège épiscopal pendant une trentaine d'années, de 1207 à 1238. Un essai antérieur s'était produit dans le diocèse de Coutances, au siècle précédent. Une sorte d'hôtel Dieu avait été fondé à Saint-Sauveur le Vicomte, et quoique cette maison n'ait eu, selon toute apparence, qu'une existence éphémère, elle mérite d'être signalée. Nous la connaissons par deux chartes originales que notre savant archiviste départemental, M. Dolbet, a bien voulu nous communiquer en 1887 et qui font partie d'un dossier de l'abbaye de Saint-Sauveur conservé aux Archives de la Manche.
La première charte est émanée de la fondatrice, Léticie, dame de Saint- Sauveur, veuve de Jourdain Taisson. Elle déclare donner et concéder en perpétuelle aumône à la maison de saint Thomas le martyr une masure de terre avec un courtillage (un emplacement à bâtir avec les dépendances), le tout situé au village ou bourg de Saint-Sauveur, près des maisons des foulons, libre et affranchi de tous droits seigneuriaux. Elle accorde à l'hôtelier qui gardera l'hôtellerie et qui prendra soin des malades toute espèce de droits d'usage dans le village et dans le bois de Saint-Sauveur. Le dit hôtelier pouvait faire moudre son blé en franchise au moulin seigneurial ; il y pouvait aussi faire préparer le grain qu'il employait pour fabriquer sa bière ; il lui était permis de prendre en forêt le bois nécessaire pour son chauffage et pour la couverture de sa maison. D'autres bienfaiteurs concoururent à doter l'hôtellerie : la charte indique les morceaux de terre qui furent donnés par plusieurs vassaux de Léticie, tels que Pierre de Mont-Cérisi, Roger Botier, Robert Fossart et Herbert de Mairi. Ce dernier aumôna une pièce de terre que Guillaume fils d'Osouf tenait à Liesville. L'acte qui contient toutes ces donations fut passé solennellement en présence de Tévêque de Coutanees, des abbés de Saint-Sauveur et de Saint-Lô, d'un prêtre nommé Payen, qui était sans doute le curé de Saint-Sauveur, de l’archidiacre de Cotentin, et de deux fils de la fondatrice, Roger le vicomte et Jourdain. Une charte de Guillaume, évêque de Coutanees , énumère et confirme les donations comprises dans la charte de la fondatrice. Nous devons seulement faire remarquer le titre sous lequel y est désigné le chef de la maison charitable : c'est le garde de rhôtellerie (custos hospitalariâe). Les chartes qui viennent d'être analysées ne sont point datées ; mais il est facile de suppléer au silence des notaires. Les deux actes ont été dressés pendant le veuvage de Léticie, dont' le mari mourut en 1178, et pendant l'épiscopat de Guillaume de Tournebu, qui gouverna l'église de Coutances depuis 1179 jusqu'aux environs de l'année 1200. C'est donc au dernier quart du XIIeme siècle qu'il convient de rapporter la fondation de l'hôtellerie de Saint-Sauveur.
Cet établissement ne paraît pas avoir prospéré ; nous n'en trouvons plus la moindre trace au XIIIeme siècle. II n'est peut-être pas téméraire de conjecturer que les biens en furent réunis à l'aumônerie de l'abbaye de Saint-Sauveur. Un détail mérite de fixer l'attention. L'hôtellerie de Saint-Sauveur avait été mise sous le patronage de saint Thomas le martyr, c'est-à-dire de Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, massacré le 29 décembre 1170 par plusieurs barons de la cour de Henri II, roi d'Angleterre. On sait de quelle vénération la mémoire de Thomas Becket fut immédiatement entourée dans tous les pays de la chrétienté. La Normandie se distingua par son empressement à honorer d'un culte public le malheureux archevêque de Cantorbéry. Le choix qu'on fit de son nom à Saint-Sauveur pour l'imposer à l'hôtellerie en est un nouveau témoignage. Nous en connaissions déjà un exemple non moins significatif, fourni par l'histoire ecclésiastique de Saint-Lô. Une église nouvellement édifiée dans cette ville fut dédiée le 28 juillet 1174 en l'honneur du saint martyr, Thomas, archevêque de Cantorbéry.
