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Les « Canes » de Villedieu-les-Poëles Georges Dubosc La Normandie Illustrée Avril 1926.
Au moment où l’on se plaint de la disparition de la main-d’œuvre agricole dans nos départements normands, il est peut-être intéressant de connaître les particularités du ramassage du lait dans nos campagnes. C’est une besogne absolument rurale. Dans la Haute-Normandie, les servantes de ferme ou les petits vachers recueillaient le lait tout chaud dans des seaux de fer blanc, souvent suspendus à un bar ou jouquet en bois, permettant de transporter sur les épaules, deux seaux à la fois. C’est l’usage le plus répandu en pays normand et maints dessins ou croquis d’Hippolyte Bellangé et d’Eustache Bérat en témoignent. | ||||||||||||
Toutes ces canes à lait, si originales, comme tous les coquemars, chaudrons, bassines, poëlons, bassinoires, toute la dinanderie de Basse-Normandie, était repoussée et martelée par les paelliers, de Villedieu-les-Poëles, colonie venue d’Auvergne ou même de plus loin, amenée peut-être par les Templiers qui avaient là une commanderie. Tout le matériel de la ferme et tous les ustensiles de la cuisine, dans leur variété étaient l’œuvre de ces habiles artisans de Villedieu, qu’on appelait les Sourdins. Pour la plupart, attachés traditionnellement à leur métier, appris dès l’enfance, ils travaillaient dans l’atelier familial, retentissant toute la journée du bruit des marteaux maniés en cadence. On n’a signalé dans ces parages qu’en 1907, l’installation, à Saint-Chevreuil-du-Tronchet, d’une usine utilisant la force hydraulique. Les paelliers de Villedieu ont d’autant plus de mérite à conserver leur métier ancestral, qu’ils sont tant soit peu éloignés des centres miniers et qu’il leur faut s’approvisionner de vieux cuivre en Bretagne ; à Laigle, pays des épingles ; dans les îles anglo-normandes, ou aux fonderies de Romilly-sur-Andelle, dans l’Eure, et aux usines métallurgiques de la Nièvre. | CPA collection LPM 1900 | |||||||||||
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Ainsi sont fabriquées ces belles canes normandes et ces pots à lait, martelés et guillochés, dont on commence à faire collection... | ||||||||||||
Deux ou trois fois par jour, les servantes s’en allaient ainsi, canes en main pour traire les vaches jusqu’à épuisement, car les maîtresses de ferme du Bessin, savent que le lait qui sort en dernier lieu est le plus riche en crème. Usage tout à fait particulier, original et pittoresque spécial aux Coutançaises, les servantes portent encore allègrement, sur l’épaule gauche, la cane de cuivre poli, si bien repoussée qu’elle brille de mille reflets d’or...
Parfois aussi les canes sont apportées à la ferme, par un petit cheval, occupé presque exclusivement à cette tâche, ce qui lui fait donner le nom de « trayon ». | CPA collection LPM 1900 | |||||||||||
Dans le Bessin c’est aussi un petit âne, qui porte les canes » de cuivre des deux côtés de son bât et la servante se juche au milieu, les jambes ballantes, comme elle peut. Enfin d’autres, comme nous l’avons dit, se contentent quand elles n’ont que deux cruches à porter, du jouquet. Du reste, ces jouquets en bois, jouèrent un rôle glorieux dans l’histoire normande. En 1003, quand une armée ennemie fort nombreuse envahit le Val-de-Saire, les femmes se joignirent aux hommes et toutes combattirent rudement, dit Guillaume-de-Jumièges, avec des bâtons servant à porter leurs cruches de lait, vectibus hydriarum suarum excerebrantes.
Georges DUBOSC. | ||||||||||||
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