LA BLOUTIERE
  CC 35.05 INTERCOM DU BASSIN DE VILLEDIEU
   
  HISTOIRE -1/2
         
 
 
 

La Bloutiere CPA collection LPM 1900

 
     
 

Avranchin monumental et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1845

 

La noblesche et la baron nie et le castel

de liollos et le castel de la Bluetiére.

(Carlittairc de la Vloutièrc).

 

QUAND on s'éloigne des bords de la Baie du Mont SaintMichel et de l'abbaye qui était le centre religieux de l'Àvranchin, on trouve un sol moins riche en souvenirs, et moins fécond en poésie. Le canton de Villedieu, qui appartenait en grande partie à l'évêché de Coutances, et dont les terres dépendaient surtout de deux abbayes dont les Cartulaires sont perdus, [lambic et la Bloutière, ce canton nous offrira moins d'histoire et d'archéologie. Toutefois deux communes, le commencement et la fin, la Bloutière et Villedieu, formeront d'heureuses exceptions.

 

Une ellipse, dirigée du nord-ouest au sud-est, représente la forme de la Bloutière: la jolie rivière de Sienne, aux coteaux boisés, trace un des segmens; l'autre est tracé par un ruisseau que Cassini nomme Bére.nce, et par des lignes arbitraires. La Forêtrie, le Rouge-Palu, le Pavé-Lucas, les Brûlés, la Baie, la Hague , la Boulaie, et plusieurs habita-. Uons ou hameaux qui, dans ce canton, s'appellent Hôtels, comme les Hôtels Doré, Renaut et Esnault, Codefroy, an Bret, riançori, Tondu , Marie, des Bois, ès Petits, etc.

 

Une église, un Château, un Trieuré, une chapelle sont les éléments principaux de l'étude archéologique de cette commune.

 

Entourée d'une double ligne de sapins, avec un if antique, évasé à la base, et semblable à une énorme bouteille ventrue, au col allongé, l'église de Notre-Dame-de-la-Bloutière n'a conservé du passé qu'une croix ronde, de vieilles statues, des restes de vitraux et une crédence. Elle appartient presque en totalité au XVIIeme et au XVIIIeme siècle. Un banc porte cette inscription : « An 1738 et pour les fres duquel a été donnée la somme de 50 liv. » Les fonts sont insculptés de fleurs de lis. Une tombe est celle de M. Bosquet, sieur de la Forge; une autre est celle de son petit-fils, M. Bosquet, bailli de Villadieu. Une large dalle du chœur porte cette épitaphe : « Ici glt le corps de vénérable et discrète personne G. Bosquet, prêtre, dont la conduite a été l'exemple des plus zélés. Il a été le restaurateur de ce temple, le soutien des pauvres avant et après sa mort. 1764. « Une épitaphe du cimetière indique la sépulture de M. Jouault « fondateur de 500 fr. de rente pour une messe et un instituteur à la Baleine. »

 

Le château de la Bloutière n'existait plus dès le XIVeme siècle: Le chastel étoit adonc abattu. Il était non loin de l'église , sur un monticule arrondi, nommé la Chapelle-SaintJulien , parce que la chapelle de ce nom était au pied. Il se trouvait à la limite de trois arrondissements, en face dn château de la Roche-Tesson, la Sienne coulant entre les deux. On voit encore la trace d'une douve; la Chapelle-Saint-Julien existait encore il y a 60 ans. On raconte ainsi la manière dont elle fut détruite: Un if antique ombrageait l'oratoire, dont l'origine était sans doute romane. Un essaim d'abeilles vint se poser dans son tronc creusé par le temps. Des paysans , voulant s'emparer du miel, ne trouvèrent mieux à faire que d'allumer du feu au pied de l'arbre, afin de chasser les abeilles par la fumée. Chargés de leur butin, ils s'en allèrent chacun dans sa maison; mais le feu, resté dans le tronc, se propageant s'étendit dans les branches, et pendant la nuit l'incendie se communiqua à la chapelle et la réduisit en cendres.

 

Le Prieuré augustin de la Bloutière était au bord de la vallée de la Sienne, à la lisière des bois, enfermés dans une presqu'île. Un chapiteau , un module de colonne , une croix cannelée, voilà tout ce qui en reste, avec une maison qui était l'abbatiale, faite environ 40 ans avant la Révolution. L'ancien couvent était plus rapproché du bois « c'était un corps de logis rectiligne; la petite église, placée au nord, était surmontée d'un clocher carré dont la toiture était en forme de bâtière. Dans l'intérieur des quatre façades on avait établi un cloître en colonnes de beau granit, d'un goût recherché. Au centre était un jardin. Ces bâtiments furent dépecés en 1793 et 1794. »

 

L'église, le château, le Prieuré, la chapelle auront leur histoire dans les documents que nous allons exposer dans l'ordre des temps.

 

Le nom de la Bloutière signifie habitation de Blouet : ce dernier nom normand apparaît souvent dans le Domesday sous la forme de Bloiet et Bloet. Il serait possible que le chef qui donna son nom à cotte localité ou un de ses descendans fût à la Conquête : du moins, selon Orderic Vital, Robert Bloiet, chapelain du Conquérant, nommé évêque de Lincoln en 1098, accompagna Guillaume-Ie-Roux, lorsqu'il alla prendre possession du trône de son père. Dans ce même comté de Lincoln , de grands travaux furent faits par Richard de Rollos, chambellan du Conquérant, homme qui était, suivant un contemporain, un personnage considérable '. Nous sommes porté a croire qu'une alliance s'établit entre les Blouet, originaires de notre paroisse, et les Rollos, originaires de Roullours, dans le Bocage : car nous trouvons ceux-ci seigneurs de la Bloutière, donnant au Prieuré les fiefs des Blouet , c'est-à-dire la Bloutière et Bricqueville - la Blouette.