Léopold Delisle.1880 |
||||||||||
|
||||||||||||
L’abbaye Saint Sauveur actuelle (2007) |
||||||||||||
L’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche) a été fondée au Xe siècle par Néel de Néhou, vicomte de Saint-Sauveu
Historique
Jusqu'à la Révolution
L’abbaye fut construite à partir de 1067 par les moines de l’abbaye de Jumièges. Le vicomte de Néhou souhaitant remplacer le collège de clercs séculiers qui officiaient dans la chapelle de son château. Aux environs de 1180, le premier moulin à vent y a été installé
De cette époque, l’église abbatiale garde encore un mur latéral (mur sud) qui présente des arcades en plein cintre, surmontées d’un triforium. D’autres éléments peuvent encore se voir dans le transept nord.
Lors de la Guerre de Cent Ans, Geoffroy d'Harcourt ayant du céder son château aux Anglais, le commandant des troupes anglaises, Jean Chandos, fit raser en partie l’abbaye, obligeant les moines à s’exiler.
Ces derniers durent attendre 1460 pour revenir et rebâtir l’église. Mais une partie des bâtiments conventuels disparut, à cause du régime de la commende qui empêchait d’avoir les moyens d’en assurer un entretien suffisant.
L’abbaye fut vendue comme bien national à la Révolution et l’église servit de carrière de pierres.
Au XIX e siècle
C’est en 1832 que Mère Marie-Madeleine Postel put acheter les ruines de l’abbaye dont elle voulait faire la maison mère de la congrégation qu’elle venait de fonder à Cherbourg. Il ne subsistait alors que deux petites maisons basses, à gauche de l’église, ainsi que le porche d’entrée et la partie basse du bâtiment qui servit longtemps de cellier et de remise.
En 1842, le clocher recons-truit s’effondra, suite à une violente tempête, sur le tran-sept et les premières travées du chœur. Pas découragée, Mère Marie-Madeleine Pos-tel, malgré son grand âge, entreprit de reconstruire la totalité de l’édifice en con-fiant les travaux à François Halley, architecte et sculpteur local. |
||||||||||||
Afin de financer ces travaux, elle envoya la sœur Placide Viel demander des subsides jusqu’auprès de la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe Ier, roi des Français.
La reconstruction sera achevée en 1855, neuf ans après la mort de son instigatrice. Dans le transept nord, ses reliques sont conservées, et dans la même chapelle se trouvent les reliques de la bienheureuse Placide Viel et celles de la bienheureuse Marthe Le Bouteiller. Le tombeau de sainte Marie-Madeleine Postel est une œuvre de François Halley. |
Ruines de l’abbaye Saint Sauveur |
|||||||||||
Après la Seconde Guerre Mondiale
Durant les combats de la Libération, en juin 1944, l’abbaye fut bombardée et incendiée. Sa restauration fut assurée par les Services de la Reconstruction et des Monuments Historiques, sous la direction de Y. M. Froidevaux. La chaire, œuvre inachevée de Halley fut alors déplacée. Elle se trouve actuellement au bas de la nef latérale nord, à gauche en entrant.
Dans le chœur, on peut voir un autel sculpté du XVe siècle illustrant des scènes de l’enfance de Jésus. Les vitraux qui ornent le choeur, l’abside et les verrières de la façade sont l'œuvre de Adeline Bony-Hébert-Stevens.
Une petite maison, appelée la Gloriette conserve les souvenirs de sainte Marie-Madeleine Postel, à l’endroit où se trouvait la bibliothèque du temps des moines bénédictins, et où la sainte vécut entre 1832 et 1846. |
La chaire, œuvre de Halley |
|||||||||||
Abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte Par Mr RENAULT 1880
— Néel le Vicomte, vers 1080, fonda, sous l'invocation de la Vierge Marie, nue abbaye à Saint-Sauveur-le-Vicomte, et y appela des religieux de l'abbaye de Jumiéges, de l'ordre de saint Benoit. Les bâtiments qui leur étaient destinés n'étant pas en état de les recevoir, Néel les reçut dans son château, où déjà existaient une chapelle et une collégiale. Lorsque l'abbaye eut remplacé cette collégiale, la chapelle s'appela pendant longtemps la Vieille Abbaye, que antiqua abbatia solet dici.
