VILLEDIEU-LES-POELES

  CC 35.09 INTERCOM DU BASSIN DE VILLEDIEU
   
 

HISTOIRE  -3/3

         
 

Villedieu les poëles, collection CPA LPM 1900

 
         
 

Dès-lors Villedieu n'a plus d'histoire : les seuls événemens qu'enregistreront ses annales sont le passage ou la visite de quelques personnages célèbres. Mais ce qui lui appartient en propre, c'est la gloire de ses enfans: ils sont remarquablement nombreux pour une petite ville. Raoul de Villedieu, fut le vingtième abbé du Mont SaintMichel , à jamais célèbre par la construction de son merveilleux cloître. Il mourut en 1236. Geoffroy le Charpentier ou le Boucher, Carnifex, fut élu évêque d'Avranches en 1293 : « Magister Gaufridus dictus Carnifex de Villa Dei, » dit le Livre Vert. Un grammairien et mathématicien célèbre du XIème  siècle est Alexandre de Villedieu , chanoine d'Avranches , dont les livres pédagogiques furent longtemps les guides des écoles du Moyen-Age. Il est auteur: 1" d'une grammaire en vers, presque tous léonins, datée de 1209 , sous le nom de Doctrinale puerorum , ou de Grammatica versibus descripta; 2° du Traité du Comput, ou calcul des fêtes religieuses; 3° un Traité manuel, ou calcul des mains pour le même objet; 4* rin Traité de la Sphère; 5" l'Art de Compter ou de VAlgorisme. La commune pour cette période, écrits avec la chaleur emphatique do style messidor. Les Vendéens ayant abattu l'arbre de la liberté, il fut relevé au chant d'un hymne où il y avait cette strophe: Arbre chéri des sans-culottes, Far leurs bras tu 'fus défendu; Planté par les patriotes, Les tyrans t'avaient abattu. Si jamais les aristocrates voulaient insulter ton bonnet, Chacun de nous le défendrait, Et nous dirions aux démocrates: Aux armes, citoyens, etc. i II a été l'objet d'une Notice par M. Ph. Loyer. Buttttin de ta Socièti d'archéologie. « Villedieu fournit un martyr dans la personne de G. Le Ccrvoisier, cordelier de Valognes.... de G. Servaserio martyre scribk Gonzaga... sub Calvinistarum manibus martyrium subiits. » Guillaume Le Moine, né à Villedieu, selon M. Cousin vers 1535, selon Masseville en 1528, fut un grammairien distingué: il est l'auteur d'un Dictionnaire latin-français. Gilbert de Villedieu fui le prédicateur de Marie de Médicis. Son frère fui un médecin célèbre. Larache de Préville, né à Villedieu-les-Poêles, mourut en 1760, auteur de la Théorie des Accouchements

 
         
 

Le général Huart, tué à la bataille de la Moskowa, et le colonel Pite!, naquirent à Villedieu. Deux députés à la Convention étaient originaires de cette ville, MM. Engerrand et Laurence. Un courageux explorateur , mort en 1844 , était enfant de Villedieu , M. Joseph Huart , pharmacien de la marine au Sénégal, enlevé par les fatigues de ses explorations dans l'intérieur de l'Afrique. Ses Relations viennent d'être publiées dans une œuvre collective par le gouvernement. Mais Villedieu a eu une série d'hommes nobles et distingués dans les chefs de sa Préceptorerie ou Commanderie, célèbres « par leur piété, leur charité, leur valeur », chevaliers de St-Jean-de-Jérusalem et ensuite chevaliers de Malte. De leur Commanderie de Villedieu dépendaient le Pont-Brocard, les Chéris, Chérencey-le-Héron , Ouville, Bailleur, etc. Ils avaient une justice spirituelle, avec un officiai, un gardedes-secaux, un appariteur et des gardes , tous nommés par le Commandeur. Cette cour ecclésiastique siégeait dans la chapelle du Rosaire de l'église paroissiale, et plus tard dans l'Audience, du Bourg.

 

La prison était un appartement du manoir seigneurial. Son pouvoir consistait à donner dispense de bans, d'abstinence, et dans d'autres priviléges étendus et peut-être excessifs dont le détail ne peut entrer ici.

