VILLEDIEU-LES-POELES
  CC 35.09 INTERCOM DU BASSIN DE VILLEDIEU
   
 

HISTOIRE  -2/3

         
 

VIlledieu les poëles, collection CPA LPM 1900

 
         
 

L'église de Villedieu avait son sceau particulier: une charte du Livre Vert, de l'an 1256, mentionne « autenticum sigillum eccl. de Villa Dei de Saltu Câpre » Il s'agit sans doute de l'église romane dont nous avons indiqué quelques vestiges dans l'édifice actuel. Alors l'ordre de Saint-Jean était dans toute sa gloire et sa fortune, et notre souvenir évoque dans cette localité ces religieux militaires, si bien peints par Walter - Scott, qui retrouvait aussi des Villedieu dans sou pays. On les voyait on grand nombre, nobles et riches, autour de leur Commanderie, qui portait à son gable, leur croix de fer, vêtus de leurs manteaux noirs, avec une croix de toile blanche à huit pointes sur la poitrine , symbole de leur cœur, défi jeté à l'ennemi.

 

Villedieu de Saultchevreuil est cité dans un Mystère du xive siècle, intitulé le Miracle de Nostre Dame de Robert le Dyabte, dans un passage intéressant. Le duc de Normandie, ne sachant quelle mesure prendre envers son fils, Robert le Diable, prend le parti de le mettre au ban, et charge Huchoii de crier ce ban jusqu'à Villedieu de Saultchevreuil:

 
         
 

« Huchon, or tost, coin diligcns,

  Va-t-en ou marchié, ne detries (tarde)

  Et là, pour bani Robert cries

  El tuuz ceulx qui sont de sa sorte

  Et que nulz ne les rcconforte;

  Mais c'on se painne de les prendre

  Et d'emprisonner sans attendre;

  Et quant ainsi crié Taras ,

  De tille en ville t'en iras

  Ainsi crier, sans laissicr Heu

  Quoiqu'il soit jusqua Ville-Dieu

  De Sanchemel -. »

 

Dans ce siècle, Villedieu fut entouré de fortifications, ainsi que le raconte un titre local: « J. de Vienne, admirai de France, ayant eu ordre du roy de visiter le pays de Normandie, fit rapport au roy qu'il seroit chose nécessaire et profitable que la ville et église de Villedieu de Saultchevreuil fût fortifiée et emparée pour tenir frontière aux Auglois de Cherbourg. Sur quoy frère Berard de Vienne, prieur de l'hospital de France, obtint de Charles vi qu'il luy fût permis de mieux fortifier et emparer laditte ville qu'elle n'estoit... . Ce fut en ce temps que furent basties les portes et les murailles avec les fortifications. »

 

Collection CPA LPM 1900

 
         
 

Nous avons les termes même de la charte de Charles vi, « pour clore, fortifier et fessoyer Villedieu. » C'est Froissard qui nous parle « d'une chevauchée des Anglois de Chierbourg « sur Villedieu, à l'occasion de laquelle fut demandé et obtenu le droit de fortifier en 1385.

 

En 1406, le roi Charles vi donna des lettres-patentes pour l'établissement de la corporation des poêliers de Villedieu: « Pour le mestier de poeslerie en la ville de Villedieu de Saultchevreuil », ou selon la traduction latine: « In Villa Deide Saltu Caprioli. » Ces lettres, confirmées par Charles VII en 1428 et en 1434, sont des monumens très-curieux des maîtrises et de l'association au Moyen-Age, ainsi que d'inléressans documens sur l'industrie locale. Nous regrettons que leur étendue nous empêche de les citer.

 

En 1460, l'évêque de Coutances, le cardinal de Longueil, fit une ordination dans l'église de Villedieu, ensuite dans celle de la Haye et celle de Granville. Ces ordinations s'appelaient ordinations de tournée « per turnum » et comprenaient les Ordres mineurs4. La première éducation cléricale était alors faite dans les presbytères.

 

Vers 1540 , Cenalis écrivait sur cette localité: « Sitb hicrarchicâ ditione Constantiarum est Theopolis, vulgà Villedieu,  ad amnetn Sienncu, caldarii s artificibus oppidum sentais'. »

 

En 1562, une troupe de gentilshommes et de soldats saccagèrent Villedieu, et brisèrent les croix qui depuis se sont appelées « les Croix-Brisées. » En 1571, un incendie y dévora deux cents maisons.

 

Dans les troubles de la Ligue, en 1595, des habitants des paroisses voisines, appartenant au parti calviniste, firent irruption sur Villedieu et s'emparèrent de l'église. Embusqués dans le clocher, ils tiraient sur les bourgeois. Ceux-ci bloquèrent l'église, en fermant les portes avec des tonneaux pleins de terre. Pendant ce temps, de Vicques, gouverneur d'Avranches, celui qui avait pris le Mont Saint-Michel sur les Calvinistes, fut appelé, et les assiégés, pressés par la faim, furent percés à mesure qu'ils sortirent de l'église. Toustain de Billy donne aux Calvinistes pour chef les barons de Cérenccs et de Dragueville.

 

Le XVIeme et le XVIIème siècle sont assez remplis de faits pour l'histoire de Villedieu, faits plus nombreux qu'importants, comme cela a lieu généralement pour ces temps, mais qu'une histoire locale ne peut omettre.

 

Dans ce XVIIème furent bâties les halles « magnifiques, dont Toustain de Billy et nos jeunes historiens ont donné la description. Elles étaient entourées de porches, et auprès était le pilori, avec son carcan de fer.