Néel, par sa charte de fondation, affranchit son abbaye de toutes les redevances ou servitudes qui pouvaient lui être dues. Il lui donna la dîme de toutes ses terres, de ses moulins, de ses pêcheries, ainsi que des droits dans ses forêts et dans ses bois de Selsouëf, de la Colombe, d'Henneville, etc.
Vers l'an 1090, le même Néel le Vicomte, donne à l'abbaye de SaintrSauveur une charte dans laquelle sont énumérées les diverses donations qui lui avaient été faites. Il lui donne aussi, entre autres choses, la dîme de Saint-Sauveur, omnem decimam ejusdem ville, tant en denrées qu'en argent, l'église de Saint-Jean où s'assemblait la paroisse.
En 1104, Eudes le Vicomte et Raoul, évêque de Coutances, confirment à l'abbaye l'église de Grosville, et plusieurs concessions qu'Eudes lui-même lui avait faites.
Roger le Vicomte et Algare, évêque de Coutances, confirment, vers 1136, diverses donations que reçut l'abbaye de Saint-Sauveur au xi" et au xii** siècles, et dont une pancarte donne le détail.
Jourdain Tesson, Léticie, sa femme, et leurs fils Raoul et Roger Tesson, confirmèrent, vers l'année ii65, les donations faites à l'abbaye, et y en apportèrent d'autres le jour de la consécration de l'église.
Vers 4 no, Henri 11, roi d'Angleterre et duc de Normandie, confirme les biens de l'abbaye de Saint-Sauveur.
Léticie, veuve de Jourdain Tesson et dame de Saint-SauTeur, confirme, vers iiBO, à l'abbaye de Saint-Sanveur, la donation que lui a faite Roger de Turqueville, Rogerus de Torclevilla, dé quatre quartiers de froment à prendre sur le moulin de Méry, pour les posséder à toujours à titre d'aumône. Cette redevance annuelle était payable à la fête Saint-Michel.
Si l'on voit les églises, les abbayes et toutes les maisons religieuses attacher une grande importance à obtenir ainsi de nombreuses chartes de confirmation, non-seulement des donateurs et de leurs descendants, mais aussi des rois, des princes, des papes et des évêques, c'est que, dans ces temps de guerres et d'abus, on craignait toujours d'être violemment dépouillé ; c'est ainsi qu'en parcourant les grands rôles de l'échiquier de Normandie, on voit, d'après le rôle normand des oblats, que les barons et les grands seigneurs faisaient des dons au roi, afin d'être maintenus en jouissance de leurs terres, franchises et privilèges.
Raoul Tesson, après avoir pris la croix, donna, en 1188, à Dieu, à la bienheureuse Marie, et à l'abbaye de Saint-Sauveur, pour l'amour de Dieu et le salut de son àme et de ses ancêtres, l'ermitage de Sainte-Marie de la Colombe avec les revenus qui en dépendent, savoir : dix quartiers de froment sur ses moulins de la Roche et de la Colombe, et la dime de ses provisions en pain, en viande et en poisson, tant que lui ou sa femme demeurerait à la Roche, c'est-à-dire au château de la Roche-Tesson, près duquel Jourdain Tesson, son père, et Léticie, sa mère, avaient fondé le prieuré de la Couperie.
La famille de Harcourt, qui posséda le domaine de Saint-Sauveur jusque vers le milieu du XIVeme siècle, se montra la bienfaitrice de l'abbaye, la dota richement et y fit de grandes augmentations. On trouve des chartes de cette famille en &veur de l'abbaye depuis la moitié du XIIIeme siècle jusqu'au commencement du xiv* siècle. — Richard de Harcourt, qui mourut en 1315, fût un de ses plus grands bienfaiteurs.
L'abbaye avait un double devoir à remplir envers le seigneur de Saint-Sauveur, à chaque vacance du siège abbatial : celui de lui demander la permission d'élire un nouvel abbé, et celui ensuite de lui faire confirmer l'élection. |
||||||||||||
Vue de l’abbaye |
||||||||||||
L'abbé du Quesnoy est le dernier des abbés de Saint-Sauveur, dont le Gallia chrisiiana a donné la liste.
