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"Le gouvernement envoyait en Normandie des commissaires extraordinaires pour faire exécuter par la force les édits fiscaux que les cours souveraines avaient repoussé ; de nombreuses réclamations s'élevèrent contre eux. Sous XIII, les maîtres des requêtes Renard , Granger, Barentin, Fouquet, Turgot, Marescot, Morant se succédèrent dans la province, et prenant parfois d'étranges libertés.
Morant, envoyé en Normandie avec des pouvoirs que le Parlement n'avait pas vus, allait de ville en ville, de prétoire en prétoire, prendre d'autorité la première place parmi les juges, faire lire ses pouvoirs, les déclarer lui-même enregistré..., agissant en maître, ordonnant toute chose, tranchant sur tout ; on le voyait partout informer, décréter, faire transférer des prisonniers, en disposer à son gré, faire araser des châteaux sous prétexte de fortifications, mander les magistrats, les interroger sur ce qui regardait l'administration de la justice." On l'accusa même devant le Parlement d'avoir, au mépris des plus anciens usages, "dispensé les assesseurs de la vicomté de Bayeux d'opiner publiquement ès cause d'audience et de demander l'avis des avocats assistants" et d'avoir ordonné "que tous procès appointés au conseil serait jugé à huis clos par avis seul des assesseurs."
En réalité, il s'était contenté d'accueillir favorablement les réclamations et plaintes des assesseurs. Le Parlement qui déjà avait ordonné la comparution de Morant devant les chambres assemblées pour y présenter ses commissions et avait fait, en attendant, défense de les exécuter et y avoir égard (23 février 1617) cassa et annula tout ce qu'avait fait Morant, enjoignit à tous juges du ressort d'observer exactement les arrêts et règlements, fit défense à Morant de rien innover. Levert, huissier du Parlement, fut envoyé à Caen pour l'hier à Morant les arrêts de la Cour avec l'assignation, mais ce dernier le fit arrêter.
Toutefois, sur les observations du lieutenant général du Présidial qui lui représenta que cet huissier envoyé par le Parlement ne pouvait être arrêté, Morant consentit à le faire élargir des mains des sergents, le gardant seulement en arrêt dans la ville. Levert prit la fuite et alla raconter les faits au Parlement qui furieux lança contre Morant une ordonnance de prise de corps et dépêcha deux huissiers pour l'exécuter. À cette nouvelle, les maîtres des requêtes réunis à Paris, prenant fait et cause pour leurs collègues, décrétèrent par une sentence de prise de corps plusieurs conseillers de la grande chambre, l'avocat général et même le premier président Faucon de Ris !
Un arrêt du conseil auquel pris part le roi (1er juin 1617) mit fin à ces démêlés violents en annulant à la fois les arrêts du Parlement et la décision illégale des maître des requêtes, ensemble en révoquant les commissions de Morant, dont le zèle et l'ardeur étaient jugé exagérés. Des lettres patentes du 1er février 1621 nommèrent Thomas Morant Grand Trésorier et Commandeur des Ordres du Roi ; la même année, après la mort de son père, il fut nommé conseiller du roi en ses Conseils d’état et privé. Il était en même temps Garde héréditaire des sceaux et obligations de la vicomté de Caen.
Thomas Morant s'occupa la même époque de compléter l'organisation du couvent des Dominicains, fondé par son père dans sa terre du Mesnil Garnier. Il avait lui-même, en 1620 fait une fondation intéressante en faveur du collège de Mont, dirigé par les jésuites à Caen, en instituant, par un contrat passé devant les notaires de Caen, (lire l'original) des prix qui devaient être distribués en son nom à perpétuité. Ces prix, dont de beaux spécimens sont au musée Mancel de Caen, portent sur la couverture des écussons divers : tantôt les écus de Morant, l'un, ovale, avec couronne ducale et les colliers des ordres du Roi ; tantôt un écusson écartelé au 1 et 4 de Morant et au 2 et 3, des armes des Cauchon-Treslon, un griffon sommé d'un casque avec ses lambrequins. Ces armoiries étaient celles de la première femme de Thomas Morant.
Thomas Morant avait acquis en 1630, la baronnie de Courseulles, dépendant de la sergenterie de Bernières, élection de Caen. À la même époque, des troubles ayant éclaté en basse-Normandie, à l'occasion de l'établissement de la gabelle, il fut vivement inquiété par les nu-pieds, qui le traitaient de monopolier et de babeleur; il dut se fortifier dans son château du Mesnil Garnier.
