LE MESNIL-GARNIER
  CC 34.07 DU BOCAGE COUTANCAIS
   
  GUILLAUME DE THIEUVILLE
         
 

Histoire des Evêques de Coutances

depuis la fondation de l' Evêché,

Auguste Lecanu - 1839

 

Guillaume de Thieuville , seigneur du Mesnil-Garnier, fils de Raoul de Thieuville et d'Isabelle de Beaufay W , fui , élevé jusqu'à l'âge de quinze ans sous les yeux de son oncle, Raoul de Thieuville, évêque d'Avranches. Cet évêque étant venu à mourir, l'an 1292 , Guillaume passa sous la conduite de Robert d'Harcourt, son proche parent; il fit de tels progrès dans les sciences et la vertu , qu'il devint bientôt un sujet d'admiration pour tous ceux qui le connurent; aussi l'évèquedeCoutances s'empressa-t-il de l'attachera son église, en. qualité de chanoine, et de l'élever aux fonctions d'archidiacre. Mais ce qui prouve encore mieux le mérite deGuillau

 

(1) De Bellà~Fago. V. Bess.... Gall. Christ.... Il est probable qu'il y a erreur sur le nom du père de notre évêque, car il faudrait que les deux frères : savoir, l'évéque d'Avranches, et le père de Guillaume, eussent porté l'un et l'autre lé nom de Raoul, ce qui n'est pas présumable.

 

me, c'est le suffrage du clergé de Coutances > qui le porta sur le trône épiscopal, à l'âge de trente-huit ans, immédiatement après la mort de Robert II. Il fut sacré à Rouen, par les mains de l'archevêque , alors Gilles Aisselin.

 

On croit qu'il était natif de Coutances et qu'il avait été baptisé à la cathédrale : on le conclut d'un mandement dans lequel ce prélat rend grâces à la providence d'avoir été régénéré dans cette église, dans laquelle il devait plus tard remplir les fonctions de chanoine, d'archidiacre et d'évêque^ Il est vrai cependant qu'on pourrait tout aussi bien entendre ces paroles de l'église diocésaine que de la cathédrale même*

 

Le premier acte de quelqu'importance qui nous reste de cet évèque est un titre nouvel de tous les biens de la cathédrale , sous le seing du roi Philippe V, et à la date du mois de mars 1319. En 1321 et en 1342, il assista à des conciles provinciaux. En 1335 , il avait envoyé deux députés à un autre , qui avait été réuni par ordre du roi, et qui avait pour but d'obtenir une décime de six années, accordée par le pape , Jean XXII, pour les frais d'une croisade, prêchée depuis deux ans.

 

Guillaume II fit faire de grandes réparations au palais épiscopal, mais il fit élever une construction bien plus vaste encore : ce fut une galerie extérieure à la cathédrale, et en faisant le tour, dans laquelle on faisait la procession en temps de pluie. Sur ce bâtiment, il fit construire des greniers pour serrer les blés du chapitre et de la cathédrale.

 

Nous ignorons jusqu'à quelle époque a subsisté ce bâtiment si vaste , et qui devait être aussi peu nécessaire que de mauvais goût. ( V. Toust. d. Billy ,H. des Ev. de Cout. )

 

Ce qui rend Guillaume de Thieuville plus célébre, c'est sa dispute avec Pierre de Cugnières : l'histoire de cette querelle parlementaire est suffisamment connue, qu'il suffise donc de dire ici, qu'il s'agissait d'un conflit entre les juridictions laïque et ecclésiastique : la question principale était celle-ci: la juridiction ecclésiastique est-elle, ou n'est-elle pas, une usurpation des droits royaux. Pierre de Cugnières, avocat conseiller au parlement de Paris, soutint la cause laïque, avec talent, chaleur, éloquence, en présence du roi et du parlement en grande assemblée. Bertrand, évèque d'Autun, Pierre Roger, archevêque de Sens, auxquels avait été adjoint pour conseil l'évêque de Coutances, plaidèrent pour l'église et gagnèrent leur cause. Tout Paris, et surtout le peuple clerc , prit part à l'affaire. Pierre de Cugnières fut couvert de ridicule , accusé même d'hérésie, et baptisé du sobriquet de Pierre-du-Coignet : par allusion à une petite statue, placée dans un coin de l'église Notre-Dame , au nez de laquelle les enfans de chœur allèrent éteindre leurs cierges. Mais ceci est l'affaire de la populace , et non des prélats, qui n'employèrent pour combattre leur adversaire, que des armes avouées par l'honneur et la justice.