Après M. Duquesnoy, l'abbé de Choiseuil occupa le siège abbatial de Saint-Sauveur pendant fort peu de temps. M. de Nicolai, èvêque de Beziers, lui succéda, et occupait encore la place au moment de la suppression de l'abbaye. Mais alors, dit M. de Gerville, « il n'y avait plus de religieux, les derniers étaient morts successivement depuis la moitié du siècle dernier. Cinq prêtres séculiers avaient le titre d'habitués, Ilsétaient chargés de faire l'office
L'abbaye de Saint-Sauveur, d'après l'état de 1665, avait cinq prieurés dans le diocèse de Coutances :
Le prieuré de Salnt-Jouvin ou de la Luthumière, à Brix, fondé par Adam de Brix, vers 1106. Il valait 800 livres en 1665, et payait 66 livres pour les décimes ;
Le prieuré de Clitourps, fondé sous le vocable de saint Michel, par Henri II, roi d'Angleterre. En 1665, il valait 600 livres de revenu, et payait 60 livres pour les décimes;
Le prieuré de Notre-Dame-de-Selsouëf à Saint-Sauveur, fondé par Léticie Néel, femme de Jourdain Tesson, dans le XII* siècle ; en 1665, il valait 660 livres;
Le prieuré de Notre-Dame-de-la-Gouperie, à la Gcdombei fondé dans le XIIeme siècle par Raoul Tesson et Létticia, sa femme. II était de l'ordre de saint Benoit et payait sept livres de décimes.
Le prieuré de Sainte-Croix, à Virandeviile, fondé en 1197 , par Roger de Theurteville-Hague. Il valait 800 livres. Ce prieuré doit avoir été déclaré indépendant de l'abbaje.
L'abbaye de Saint-Sauveur avait, d'après le Livre noir et le Livre blanc, comme d'après l'état des paroisses de 1665, le patronage de plusieurs églises avec des droits de dîmes :
Dans le doyenné de Bwieville, Gouey, le Valdécie, Salnt-Picrre-d'Arthéglise ;
Dans le doyenné de Garentan, Auvers. L'abbé de Saint-Sauveur, après avoir été seul décimateur dans le doyenné de la Hague, n'avait plus, en 1665, que les deux tiers de la dîme et des herbages ;
Henneville. Le patron y avait les deux tiers de la dime ;
Dans le doyenné d'Orglandes, Liesville, l'IIe-Marie, Morville;
Dans le doyenné de Percy, la Colombe, Margueray ;
Dans le doyenné du Plain, Boutteville, Brucheville, Fresville, Houesville, Turqueville ;
Dans le doyenné de la Chrétienté, Anneville-sur-Mer. Suivant l'état de 1665, l'abbé de Lessay en aurait eu le patronage. L'abbé Lecanu l'attribue à l'évèque ;
Dans le doyenné des Pieux, Bricquebost, Brix, Couville, Flamanville, les Pieux, Saint-Christophe-du-Foc, Saint-Martin-le-Gréard, Tréauville, Virandeviile ;
A Bricquebost, le patron avait les deux tiers de la dime des gerbes ;
A Couville, le patron y percevait les deux tiers de la dime des blés ;
Aux Pieux, où l'abbé de Saint-Sauveur n'avait que le patronage d'une portion, il y était seul décimateur. En 1665, il avait le patronage de la petite portion ;
A Saint Christophe-du-Foc, l'abbé de Saint-Sauveur avait le patronage dans les XIIIeme et XIVeme siècles. L'état de 1665 l'attribue à l'abbesse de Sainte-Trinité de Caen, qui, déjà, dans le xni* siècle, avait les deux tiers de la dime des gerbes ;
A Tréauville, le Livre noir et le Livre blanc attribuuent le patronage à l'abbé de Saint-Sauveur ; l'état de 1665 le donne au prieur de Beaumont ;
A Virandeviile, l'abbé de Saint-Sauveur avait les deux tiers de la dime des gerbes ;
Dans le doyenné de Saint-Sauveur-le-Vicomte, Catteville, Saint-Remy-des-Landes, Saint-Sauveur-de-Pierrepont, Taillepied ;
A Saint-Remy-des-Landes, le patron et le curé se partageaient les dîmes ;
A Saînt-Sauveur-de-Pierrepont, le patron et le curé se partageaient les dîmes -^
Dans le doyenné de Valognes, Ecausseville, Sortosville, Saint-Germaîn-de-Tournebut, Vaudreville.
