VILLEDIEU-LES-POELES
  CC 35.09 INTERCOM DU BASSIN DE VILLEDIEU
   
 

Grand Sacre de Villedieu-Les-Poêles

 

 

 

 

 
 

Le Grand Sacre des années 1910; CPA Collecction LPM 1900

 
     
 

Livre sur Villedieu-Les-Poêles

publié par Manche Tourisme en 1974

et texte de Jean Matillon

 

Le nom de Villedieu est lié depuis le douzième siècle à la renommée du prestigieux Ordre Souverain de Malte. Fondé avant 1090 par Gérard, près de Jérusalem, l'Ordre resta fidèle à sa vocation hospitalière quand par la suite il devint militaire.

 

Chassé de Palestine, il s'établit à Chypre puis à Rhodes puis après la conquête de l’Île en 1523 par Soliman II, il s'implanta dans l’Île de Malte qui lui avait été concédée par Charles Quint. Bâtisseurs opiniâtres et guerriers valeureux, les Chevaliers étaient le rempart du monde occidental contre les Turcs. Bonaparte conquit Malte en 1798. Les Chevaliers quittent alors l’Île mais leurs oeuvres charitables contre toutes les situations de maladie ou de précarité ont survécu à la perte de leur puissance militaire. Toujours souverain au XXIème siècle, bien que sans territoire, l'Ordre n'est pas une curiosité archéologique. Un coup d'oeil sur son histoire révèle ses hauts faits d'armes, sa vocation navale, son rôle de lointain précurseur d'un « marché commun ». II s'honore d'avoir compté dans ses rangs un Tourville, un Suffren, et le maréchal Juin.

 

Des commanderies françaises fondées par l'Ordre de Malte, celle de Villedieu, est probablement la plus ancienne. Grâce aux recherches de MM. Joseph Grente et Oscar Havard, dont le savant travail sur l'histoire de Villedieu fait autorité, on sait qu'Henri 1er d'Angleterre (mort en 1135) fit don à l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, (devenu par la suite l'Ordre Souverain, militaire et hospitalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, de Rhodes et de Malte, plus généralement connu sous le nom « d'Ordre Souverain de Malte »), d'une terre sise en son comté d'Avranches à Villedieu de Saultchevreuil. Cette donation fut faite en vue de créer une maison de Dieu «Vicus Dei» qui devait devenir la première commanderie de la langue de France de l'Ordre Souverain de Malte. Le premier document authentique connu, concernant cet établissement hospitalier chrétien, est une charte de 1147. Différents actes dont l'un daté de 1187, montrent le développement rapide de cette commanderie, qui grâce à la générosité de différents bienfaiteurs, et sous la direction de son Commandeur «ayant droit de tabellionnage et de sergenterie», comprenait un «grand aumônier», et bien entendu d'importants services médicaux et hospitaliers pour recevoir les pèlerins, les sans-logis et les malades «soignés sans distinction de race ou de religion». La garde de l'hôpital, comme celle de la ville, était assurée par une milice bourgeoise dont le capitaine et le lieutenant étaient nommés par le Commandeur.

 

Villedieu constituait donc un fief, dont le seigneur était le Grand Prieur de France de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem rendant hommage aux Comtes d'Evreux.

 
   
 

Le Grand Sacre des années 1910; CPA Collecction LPM 1900

 
     
 

 

A partir de 1404, date à laquelle Charles II de Navarre, Comte d'Evreux, céda son comté au roi Charles VI, les rois de France devinrent suzerains de ce fief.  Nous trouvons de grands noms parmi ceux des Commandeurs, dont on possède la liste jusqu'en 1789.

 

Citons : Claude de la Sangle, qui fut commandeur de Villedieu en 1542. Nommé ambassadeur de l'Ordre à Rome, il devint Grand Maître de Malte en 1553. Il fit fortifier l'île qui porte son nom : l'île de la Sangle. Charles de Gaillarbois Marcouville, qui, en 1603, était ambassadeur de l'Ordre Souverain auprès du roi de France; celui de Jean Caillemer, prêtre commandeur, qui, en 1654, érigea la confrérie du Saint Sacrement, et celui du Commandeur de Rochechouart, dont les armes étaient sculptées sur la clef de voûte de l'antique porte du pont de pierres. Ce bloc de pierre se trouve maintenant exposé sur la plate forme du perron de la Mairie.

 

La cérémonie d’érection de la confrérie du Saint Sacrement fut accomplie le 27 mai 1655. Estienne Angerran fut nommé premier chapelain de la nouvelle confrérie. Les statuts furent, quant à eux, confirmés le 23 mars 1659 par le Commandeur Jean de Caillemer, prêtre et Docteur en théologie de la Sapience de Rome.

 

Les évêques de Coutances, Eustache de Lesseville en 1661 et Charles Loménie de Brienne en 1670, adressèrent des mandements à leur clergé pour inviter les curés circonvoisins, leur clergé et leurs paroissiens à assister à la procession qui devait avoir lieu le dimanche suivant l’octave de la fête Dieu.

 

Les « Sourdins » avaient adressé une supplique à ces évêques, bien que leur paroisse soit indépendante de leur évêché, afin d’avoir leur appui et la présence des paroisses voisines pour donner une plus grande solennité à cette procession.

 

Ainsi, depuis 1655, la confrérie du Saint Sacrement organise à Villedieu le dimanche d’après la Fête Dieu, à l’issue des vêpres, une troisième procession : « Le Grand Sacre ».

 
 
 
 

Le Grand Sacre des années 1910; CPA Collecction LPM 1900

 
     
 

Entouré du clergé et de nombreux fidèles, le Saint Sacrement parcourait les rues de la ville et bénissait les quartiers où se dressaient de nombreux reposoirs. En fait, il y avait deux appellations : « Le Petit Sacre » et « Le Grand Sacre ». Alors que « Le Petit Sacre » se contentait de voir ériger de simples reposoirs et draper les façades des maisons de draps de parement, une fois tous les trois ans se déroulait le Grand Sacre.

 

Les habitants de Villedieu travaillaient des mois entiers pour préparer les guirlandes, décorations ou grands reposoirs majestueux qui orneraient les rues de la cité du cuivre, la rendant digne des fastes d’Espagne, pour le passage du Saint Sacrement.

 

L’Ordre de Malte, bien que neutre et en dépit des accords qu’il avait passés avec la Convention et qui assurait la protection des navires français en Méditerranée voit ses biens saisis lors de la Révolution et le Commandeur, souvent absent, n’était plus représenté que par son lieutenant.

 

Néanmoins, à l’occasion du tricentenaire de la sortie de la première procession, un jeune « Sourdin » émit au Maire et au curé de l’époque l’idée de faire revenir ces Chevaliers de Malte pour cet anniversaire.

 

L’abbé Lebigot, alors curé, et le Maire, Monsieur Quintin, prirent des contacts et une première délégation de Chevaliers de Malte conduite par le Marquis de Sedouy participa à cette procession du Tricentenaire. Le Cardinal Grente avait assisté à la grand messe.

 

Ces cérémonies enthousiasmèrent les membres de l’Ordre et les autorités civiles et religieuses qui y avaient participé et depuis, à chaque « Grand Sacre », l’Ordre Souverain de Malte, conduit par son président, vient en nombre pour participer à cette manifestation que l’Ordre avait justement initiée naguère.

 

Les circonstances de l’époque actuelle et la présence d’autres manifestations font que ces cérémonies se déroulent désormais, non plus tous les trois ans, mais tous les quatre ans.

 
     
 

Le Grand Sacre des années 1910; CPA Collecction LPM 1900