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Mine du Plessis / par Emile Vieillard Extrait de : Annuaire de la Manche, 1875
INDUSTRIE ET COMMERCE TERRAIN HOUILLER DU DEPARTEMENT DE LA MANCHE
La cherté croissante de la houille, ou charbon de terre, que nous tirons de la Grande-Bretagne, a jeté l'alarme en Basse-Normandie, et, dès le mois de septembre 1872, la Chambre de commerce de Caen s'est demandé " si, pour conjurer cette situation, il ne serait pas utile de rechercher de nouveaux houillers dans le département du Calvados, et de tirer un meilleur parti de ceux connus jusqu'à ce jour. " Après enquête, la Chambre de commerce de Caen a exprimé le voeu, dans sa séance du 7 janvier 1873, que cette grave question fût soumise à l'examen des Ingénieurs des mines, et qu'il fût fait ensuite appel à la sollicitude du Conseil général du Calvados, soit pour encourager, soit même pour entreprendre de nouvelles recherches sur la formation houillère, incomplétement étudiée jusqu'à ce jour et comme en deux points seulement, à Littry et au Plessis.
M. l'ingénieur en chef Emile Vieillard, a été chargé de faire une étude, aussi complète que possible, sur les bassins de Littry et du Plessis, et cette étude est devenue une brochure ou plutôt un livre de 166 pages, in-8°, accompagnées de 5 feuilles de planches. L'ouvrage est intitulé : Le terrain houiller de Basse-Normandie, ses ressources, son avenir. |
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Notice descriptive, publiée sous les auspices du Conseil général du Calvados et de la Chambre de commerce de Caen, par M. E.-F. VIEILLARD, ingénieur au corps des mines.
Le premier chapitre est une description géologique du golfe du Cotentin, qui demande, pour être bien saisie, des connaissances préliminaires et l'étude du petit atlas joint à l'ouvrage. Nous allons citer le second chapitre presque en entier : il est consacré à la mine du Plessis qui est dans notre département.
HISTORIQUE
C'est en 1757, d'après les indications renfermées dans le tome II du Journal des Mines sur la découverte du gisement du Plessis, que furent entrepris, par Mathieu de Flandre, les premiers travaux d'exploration de cette mine. Ces travaux eurent peu d'importance et de durée, et, après avoir opéré la reconnaissance de quelques affleurements de houille, leur auteur abandonna, paraît-il, le Plessis pour porter ses recherches à Littry.
Plus tard, en 1778, un sieur Tuboeuf, ayant obtenu la permission d'exploiter la mine du Plessis, forma une compagnie et se fit donner, le 30 août 1781, la concession de toutes les mines de ce qu'on nommait alors le diocèse de Coutances. Des travaux d'exploitation furent entrepris au Plessis ; une veine de terre noire bitumineuse et quelques minces filets de houille furent suivis à l'aide de plusieurs tranchées et d'un puits profond de 73 pieds ; on s'attacha mal à propos, dit Duhamel dans le Journal des Mines, à poursuivre ces petites veines, qui donnaient à peine le combustible nécessaire pour la réparation des outils, au lieu d'atteindre, à l'aide de puits et de galeries, un niveau plus profond et des veines plus puissantes, et, faute de n'avoir pas employé alors les moyens convenables de tirer parti de cette mine, on fut forcé de l'abandonner, très-peu de temps après, en 1782.
Mais une compagnie, qui avait déjà fait près de Caen (à Feuguerolles, selon toute apparence) des recherches infructueuses de houille, vint porter ses travaux au Plessis en 1793 et obtint, par arrêté du Comité du Salut public du 17 avril 1794, une concession d'une durée de quarante-cinq ans et portant sur un périmètre de six lieues carrées.
Cette compagnie, représentée par les sieurs Bréban, Quétil de La Poterie et Busnel, entreprit des travaux considérables ; six puits (fosse Michel de Lanne, fosse intermédiaire, fosse de recherches, fosse Saint-Thomas, fosse Sainte-Anne et fosse Sainte-Barbe) furent successivement ouverts, et, de 1794 à 1811, il fut extrait de la mine du Plessis 185,000 hectolitres de houille, vendus au prix de 1 fr. 85 c. environ pour la forge et la chaufournerie.
Les travaux gagnant en profondeur, les difficultés que présentait l'épuisement des eaux, qu'on ne faisait encore qu'à bras d'hommes, devinrent bientôt insurmontables. Il eût fallu, dès cette époque, chercher à opérer cet épuisement à l'aide de moteurs à vapeur, et, faute de s'y être décidés, les concessionnaires se virent obligés d'abandonner, en 1811, les travaux d'exploitation de cette mine et de renoncer, le 26 novembre 1819, à la concession qui leur avait été accordée en 1794.
Cette renonciation ayant été acceptée par une ordonnance royale du 16 juillet 1823, la concession de la mine du Plessis fut à nouveau accordée, par une autre ordonnance du 13 mars 1828, au lieutenant-général comte de Montmarie, mais avec un périmètre plus restreint qu'en 1794 et ne présentant qu'une étendue superficielle de 4761 hectares.