Pendant que les ducs de Normandie étaient rois d'Angleterre, l'abbaye de Saint-Sauveur possédait, dans le doyenné de Jersey, le patronage des églises de la Trinité, de Saint-Brelade, de Sisiint-Glément, de Saint-Hélier, de Saint-Jean, de Saint-Pierre. Elle avait aussi certains droits de dîmes sur les églises de Saint-Laurent, de Saint-Martin et de Saint-Ouen. A ce patronage, elle joignait des droits de dîmes.
En 1665, la part de l'abbé, dans les revenus de l'abbaye, était de 10 à 12,000 livres de rente ; en 1765, elle n'était plus que de 6,500 livres. Il payait, pour les décimes, 1055 livres, 15 sous, 3 deniers. Il payait aussi, en cour de Rome, 250 florins pour ses provisions.
L'abbé de Saint-Sauveur avait droit de séance à l'échiquier de Normandie.
L'abbaye avait un bailliage dont les appels, étaient portés au parlement de Rouen . En 1410, elle avait des fourches patibulaires à Doville. I1 n'appartenait qu'aux seigneurs haut-justiciers d'élever ainsi le signe extérieur d'une haute justice.
Antiquités romaines. — On trouve, sur le territoire de Saint-Sauveur-le-Vicomte, les traces d'un pavé romain dans la direction d'Alleaume à Pierrepont, où il existait, avant les ravages des Normands, une bourgade considérable qu'ils détruisirent. |
||||||||||||
|
||||||||||||
Marie-Madeleine Postel
Sainte Marie-Madeleine Postel, née Julie Françoise-Catherine à Barfleur le 28 novembre 1756 et morte à Saint-Sauveur-le-Vi-comte le 16 juillet 1846, est une sainte catholique, fondatrice de la Congrégation des sœurs des Écoles chrétiennes de la Miséricorde (1807).
Fille d'un cordier de Barfleur, elle est envoyée chez les bénédictines de Valognes, puis revient en 1776 dans sa ville natale ouvrir une école pour enfants pauvres.
Durant la Révolution, elle aide les prêtres traqués à fuir en Angleterre et organise des messes clandestines.
Le calme revenu, elle cherche à créer une communauté en direction de la jeunesse pauvre et fonde, en 1807, la Congrégation des sœurs des Écoles chrétiennes de la Miséricorde.
La congrégation s’installe successivement à Octeville-l'Avenel, Valognes et Tamerville, avant de trouver en 1832 dans la vieille abbaye bénédictine de Saint-Sauveur-le-Vicomte, datant du XIe siècle, sa demeure définitive, que les sœurs ont rebâtie. À sa mort, la bienheureuse sœur Placide Viel lui succède.
Elle a également ouvert un pensionnat de jeunes filles à Cherbourg.
Béatifiée en 1908, canonisée le 24 mai 1925, on la fête le 16 juillet.
Tombeau de Marie-Madeleine Postel en l'église abbatiale de St Sauveur le Vicomte
|
Statue de Marie-Madeleine Postel, Basilique de la Trinité de Cherbourg |
|||||||||||
Statue de Marie-Madeleine Postel, Abbaye de Saint Sauveur le Vicomte |
||||||||||||
Canonisation de Marie-Madeleine Postel |
||||||||||||
|
||||||||||||
Soeur Marthe.
Toute de discrétion et de labeur, Soeur Marthe est née à Percy le 2 décembre 1816. Aimée Lebouteiller, c'est son nom, entre en religion en 1841, huit ans après Soeur Placide. La communauté de Saint-Sauveur était en plein travail de restauration. Au premier moment elle s'attache à Mère Postel. Sa santé se trouvant en danger, elle reçut par l'intermédiaire de "sa Mère" la grâce de la guérison. Dès lors elle ne quitte plus la Maison Mère dont elle devient la "cellière", promise à la garde des provisions et à la charge des boissons. "Elle vit toujours recueillie, libre dans sa tête et dans son coeur pour aimer son Seigneur".