 

La Chronique de Le Gros, prieur de la Bloutière, dit « que le conte de Sestre Angloys dona par mariage sa fille aasnee au sire de Rollos joxte chastel de Vire, homme de grant puissance de sagesse de lestat de guerre et luy dona la baronie deu chastel en Flore et en la Bloetière ensemble et ledit chastel en la Bloetere lequel de Rollos etait sr de Briqueville la Bloete. »

 

On trouve dans le Livre Rouge de l'Échiquier que, sous le règne de Henri II, le possesseur du château de la Bloutière devait au château de Gavray le service d'un chevalier pour le fief de Rollos. Un Rôle de 1195 mentionne : « Will. de Rollos, » auprès des seigneurs " de Balena, IV. Taisson, etc.a " M. Stapleton le cite plusieurs fois : « W. de Rollos was lord of the castle of la Bloutière upon river Sienne and his land in the parishes of la Bloutière and Fleury was subject to render a half a pound of pepper at Gavray. » —« W. de Rollos paid 7 l. of the fief of a knight at la Bloutière of the aide de l'ost*. » En effet, son article est ainsi formulé; Milit. apud Btoeteriam de aux. exercith

 

Vers le temps de la canonisation de saint Thomas de Cantorbéry, deux ermites, Hugues et Simon , se retirèrent dans une solitude , aux environs du château de la Bloutière. Ils s'y bâtirent une chapelle qui fut dédiée à ce saint, et qui passa pour être le théâtre de nombreux miracles , opérés particulièrement sur les épileptiques. En l'année 1199 , Richard de Rollos, petit-fils, par sa mère, de Hugues, comte d'Avranches, convertit l'ermitage en monastère , le dota de biens suffisans, et y appela des chanoines réguliers de Sainte-Barbe, au pays d'Auge. Guillaume de Tournebu consacra l'église au mois de mai de l'an 1200 , et confirma la fondation et la dotation du monastère. Lorsque Odon Rigault, en 1250 , fit sa visite du diocèse de Coutances, il ne visita pas le prieuré de la Bloutière, quoique, allant de Yilledieu à Hambie , il le trouvât sur sa route : ce qui fait penser qu'il avait alors peu d'importance Mais toute cette histoire est naïvement contée dans une chronique du monastère, qui se termine par une série, d'abbés auxquels nous ne connaissons que quelques successeurs:

 

« Lequel baron de la Bloetere et de Flore appellee adonq mons Ricard sire du castel et terres de Rollos homme de saincte vie de honeste conversation de grande devocion de sagecc pourveu garny de richeces pensant de lame de luy de ses predecessors et successors inspirei de par Deu par lexaltacion de la foy catholique et de lonor de Deu et de saincte mere yglese vit et considera que dedens les boys de la Bloetere joxte son castel estoient et demorooent doux saincts hermites Symon et Hues et que icelx et leleou estoient bien promeus et ordenez a une religion tant pour multiplicacion de sainctes persones religios que par le leou en place secrete pour devocion, remote des tabernacles des pecheors et ordena icel leou appellei a icelx hermites joxte les fonteines du boys ou la nous dison la croute sus Syene appellei le veil leu et aussi le nouvel leou et y fist venir maezons carpentiers et aultres en lan m. c. lxvij. et fist iceli mons. Rie. de Rollos édifier illoques en iceli an une religion de prior conventuel et de chanoynes reguliers souz iceli prior prelat et pastor en toutes choses par manere de abbaye qui est de plusors incoles eu pais touz jors dicte labbaye de la Bloetere et ne est subjecte a aucune religion mes a levesque solement et commist a celle religion lordinaire de saincte Barbe par escript solement. Et en temps que il y edifiot si comme la renomee anciene recite il apparuit iloques as edifioors un grant home de belle stature qui Iour demanda que illoques edifiooent, as quels edifioors respondens que ce estoit une religion de chanoynes faicte de par le baron de la Bloetere appellei de Rollos iceli bel home derrechief demanda de quel sainct ladicte religion seroit lesquels ouvriers luy distrent que elx ne le savoient forsque les hermitesqui seroient religios deprioient et adoroenlS. Authone hermiie. Adonq celuy home lour dist: Dictes a ccli qui funde et constitue ladicte religion ici que elle soit faicte et ordenee en lonor de Deu et du premier sainct qui sera faict martir eu monde. Lors il se disparut nec oncque le avoient veu ne puis ne le virent. Pourquoi plusors ont presumei que ceu fut voiz de par Deu. Et en cel temps estoit revenu de exil S. Thomas et tantost apres il fut occis et faict par sa mort et par sa sainctete martir a Cantorbere et fut et est et sera martir sainctifiei et la religion de la Bloetere consacree et sainctifiec eu non de S. Thomas martir en lermitage de la Bloetere et le premier prior conventual avoit non Johan. Le secund appellei Ode du Pont de Constances qui fut chevalier au siecle et puis chevalier de Deu en religion et prior segunt. Le tiers prior avoit non Ricart. Raoul estoit le quart. Nicolas fut le quint. Le sexte estoit Thomas de Syene. Le septeesme Nicole de Borguenol et lautre Nicole le Cornu de la Chese Baudoin, si corne je le ay escript par le martirologe. Le viij° fut Robert de Briqueville. Martin son nevou fut novesme. Pierres Bontemps dezeesme en bon temps. Guill' de Ver undzeesmc et ge Guillaume Gros prior dozeesme de par Deu et de par le pape »