 

Villedieu les poëles, collection CPA LPM 1900

 
         
 

La justice temporelle était un bailliage vicomtal, divisée en haute, basse et moyenne justice , avec un bailli, un lieutenant-général , un procureur, etc., siégeant dans une chambre en face des halles, près de cette jolie maison sculptée du xvr siècle, ou l'Hôtel-Saint-Michel, sur laquelle on lit: 0 tu, Mater Dei, miserere met. » Sur le lambris de cette chambre étaient les armes de cette justice: « de gueules à U otelles d'argent en sautoir supportées par deux licornes. » L'exécution à mort avait lieu en face. La Commanderie avait les droits de trois foires, le havage et des dîmes partagées avec l'abbaye de Lisieux. Il serait difficile d'établir la série des Commandeurs et des baillis; c'est d'ailleurs une œuvre solennelle que les auteurs de l'Histoire Manuscrite n'ont abordée qu'avec crainte: « Il serait à propos de faire l'éloge de MM. les chevaliers, com. et sr de ce lieu; mais comme il n'appartient qu'à des plumes disertes de vanter des Alexandres et des Césars, nous allons rapporter seulement ceux dont nous avons pu faire la découverte. » Frère Pierre de Souchamp fut nommé commandeur en 1318. Frère Geoffroi, Parisien, fut commandeur en 1330. Frère Jean Bouquet en 1383. Frère Claude de La Sangle, commandeur de Villedieu, devint chef de la Langue de France. Ses armes étaient sur le rétable du maître-autel de l'église paroissiale. Frère P. Lamey, commandeur de Villedieu, fut inhumé dans l'église de Villedieu-les-Bailleul. Frère Routieu. Frère de Varnières, commandeur en 1577. Frère de Montigny, nommé en 1580 : ses armes furent mises sur le côté droit de la vitre de la sacristie de l'église, échiquetées d'argent et d'azur, à la bande et au chef de gueules à la croix d'argent, avec cette légende: « Ch. de Montigny dont les vertus ont paru fit mettre ces vitres... que le grand Dieu souverain lui pardonne après la mort au ciel, 1585. » Frère Ch. de Gaillardbois dont les armes étaient sur la gauche de la même vitre, A'argent à 6 annelets de sable, avec ces mots: « ... A fait placer les vitres du rond-point de l'église de ce lieu à ses plans. » Frère d'Apremont. Frère du Breuil, commandeur en 1629. Frère Al. d'Elbene. Frère de Randeville. Frère Jean de Caillemer, 1659. Frère J. de Thieuville, mort en 1683. Frère de Rochechouard dont nous avons parlé. Frère J. de Bellefontaine, illustré par une victoire navale sur les Turcs. F. de Cominge, qui fit faire le Terrier en 1710.

 
         
 

L'étymologie de Villedieu, que les savans modernes ont faussement appelé des noms grecs Theopagus, Theopolis, a fort embarrassé les deux jeunes auteurs de l'Histoire Mss., « puisque Dieu seul est l'auteur de toutes choses. » Toutefois, ils se tirent d'affaire en disant que « ceux qui donnèrent re nom de Ville de Dieu étaient sans doute conduits du Seigneur, à dessein d'engager par ce noble nom plus particulièrement à son service les habitans de Villedieu. » Ils citen.t ensuite ces vers d'un poète, ou plus probablement de deux: 

 

Villa Dei veri« merita celcùranda vidclur;  Namtlue tIuod esse polest noinen amubiliusNe dicas temeri hoc adeà vencrabila namen   Immeriti aut dubia sorte fuisse dutumVilla Dci nomen nunquam irnn grande tu lisse, Ni daret et pietas relligioque loci.


Toutefois, le nom de "Villedieu était le nom commun des Commanderies de Saint-Jean-de-Jérusalem :

 

C'est le nom que leur donne Walter-Scott, et celle de Villedieu-de-Saultchevreuil ou les Poêles, par exemple, avait dans sa dépendance Villedieu-les-Bailleuls, Villedieu-Andragesin, Villedieu-de-Montchevreuil. M. de Brebisson signale à Villedieu une plante rare, la Chondrilla juncea.

 
 
         
 