L'humble soeur est devenue conseillère de Mère-Marie-Madeleine puis celle de Mère Placide qui lui confiait ses préoccupations et les affaires les plus délicates de la congrégation. Soeur Marthe les portait dans sa prière et "rapportait ensuite le résultat de son dialogue avec le ciel". Humble missionnaire de la prière et du travail, elle mourut en 1883, comptée par la voix populaire au nombre des "Saintes de l'abbaye". |
Bienheureuse MARTHE AIMÉE LE BOUTEILLER, religieuse |
|||||||||||
Elle est déclarée bienheureuse le 4 novembre 1990.
On peut vénérer les reliques des trois Saintes dans le transept nord de l'église abbatiale. Une peinture représente trois arbres symbolisant les trois Saintes. "Mère Marie Madeleine un chêne, elle en avait la force, Mère Placide un tilleul, elle en possédait la douceur, Soeur Marthe un pommier, semblable à tous ceux du verger, mais le sien déborde de fruits savoureux".
Sœur des Écoles chrétiennes de la Miséricorde (✝ 1883)
Domestique, elle entra à vingt-six ans chez les Sœurs de la Miséricorde. Envoyée à la Chapelle-sur-Vire, elle tomba dans les eaux glacées du Marquerand en faisant la lessive. Elle échappa à la noyade mais resta paralysée des genoux: plus question de la garder au couvent. Désespérée, elle se confia à sœur Marie-Madeleine Postel qui décida de la garder ... et la guérit d'un signe de croix. Dès lors, elle ne quitta plus Saint-Sauveur, accomplissant, durant cinquante ans, les plus humbles tâches, le jardinage et le soin du cellier: il fallait chaque jour nourrir en légumes et en cidre frais les tables du couvent qui comptait alors cent cinquante personnes. |
||||||||||||
Mais sœur Marthe, apparemment vouée à la vie matérielle du couvent, n'en avait pas moins une vie spirituelle intense, et de grandes grâces. La mère Placide le savait bien, qui envoyait prier la petite sœur au tombeau de la fondatrice chaque fois que l'abbaye connaissait des difficultés. Et l'on dit, du côté de Saint-Sauveur, que jamais, tant que sœur Marthe s'occupa du cellier, le cidre ne vint à manquer: il semblait toujours miraculeusement réapprovisionné... Source: Liturgie des heures du diocèse de Coutances et Avranches 1993.
Au couvent de Saint-Sauveur-le-Vicomte en Normandie, l’an 1883, la bienheureuse Marthe (Aimée Le Bouteiller), vierge, des Sœurs des Écoles chrétiennes de la Miséricorde, qui, comptant entièrement sur Dieu, occupa pendant quarante ans humblement les tâches de |
||||||||||||
|
||||||||||||
Victoire Eulalie Viel |
Victoire Eulalie Viel (1815-1877), en religion Mère Placide, est née le 26 septembre 1815 au foyer d'Hervé Viel, au lieu-dit le Val Vacher, non loin de Quettehou dans le Cotentin, au cœur du Val de Saire.
Sa vie
Enfance
Baptisée le jour de sa naissance, Eulalie Victoire Jacqueline, l'enfant fut spontanément appelée Victoire en souvenir d'une sœur morte en bas âge qui portait ce même prénom. Ses parrain et marraine furent Jeanne Viel et Jacques Tournaille.
Elle fréquenta l'école du village tout en aidant ses parents aux travaux des champs et de la maison, et fit sa première communion avant l'âge requis, le curé de Quettehou, l'abbé Lepoitevin de Duranville l'ayant estimée apte à le faire. Selon les propres paroles de sœur Placide, rapportées ultérieurement, il lui avait dit : |
|||||||||||
« J'ignore, ma bien chère enfant, ce que Notre-Seigneur demandera de vous, mais je suis persuadé qu'il a sur votre âme des desseins tout particuliers, auxquels il faut dès maintenant vous préparer à répondre en l'aimant de tout votre cœur et en cherchant toujours à suivre son adorable volonté ».