Thomas avait épousé en premières noces Jeanne Cauchon de Treslon, qui mourut le 9 septembre 1622. Le contrat de mariage porte la date du 23 juillet 1609 chez Ferbire et Bergeon, notaires à Paris. On y constate la présence de : Messire Laurent Cauchon, sieur de Treslon, conseiller du roi en son Conseil d'état et privé, maître des requêtes ordinaires en son hôtel et de dame Anne Brulart, sa femme demeurant à Paris, au chevalier du guet, pères et mères de la future. Messire Thomas Morant futur époux seigneur et baron du Mesnil Garnier conseiller du roi en son grand conseil demeurant à Paris rue de Jouy paroisse saint Paul, assisté de l'autorité de noble homme Thomas Morant, sieur et patron d'Esterville et Rupierre, conseiller du roi, trésorier général de France en la généralité de Rouen et demoiselle Massiotte Morel ses pères et mères. Dame Marie Cauchon, veuve de feu messire Pierre Brulart de Sillery, vivant sieur de Bibrun, conseiller du roi en ses Conseils, président des requêtes en sa Cour des aides, aïeule. Messire Nicolas Brulart, sieur de Sillery, conseiller du roi en ses Conseils, chancelier de France (il fut secrétaire d'état en 1640).
La dot de la future était de 40.000 livres, dont un tiers demeurant au futur pour frais de noces. Celle du futur consistait :
- Premièrement en la moitié de l'hôtel de la rue de Jouy, donnée par son père, le sieur d'Esterville (l'autre moitié demeurant pour part et à la disposition de la mère du futur). - Deuxièmement en son office de conseiller au Grand Conseil. - Troisièmement en la propriété et usufruit de la terre et baronnie du Mesnil Garnier et Champrepus. - Quatrièmement et enfin en la moitié des meubles qui se trouveront au décès de ses père et mère.
La future épouse recevait du futur époux un douaire de 2.500 livres de rente.
De ce premier mariage sont issus :
- Thomas, IIIe du nom.
- Anne, née en 1619, mariée le 23 octobre 1636, à Louis Olivier, chevalier, marquis de Leuville, baron de Vair, lieutenant général des armées du roi. Devenue veuve, elle substitua sa terre de Leuville à son neveu Louis du Bois, marquis de Givry, qui épousa la fille de Thomas, IIIe du nom. Elle est décédée le 9 septembre 1698, sans laisser de postérité ; elle avait perdu ses deux enfants : Louis Olivier, marquis de Leuville mort sans postérité en 1671, et Marie-Anne Olivier de Leuville, gouvernante des enfants de Monsieur, laquelle avait épousé Antoine Ruzé, marquis d'Effiat, Chilly, Longjumeau etc. chevalier des ordres du roi et premier écuyer de Monsieur, morte elle aussi sans postérité en 1684 (Mercure galant, septembre 1698). Jeanne, née en 1620, morte sans alliance.
Thomas Morant épousa en secondes noces, le 16 septembre 1624, noble demoiselle Françoise Catherine de Vieux Pont, fille de Jean de Vieux Pont, écuyer, et de Marie-Catherine de Beauffremont. En l'honneur de ce mariage, il fit frapper de nouveaux jetons conservés à la Bibliothèque Nationale.
Du mariage de Thomas Morant et de sa seconde femme Françoise de Vieux-Pont naquirent :
- Nicolas Claude, auteur de la branche puînée des Morant, baron de Courseulles, branche dite encore d’Esterville de Morant (Mercure de France, 1752).
-Charles Roger, dit le chevalier du Mesnil Garnier, auteur de la branche cadette des barons de Coulonces. - Henry Dominique, dit le chevalier de Courseulles, officier de marine. - François, religieux bénédictin, prieur de Cusset. - Louis, né le 25 septembre 1641, château de Courseulles, lieutenant de vaisseau. - Marie-Claire, épouse de Michel le Loup, sieur de la Motte Guesclin, décédée en 1692. - Catherine, abbesse du Gif. - N., abbesse de Maret.
- N, abbesse de Montreuil,
- N., supérieure des Carmélites de Compiègne. Mort en 1651, Thomas Morant fut inhumé dans le couvent des Dominicains du Mesnil Garnier.
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