 

En 1606 furent plantées deux croix sur le lieu dit les Croix-Brisées, où l'on voit encore un pupitre en pierre : « Ce lieu servait de sépulture pour les corps morts de la peste ou de la lèpre. L'on y met encore aujourd'hui les enfants privés de la grace baptismale. Au bout de cette place commence un ancien pavé, si bien travaillé qu'on n'en voit guère de semblable. Il a été construit, dit-on, par le Sir de Mesnil-Garnier. » En 1628, il mourut à Villedieu plus de deux cents personnes d'une maladie qui ressemblait à la peste.

 

En 1632 , un grand incendie arriva , lequel fut causé par un feu d'artifice que tirait un nommé Le Herpeur, à qui ce malheur fit donner le nom de la Falmèche : le haut de l'église fut brûlé, et plus de cent maisons. « Le belfrey qui porte les cloches fut refait en 1632, avec le dosme de la tour. »

 

En 1696, M. de Rochechouart, commandeur, fit faire de grands travaux dans cette île Bilheust, dont les divers points ont des noms intéressans, le Bieu, le Havre, la fontaine du Rossignol ou du Secours. Des vitraux furent mis à la chapelle Saint-Biaise : on y voyait un écusson de gueules à la croix d'argent, surmonté d'un aigle d'or, entouré du chapelet de l'ordre de Saint-Jean. Un autre écusson en pierre fut apposé au-dehors, représentant une fouine passant sur un chef abaissé et une rosette au-dessous, le même qui ornait la troisième clef de voûte du chœur de l'église. L'île Bilheust renfermait encore un moulin, dont M. de Rochechouart fit les elidesoa pierrées, et un four banal. Lesarmes de ce commandeur furent aussi sculptées sur le Pont-de-Pierre, qu'il fit réparer.

 
     
 

Villedieu les Poëles, CPA Collection LPM 1900

 
     
 

En 1683 fut faite la chaire de l'église, et eut lieu un incendie.

 

Les annales locales sont pleines, pour ces temps, d'incendies dont les causes sont variées : c'est la chute de la foudre sur l'église, c'est mi feu d'artifice , c'est l'embrasement d'un tonneau d'eau-de-vie, du four à ban, de l'écurie du Louvre, etc.

 

La poste aux chevaux fut établie en 1704.

 

L'hôpital fut fondé, en 1717, par la charité de Jean Gastey, • qui a mérité d'avoir son éloge parmi les citoyens les plus recommandables de Villedieu, sa patrie... L'assiette de cette maison est dans un bel air... dans un lieu honoré du nom de paradis...' »

 

Une disette affligea le pays en 1725 ; mais, grace à l'association, elle fut moins cruelle à Villedieu qu'ailleurs : « Les pauvres du métier de poêlerie furent soulagés de la bourse commune. »

 

Vers 1760, Jean Besnou , syndic de Villedieu , fit venir de Paris un ouvrier argenteur, nommé Michot, qui apporta dans cette localité cette industrie, et l'enseigna à Briens, dit Joli-Bois. Le même Jean Besnou introduisit le travail de la dentelle, lequel, de Villedieu, a été transporté à l'hospice de Pontorson

 

L'année 1798 fut signalée par l'écroulement d'une voûte de la nef. C'est vers ce temps que fut fait le portail actuel qui remplaçait une vieille porte mal construite et sans caractère : mais ce siècle est clos par un des évènements les plus remarquables de l'histoire de Villedieu.

 

Le 15 novembre 1793, une trentaine d'éclaireurs de l'armée vendéenne venant d'Avranches, entrèrent inopinément à Villedieu. On ne leur opposa aucune résistance. Ils se contentèrent de brûler les papiers de la mairie, d'abattre l'arbre de la liberté, de boire le vin du maire, du commandant de la garde nationale, et d'autres citoyens. Malheureusement, leur petit nombre fut la cause d'une grande calamité. Le dimanche 17, un certain nombre d'habitants, aidés de quelques paysans de Beslon, voyant arriver vers une heure après-midi un petit nombre de cavaliers, qui formaient l'avant-garde d'un corps de deux à trois mille hommes, ayant de l'artillerie, pensèrent qu'ils n'étaient pas plus nombreux que le vendredi... Aussitôt ils tombèrent sur les Vendéens et les exterminèrent. Ceux qui s'échappèrent furent donner avis à la troupe qui arrivait. Les soldats vendéens arrivèrent en toute hâte, massacrèrent tous les hommes qu'ils purent rencontrer , saccagèrent la ville , et y restèrent jusqu'au lendemain , pour s'en retourner à Avranches. » Tel est le récit que nous en a fait un témoin oculaire.

 

MTM" de Larochejacquelein raconte les faits à peu près de la même manière : « M. de Larochejacquelein partit avec sa cavalerie pour s'emparer de la Ville-Dieu. Dès qu'on vit qu'il était question de prendre une route qui ne ramenait pas au bord de la Loire, les paysans s'attroupèrent et demandèrent à grands cris qu'on les reconduisît dans leur pays.... M. de Larochejacquelein avait été jusqu'à la Ville-Dieu avec Stofflet; il n'y avait pas de garnison. Les habitans se défendirent avec acharnement; ils prirent d'abord et massacrèrent quelques cavaliers qui étaient venus en éclaireurs. Quand on fut entré dans les rues, les femmes jetaient des pierres par les fenêtres. Henri leur cria plusieurs fois de se retirer, puisqu'on ne tirait pas sur elles ; elles continuèrent à s'obstiner. On fit tirer quelques coups de canon dans la rue, et elles cessèrent. Le pillage fut permis dans cette ville. »

 
     
 

Villedieu les Poëles, CPA Collection LPM 1900