Afin d'acquérir l'apprentissage normal des filles de cette époque, ses parents l'envoyèrent apprendre la couture chez une couturière du bourg, Madame Gil-les, où elle ne resta que quelques mois avant de rega-gner la ferme familiale
Victoire était une jeune fille saine, ro-buste, au caractère agréable, gaie, mais parfois aussi timide et un peu renfermée. Pendant toute son adolescence, elle prit à cœur d'enseigner le catéchisme aux enfants du pays, et de leur apprendre des cantiques.
Appel religieux
C'est en visitant régulièrement sa cousine, sœur Marie, religieuse à Tamerville, puis à Saint-Sauveur-le-Vicomte, qu'elle rencontra sainte Marie-Madeleine Postel, fondatrice des Sœurs des Écoles chrétiennes de la Miséricorde
Entrée à son tour dans cette congrégation, elle prend l'habit le 1er mai 1835 et reçoit le nom de Sœur Placide. Accueillie chaleureusement par la mère Marie-Madeleine Postel qui lui avait dit à son entrée au couvent que : « Les anges portent les croix de celles qui entrent de bonne heure au service de Dieu », elle fut d'abord préposée aux cuisines, tandis que la communauté tentait de reconstruire les murs de l'abbaye en ruine. Elle prononça ses vœux perpétuels le 21 septembre 1838, alors que la communauté adoptait les constitutions des Frères des Écoles chrétiennes.
Eglise de Quettehou Collection CPA LPM 1900
Les premières missions
Rapidement sa supérieure lui confia plusieurs missions. Le 20 août 1840, elle fut chargée de présider à la fondation d'une congrégation à La Chapelle-sur-Vire afin d'y accueillir les pèlerins de Notre-Dame de la Miséricorde. Elle lui facilita aussi la poursuite d'indispensables études que son enfance laborieuse ne lui avait pas permis de faire. Sœur Placide séjourna aussi à Avranches afin d'y installer un asile et un ouvroir, et le 1er janvier 1842, elle était élue assistante de la mère supérieure avec la charge du noviciat.
Les premières quêtes
La reconstruction de l'abbaye était longue et coûteuse, d'autant plus que le clocher, laborieusement rebâti, s'était effondré dans la nuit du 24 au 25 novembre 1842 lors d'une tempête. Il avait fallu toute l'énergie de la mère supérieure pour que les travaux puissent reprendre surtout que l'argent manquait. C'est alors qu'elle décida d'envoyer sœur Placide demander des subsides en lui disant : « Dieu veut que notre pauvre Institut se propage, mais il veut que l'église soit réparée. Il faut qu'on y travaille toujours et l'argent ne manquera pas tant qu'elle ne sera pas achevée : vous demanderez et on vous donnera.. Voici une lettre à l'adresse de la Reine des Français, partez pour Paris.. ».
Passant par Coutances afin d'obtenir l'accord de l'évêque, sœur Placide en compagnie de sœur Xavier, partit pour Paris. Elle fit ainsi plusieurs voyages : de janvier 1844 à juin 1844, d'octobre 1844 à avril 1845 et d'octobre 1845 à juin 1846
C'est à cette occasion qu'elle rencontra la reine Marie-Amélie.
Elle fit aussi une tournée en Bretagne, passant par Rennes, Nantes, Saint-Brieuc, à la fin du printemps 1845. Sou après sou, après de longues démarches dans les ministères et les administrations, les religieuses réussirent à obtenir quelques fonds pour la reconstruction de leur abbaye.
Mère supérieure
Le 16 juillet 1846 la mère supérieure, Marie-Madeleine Postel mourut. Lors de l'élection de la nouvelle supérieure, le 5 septembre 1846, ce fut sœur Placide qui fut élue, à l'unanimité moins deux voix. [1] Mère Placide, devant assumer la double tâche de l'administration matérielle et morale de l'abbaye, et de la recherche de fonds pour la reconstruction, reprit ses voyages et nomma sœur Marie assistante pour la représenter au monastère et en assurer la direction en son absence.