Des renseignemens Bous y signalent la Lobélie, la Valériane, l'Ancolie '. La Campanula rotitndifolia y est commune. Nous avons dit que la population de Villedieu avait conservé dans son patois des expressions intéressantes ; nous en avons recueilli un certain nombre: Arroqueter (accrocher); achocre (maladroit); bôner, probablement de borner (bander les yeux); brouailler (brédouiller) ; cavré (aqueduc) ; choquette (boire une choquette); édumer un arbre, une haie (dumus) , essarter; échlipper (éclabousser) ; élingue, fronde (sling) ; épeautrer (enlever la peau); éréner (briser les reins); échapelet ( table trouée où on lustre la face interne de la poêle ) ( de chapelet- ); flumes (expectorations abondantes) (fluere); hecquoter (parler difficilement); comborer (comploter); sertiller (arrondir); galotter (carillonner, de gala); beuille (abdomen saillant); élugir (étourdir, Roquefort); houler (exciter à se battre); verdre (verser la fonte ) ; ainderesse (femme qui aide) ; foie (foyer); comorner (redresser); bigorne (enclume à deux pointes) ; brille-en-I'air (gros marteau); horsain (étranger); hannequiner (agir péniblement) ; jodu (sourd, j'ouis dur); înouronné (couleur de mouron ou salamandre); trot tins ( pattes antérieures d'un mouton); verver (répéter la même chose); hogu (hautain, de hogue); forbannir; soospirance'; falle2 ; failtie (gâteau) ;écœurer (décourager) , cœuru (courageux ou dispos); fallace (fallacia); pigner (crier en pleurant); vouster (voltiger, Roquefort) ; faire des sciences et des chères; salivet (étouppe mouillée) ; noche ou oche (notch) ; porjeter (récrépir , to porjet) ; muler (s'entêter et garder le silence); ktudivi (supériorité); hergner (se plaindre, Roquefort) ; roumancer (gronder , id.) ; mezel (ladre); heunes (douleurs dans les jambes); avorible (précoce); brucher (heurter), etc. Aujourd'hui, Villedieu a un intérêt tout particulier pour l'antiquaire. Dans ce vaste creuset sont venues se foudre des richesses à jamais regrettables, statuettes, médailles, coins, armes. Maintenant on y trouve encore en abondance ces objets, et surtout ceux qu'on appelle haches, et qu'on pourrait peut-être appeler javelots celtiques.

 
     
 

Villedieu les Poëles, CPA Collection LPM 1900

 
     
 

En terminant cette longue course, à travers des siècles grands ou merveilleux , et à travers une belle contrée, nous éprouvons un double sentiment : une satisfaction et un regret. Dans les limites de nos faibles forces, nous avons travaillé à l'édifice de l'histoire nationale, dont l'architecte se trouvera quand toutes les pierres auront été taillées, toutes les image» peintes ou sculptées, tous les détails ciselés ; nous avons, soldat obscur, mais dévoué , servi, sous les drapeaux de l'histoire, la patrie, dont l'avenir découle du passé, et qui puise une partie de sa force dans les souvenirs de la gloire et du dévouement de ses enfans; nous avons peut-être quelquefois réchauffé l'érudition par la poésie, et vivifié les faits par la pensée : peut-être, dès-lors, aurons-nous dissipé quelques préjugés contre l'archéologie; nous espérons que notre illustration d'une belle contrée contribuera à faire aimer le pays, et imposera au présent l'imitation de ce qu'il y a de beau dans le passé,-et que nos études biographiques, en montrant que rien ne s'oublie, aideront au développement de la vertu; à cette heure où la littérature morale périclite, où la lumière des études intellectuelles s'éclipse devant l'éclat des sciences de la matière, nous avons jeté notre petit rameau sur le foyer sacré. En ouvrant quelques perspectives nouvelles sur le sol de l'Avranchin , peut-être aurons-nous facilité a quelques intelligences ce développement qui naît facilement de la nature comprise et de l'histoire localisée ; peut-être enfm , et c'est une gracieuse illusion qui nous a souvent souri dans notre travail, recevrons-nous quelque approbation de cœur et d'estime morale , fortifiant des sympathies déjà formées , ou en faisant naître de nouvelles , amitiés mystérieuses qui naissent de la communion des sentiments et des idées. Mais ce n'est pas sans peine que nous disons adieu à une œuvre qui était depuis longtemps l'objet de notre affection , le centre de nos idées, le champ de notre activité intellectuelle, le repos et comme le remède au milieu d'autres travaux pénibles et ingrats pour le cœur et l'intelligence, l'oubli des douleurs jetées sur le chemin de notre vie, la dette qu'on se plaît à s'imposer comme un devoir, et qu'on amasse avec tous les soins d'une conscience timorée, un confident, un ami pour lequel on craint le grand jour, l'indifférence ou l'hostilité. Nous avons eu plus d'une fois le regret, dont l'expression fera peut-être sourire quelques lecteurs fatigués, d'avoir analysé des documens, d'en avoir mutilé quelquesuns , d'en avoir écarté d'autres , trop gêné que nous étions dans les limites, plus d'une fois reculées cependant, qui nous emprisonnaient. Toutefois, en avouant sincèrement notre insuffisance littéraire et scientifique , nous affirmons n'avoir obéi, dans nos récits , qu'à des sentimens honnêtes et étrangers à toute prévention personnelle; nous n'aurons failli que sur les voies que nous croyions être celles du bien ou du beau, et nous n'avons cédé à d'autres intérêts qu'à ceux de la poésie, pour la forme, et à ceux de la vérité, pour le fond.

 
     
 

Villedieu les Poëles, CPA Collection LPM 1900