Les travaux d'exploitation de cette mine, un moment remis en activité en 1829 et en 1830 (puits de l'Espérance, sondages divers), non par le nouveau concessionnaire, mais par des personnes auxquelles M. de Montmarie s'était hâté de céder la propriété de la mine du Plessis, furent suspendus ensuite jusqu'en 1836, par le fait d'un procès intervenu entre le vendeur et les acheteurs de la mine et de la faillite de ces derniers. Remise entre les mains du concessionnaire de 1828, la mine du Plessis devint, en 1835, la propriété de la société en commandite Fantet et Cie, qui, de 1836 à 1843, y fit opérer des travaux considérables (puits de la rue de Beaucoudray, fonçage du puits Saint-Louis et du puits Fantet, approfondissement du puits Sainte-Barbe, sondages divers, canal du Plessis à Baupte, constructions multiples) et donna à l'extraction toute l'activité compatible avec les débouchés encore restreints que rencontraient alors les produits de la mine du Plessis. 300,000 quintaux métriques environ de charbon furent extraits pendant cette période et vendus de 1 fr. 60 à 1 fr. 80 les 100 kilogrammes. Les ressources que procurèrent ces ventes furent absorbées, ainsi que le capital social, par les dépenses exagérées et tout au moins intempestives que fit sur la mine le gérant de la société Fantet, de telle sorte qu'en 1843, cette société, à bout de ressources, dut opérer sa liquidation qui fit passer la propriété de la mine du Plessis entre les mains du comte de Castellane, dans le courant de 1845.
Ce changement de mains donna momentanément un regain d'activité aux travaux de la mine ; les puits de Béthune, de recherches et Castellane furent successivement foncés, attaquant une région inexplorée jusqu'alors de la concession, quand survinrent les événements de 1848, à la suite desquels les travaux de la mine furent à nouveau suspendus. Ils ne furent repris qu'en 1851, époque à laquelle fut décidée l'exécution dans le marais du Plessis d'un grand sondage dont nous rendrons compte dans les pages qui vont suivre.
Ce sondage, terminé en 1854 sans avoir donné des résultats d'une netteté suffisante, les travaux de la concession du Plessis furent encore suspendus pour n'être repris qu'en 1858, sous la direction de M. Brochot, sous laquelle fut explorée, pendant deux ans, une nouvelle région de la mine, par les puits Denis, de la Sonde, Félix et quelques sondages.
Cette reprise des travaux toucha à sa fin en 1859 et, depuis lors, la concession du Plessis n'a plus été l'objet d'aucuns travaux sérieux et suivis. La mort du comte de Castellane, survenue en 1861, fit, il est vrai, passer entre les mains de mineurs la propriété de cette concession et suspendre, en conséquence, la remise en exploitation de la mine ; les héritiers de M. de Castellane cherchèrent alors à se défaire de cette propriété, et ils l'auraient assurément déjà vendue, s'ils n'avaient pas demandé de la concession du Plessis un prix d'achat assez élevé et plutôt sur les dépenses qui, à tort ou à raison, avaient pu être faites antérieurement sur cette concession que sur les avantages immédiats que pouvait procurer son exploitation.
Ce rapide historique montre combien, depuis la fin du siècle dernier, de laquelle date le commencement d'exploitation sérieuse de la mine du Plessis, la propriété de cette concession a changé fréquemment de mains ; il en devait être et il en a été de même de la direction et de la conduite des travaux, et c'est là qu'il faut chercher, beaucoup plus que dans la pauvreté du gisement ou les difficultés matérielles de l'exploitation, la véritable cause des insuccès continus dont la mine du Plessis a été le théâtre.
Tel nouveau propriétaire de cette mine, qui plus est, tel nouveau directeur a tenu, dès les premiers mois de son achat ou de sa gestion, à demander à ce gisement des produits immédiats, aux risques de compromettre l'avenir, et c'est ainsi que, presque partout où se montraient des affleurements de houille, les entêtures de couches ont été fouillées près de la surface, de façon à rendre par la suite fort onéreuse, sinon impossible, l'exploitation en profondeur, en raison des difficultés de l'épuisement.
Enfin, comme nous l'allons montrer en faisant connaître la constitution géologique du gisement du Plessis, aucun des propriétaires de cette mine n'a entrepris de travaux d'exploitation là où il convenait cependant de les exécuter, du côté du marais de Gorges et loin des affleurements et de la région tourmentée par les épanchements porphyriques. Une tentative seulement a été faite dans cette voie par M. de Castellane au moyen du sondage de 1852 ; mais il n'en a pas été tiré tout le parti possible, en sorte que de nouveaux sondages seront vraisemblablement encore à faire avant d'entreprendre dans le marais le foncement d'un puits profond et l'exploitation de la région qui constitue l'avenir réel de la concession du Plessis. |
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