Voyages lointains
Partie de Paris, le 14 septembre 1849, mère Placide arriva à Vienne le 18 en passant par Bruxelles, Cologne, Berlin et Breslau. À Vienne, elle est reçue par la baronne de Pongrâce et rend visite au vicaire général de l'archevêque. Le 19 septembre, elle arrive au château de Froshsdorf où elle est reçue par Henri V et son épouse Marie-Thérèse. Sur le chemin du retour, mère Placide se rend à Potsdam et obtient une audience du roi de Prusse Frédéric-Guillaume qui lui fit aussi une offrande [2].
Fondations
À l'image de la fondatrice, mère Placide eut à cœur d'augmenter les effectifs de sa congréga-tion tout en donnant à ses filles une solide formation spirituelle.
Plus de 110 institutions furent créées, dont la plus importante fut celle de la Maison du Saint Cœur de Marie, à Paris, rue de Picpus.
Cet établissement, qui avait pour vocation d'assurer l'éducation d'adolescentes issues de milieux populaires, fut confié à sœur Élysée. Si les débuts furent difficiles, l'établissement devint ensuite florissant. De 50 jeunes filles accueillies en 1848, son effectif passa à 500 en 1870. |
||||||||||||
Notes
1 -la sienne et sans doute celle de sa cousine sœur Marie qui était la première compagne de la fondatrice
2- De grosses difficultés juridiques s'élevèrent en 1847 remettant en cause la reconnaissance légale de l'Institut, l'œuvre de Marie-Madeleine Postel risquant d'être anéantie. Est-ce pour obtenir des appuis ou pour, comme elle le faisait avant, récupérer des subsides, que Mère Placide entreprit ce long voyage étranger ? La raison en est inconnue (Cf R.Dorey - curé de Barfleur)
Dès 1862, une autre maison fut fondée en Allemagne, à Heilbad Heiligenstadt.
A la suite de la capitulation de Sedan, et de l'exode des populations civiles, l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte vit arriver les sœurs qui étaient en poste dans les territoires envahis, mais aussi des soldats blessés et mourants. Durant l'hiver 1870-1871, l'abbaye fut transformée en hôpital où les sœurs se dépensèrent sans compter pour soulager et réconforter les blessés. 8317 malades s'y succédèrent. |
Vitrail de l'église abbatiale représentant sœur Placide |
|||||||||||
La reconstruction de l'abbaye
En 1846, à la mort de Marie-Madeleine Postel, les murs étaient pratiquement reconstruits. En 1849, le chœur était achevé. Le 10 août 1855, il fut possible de transférer les restes de la fondatrice dans la chapelle de la Croix, à la gauche du transept, où un tombeau avait été aménagé à cette intention.
Peu de temps après, le 21 novembre, l'abbé Delamare venait bénir l'église pour l'ouvrir au culte, et c'est le même abbé, devenu entre temps évêque de Luçon, qui consacra solennel-lement l'église de l'abbaye en présence de l'évêque de Coutances.
Il fallut plus de 12 années pour que la restauration soit achevée, grâce à la pugnacité de Mère Marie-Madeleine Postel et de mère Placide ensuite.
La fin de sa vie
Mère Placide Viel s'éteignait le 4 mars 1877. La congrégation com-ptait alors 1100 religieuses et 104 écoles.
Elle a été béatifiée le 6 mai 1951 par le pape Pie XII, sa fête a été fixée le 4 mars.
Citations
« J'aimerais une maison remplie d'enfants et dans laquelle le Bon Dieu serait bien servi »
A propos de ses quêtes : « J'allais sans crainte ayant la foi la plus entière dans les paroles de ma Supérieure et persuadée que j'accomplissais l'œuvre de Dieu. »
« Si Jésus dit à un cœur impatient : sois patient, il le sera ; s'il dit à un cœur froid et peu charitable : sois brûlant et charitable, il le sera ; s'il dit à un cœur rempli d'affection pour le monde : sois détaché, aussitôt il sera changé. Qu'il est grand et puissant, celui qui opère tant de merveilles... » |
||||||||||||
L'abbaye Saint-Sauveur Collection CPA LPM 1900 |