 

Si cette querelle peut donner à notre évèque quelque célébrité , le soin qu'il prit du gouvernement de son troupeau , et du bien-être de son église , doit le rendre bien plus recommandable. Nous avons déjà parlé dela rénovation qu'it fit faire des titres de la Cathédrale : plus tard , il transféra en cette église le chapitre de la chapelle ducale de Cherbourg , ainsi que ses biens. Mais pour en conserver le souvenir, et se conformer aux pieuses intentions des fondateurs, il ordonna que l'on fit à perpétuité , à certains jours de chaque année , l'office de cette chapelle. Par un autre acte , beaucoup plus important, à la date de 1338 , il régla, d'accord avec son chapitre , deux graves questions; premièrement celle de la prière capitulaire : le psautier fut partagé entre les chanoines , de manière à être récité chaque jour

 

en entier dans la cathédrale, et cela sans préjudice de l'office chauté. La seconde question fut celle (le la présentation aux bénéfices qui étaient à la nomination du chapitre : le droit fut donné à chacun des chanoines , par quinzaines , et à tour de rôle ; il n'était rien de plus propre à éloigner les brigues , à étouffer le népotisme , à contenter tous les chanoines à' la fois. Cè fut à cette occasion que l'évêque prononça ces belles paroles , si dignes d'être recuéillies: une charité si forte et si grande doit unir les confrères , que quand il s'agit du bien commun , la volonté personnelle et la détestable ambition ne puissent se produire ; afin que l'union se fortifie par de continuels accroissemens. L'évêque , en sa qualité de premier chanoine , prit à sa charge les huit premiers psaumes , et se réserva la nomination aux bénéfices pendant la première quinzaine. Le prébendé de Lengronne eut les sept psaumes suivans , et la présentation aux bénéfices pendant la seconde quinzaine. Le prébendé de SaintLouet eut les quatre psaumes suivans et la troisième quinzaine , et ainsi des autres. Ce règlement nous apprend que les abbés de Trouars , de Saint-Taurin d'Évreux , et le prieur de Saink-Laut de Rouen étaient chanoines de la cathédrale de Coutances ; ce qui, en y comprenant l'abbé de Lessay , faisait quatre chanoines non résidens; mais , vu leur absence , ils n'eurent point de part à la distribution de la feuille des bénéfices , et ne furent point chargés de la récitation des psaumes.

 

L'auteur des Nuits de Blanchelande nous apprend qu'en l'an 1345 commença une grande mortalité , qui dura trois ans , et qui enleva les deux tiers des hommes et des femmes, par tout le diocèse. Les caractères de cette maladie ressemblent fort à ceux du choléra-morbus. C'est peut-être à elle qu'il faut attribuer la mort de l'evêque. Il mourut au Mënil-Garnier, le dernier jour du mois d'octobre 1345 , à lage de soixante-dix ans. Le deux novembre suivant, il fut rapporté à Coutances, et inhumé dans le chœur de la cathédrale. Il y a lieu de croire cependant que l'on ne transféra à Coutances qu'une partie de ses dépouilles mortelles, soit ses entrailles ou son cœur , car on voyait aussi son tombeau dans l'église du Mênil-Garnier, et cette, église ayant été changée d'emplacement, le tombeau fut pla-. cé dans le mur du cimetière, où les curieux allaient le voir encore long-temps après.

 

Guillaume de Thieuville portait pour armes , d'argent à deux bandes de gueules, accompagnées de sept coquilles de même, trois, trois et une.